BRUTALITÉ POLICIÈRE : Aux travers des bourreaux

De janvier à la première quinzaine du mois d’avril, 233 plaintes ont été logées contre des policiers. Plusieurs de ces cas de brutalité alléguée ont été rapportés dans la presse, comme pour rappeler que le système ne change pas. Alors que la National Human Rights Commission ne fonctionne plus, rien ne semble être fait pour éradiquer ce mal. Une situation entretenue par l’impunité, les dysfonctionnements du système et le silence. L’absence d’une culture des droits humains à Maurice y contribuerait également.
Les choses ne changent pas. Pour une raison ou une autre, il y a toujours des policiers qui sont persuadés que l’uniforme leur accorde tous les droits. N’importe qui peut faire les frais de ce système qui est pourtant régulièrement dénoncé. En ce moment, les autorités policières et politiques n’y accordent aucune attention, laissant faire les choses jusqu’au prochain drame. La question mérite d’être traitée en profondeur afin que soient trouvées de vraies solutions.
Une refonte de la formation des policiers est réclamée. L’avocat Sanjeev Teeluckdharry et Lindsay Morvan de l’ONG Justice soulignent que les enquêtes policières doivent être basées sur des preuves et non de simples aveux. Sanjeev Teeluckdharry estime que la culture des droits humains doit être vulgarisée afin que chaque citoyen puisse connaître ses droits. Selon lui, ce sont surtout ceux qui les ignorent qui sont les plus terrorisés et succombent sous la pression exercée par certains officiers de police.
Réparation.
Il y a quelques années, la National Human Rights Commission (NHRC) avait été créée et présentée comme une des solutions à la brutalité policière. Divers cas avaient été entendus par son président et ses assesseurs, dont le rôle était aussi de soumettre un rapport annuel sur la situation des droits humains dans le pays. Le gouvernement Ramgoolam a préféré paralyser cette instance, en privant le président de ses assesseurs. Si le réveil de la NHRC est plus que nécessaire, on espère qu’elle soit dotée de plus de pouvoirs et d’un effectif plus fourni afin de mener ses enquêtes et pour loger des poursuites.
Parmi les autres recours possibles, il a été question d’interrogatoires effectués devant une caméra et la détention préventive dans des cellules placées sous surveillance vidéo. Les prises de position de la société civile et des organisations militant pour les droits humains sont également souhaitées. Leur rôle serait de conscientiser la population sur ses droits.
Révolte.
Entre-temps, les victimes souffrent toujours. Parmi les cas allégués, les sévices subis par Anila Seewoogoolam donnent froid dans le dos. Éprouvant encore des douleurs plus d’un mois après le calvaire qu’elle a connu, elle s’est confiée à Scope en larmes. C’est un sentiment de révolte qui l’anime après la façon dont son fils et elle ont été traités, “sans raison”.
C’est aussi l’incompréhension chez les proches de Steven Legallant, fils de Georges Legallant du mouvement Rezistans ek Alternativ. Conduit au poste de police de Grand-Baie, il aurait été insulté. Des allégations ont été faites à son encontre au sujet de son appartenance ethnique concernant des désordres au stade Anjalay et plusieurs cas de criminalité. “Zot mem ki fer dezord partou”, lui aurait-on dit, après qu’on l’a copieusement insulté.
Autre cas, et presque le même scénario : celui de ce jeune homme qui dit avoir été heurté par un véhicule de la police qui le poursuivait. Il aurait reçu plusieurs coups par certains officiers de police. C’est sous la contrainte qu’il a signé une déclaration afin de mettre fin au supplice qu’on lui faisait subir. Traumatisé par cette expérience, il compte bien chercher réparation car il affirme avoir été injustement accusé et qu’il a été forcé d’apposer sa signature sur une déclaration.
Transparence.
Dans plusieurs cas, des plaintes ont été logées à la NHRC et au Complaints Investigation Bureau (CIB). Toutes les victimes cherchent réparation pour le préjudice qu’elles ont subi. Une enquête est en cours pour chaque cas. Mais la NHRC semble être en hibernation et tous nos appels ont été infructueux. Le CIB a choisi le mutisme sur le nombre de cas en cours et sur les sanctions qui ont été prises à l’encontre des policiers trouvés coupables de brutalité. Nous n’avons pu obtenir une déclaration officielle de cette instance, supposément indépendante, mais qui opère sous l’égide du Commissaire de police. D’où le souhait de Lindsay Morvan et de Me Sanjeev Teeluckdharry pour que toutes les investigations soient menées par un département totalement détaché de la force policière. Pour plus de transparence, la police ne devrait pas enquêter sur la police.
Il faut également changer la mentalité de certains membres de la population qui justifieraient les cas de brutalité policière en affirmant que c’est la condition sine qua non pour que règne la tranquillité dans le pays. Pour le représentant de Justice, n’importe qui peut en être victime. “Ces personnes seraient-elles contentes si un de leurs proches était victime de brutalité policière ?” s’interroge Lindsay Morvan.
Diligence.
Dans l’état actuel des choses, il règne aussi un sentiment de cover up de la part de la police. Les officiers trouvés coupables sont transférés à un autre poste de police ou écopent d’une simple amende. Selon Lindsay Morvan, “l’impunité encourage certains policiers à utiliser leur uniforme pour des excès de zèle”. Il constate une remontée de cas allégués de brutalité policière qui serait due à la hausse de la criminalité. Pour “contrôler” la situation, certains policiers useraient de violence.
Certaines victimes subiraient aussi une torture morale et sont menacées de représailles si elles dénoncent leurs “bourreaux”. Cela expliquerait pourquoi certains cas ne sont pas rapportés, d’autant qu’il faut parfois compter plusieurs années avant que les affaires passent en cour. Le temps jouant contre les victimes, les éventuelles traces laissées peuvent disparaître. Certains policiers ont aussi adopté une méthode de “torture” qui ne laisse aucune trace. C’est alors la parole de l’accusé contre celle de la police. Certains magistrats donneraient plus de crédit à cette dernière.
Les cas de brutalité policière deviennent difficiles à prouver. D’où le souhait que la justice fasse diligence…

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