Brexit : la bataille contre le « no deal » devant les tribunaux

Les opposants à un Brexit dur ont lancé jeudi une bataille judiciaire contre la décision du Premier ministre  Boris Johnson de suspendre le Parlement pendant plus d’un mois, qui a indigné une bonne partie du pays et entraîné la démission de la très populaire cheffe des conservateurs écossais.

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Ruth Davidson, favorable au maintien du Royaume-Uni dans l’UE, a évoqué « le conflit » qu’elle a « ressenti sur le Brexit » dans sa lettre de démission et exhorté Boris Johnson à trouver un terrain d’entente avec l’Union européenne. La quadragénaire à la personnalité joviale et charismatique avait su redonner un nouveau souffle au Parti conservateur en Ecosse, qu’elle dirigeait depuis 2011.

La décision de Boris Johnson de suspendre le Parlement à partir de la deuxième semaine de septembre et jusqu’au 14 octobre, deux semaines avant le Brexit, a suscité une vague d’indignation au Royaume-Uni, berceau du parlementarisme moderne.

M. Johnson a dit vouloir mettre ce temps à profit pour élaborer une nouvelle politique « ambitieuse » pour le pays. Mais l’opposition y voit une manoeuvre pour empêcher les députés de bloquer un Brexit dur, que le gouvernement s’est dit prêt à mettre en oeuvre s’il ne trouve pas de compromis avec Bruxelles sur les conditions de la sortie de l’UE le 31 octobre.

« Il n’y a pas d’exemple dans l’histoire moderne où la suspension a été utilisée de cette façon », a dénoncé Gina Miller, une femme d’affaires et militante anti-Brexit qui a engagé un recours devant la justice anglaise. « Elle est manifestement utilisée (…) pour empêcher le Parlement de légiférer contre une absence d’accord », a-t-elle ajouté sur la BBC.

Mme Miller avait déjà gagné en 2017 une bataille juridique pour forcer le gouvernement, alors dirigé par Theresa May, à consulter le Parlement sur le processus de retrait.

Un groupe d’environ 75 parlementaires pro-UE a de son côté demandé à la plus haute instance civile d’Ecosse d’être entendu en urgence dans l’attente d’une audience sur le fond le 6 septembre.

– « Dictature » –

Il est courant que le Parlement britannique ne siège pas pendant quelques semaines en septembre, lors des congrès annuels des partis. Il n’est pas non plus inhabituel qu’un nouveau Premier ministre suspende brièvement la session parlementaire en cours pour présenter ensuite un nouveau programme.

« Le Parlement n’allait de toute façon pas siéger pour la plus grande partie de cette période. C’est totalement constitutionnel et approprié », a défendu Jacob Rees-Mogg, l’eurosceptique ministre chargé des Relations avec le Parlement. « Je pense que cette indignation est bidon et créée par des gens qui ne veulent pas que nous quittions l’Union européenne » malgré le référendum de juin 2016 s’étant prononcé à 52% pour le Brexit, a-t-il ajouté sur la BBC.

Des milliers de personnes ont manifesté mercredi soir à Londres, Manchester, Edimbourg et d’autres grandes villes, brandissant le drapeau européen et scnadant « Arrêtez le coup d’Etat ». D’autres rassemblements sont prévus durant le week-end.

Sur le site officiel petition.parliament.uk, une pétition contre la décision dépassait jeudi les 1,3 million de signatures. Au Royaume-Uni, toute pétition atteignant 100.000 signatures peut déclencher l’ouverture d’un débat parlementaire.

John McDonnell, un poids lourd du Parti travailliste, a déclaré que sa formation ne permettrait pas une « dictature » au Royaume-Uni.

Pour Barry Gardiner, député chargé des questions de commerce international pour le Parti travailliste, « Downing Street ment » en disant vouloir mettre en avant son programme. Il a indiqué que les députés demanderaient un débat d’urgence pour tenter de lancer une législation contrant un « no deal », un scénario qui fait craindre des pénuries et le rétablissement de droits de douane.

– Elections générales –

Plusieurs titres de la presse quotidienne britannique jouaient jeudi sur les mots « prorogation » (suspension) et « rogue state » (état voyou), relayant les indignations de responsables politiques, jusque dans le camp conservateur, dont le président tory de la Chambre basse John Bercow qui a dénoncé un « scandale constitutionnel ».

Jeremy Corbyn, le chef du Labour, espère obtenir le soutien des députés pour déposer une motion de censure contre le gouvernement.

Si une telle motion passe, les députés auront jusqu’à 14 jours pour parvenir à former un gouvernement alternatif. Boris Johnson pourrait alors soit accepter de démissionner, soit convoquer des élections législatives, un scénario de plus en plus souvent évoqué.

Selon le gouvernement, la date du retour a été choisie le 14 octobre pour que le Parlement siège avant le Conseil européen des 17 et 18 octobre et puisse, en cas d’un nouvel accord avec l’UE, adopter la loi nécessaire à sa ratification avant le Brexit.

 

bur-mpa/fb/phv 

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