Budget 2011: Restaurer le pouvoir d’achat

Le 4 novembre, le gouvernement présentera son budget pour l’année financière 2012. Un premier exercice pour Xavier-Luc Duval dans un contexte politique particulier, où le gouvernement vient de perdre un de ses alliés. Tandis que les adversaires négocient une alliance entre eux et à la veille des élections municipales, l’enjeu a toute son importance. Entre-temps, les attentes du peuple, dont le pouvoir d’achat a baissé, sont nombreuses.
“Il faut restaurer le pouvoir d’achat.” Pierre d’Unienville, directeur d’Infinite Corporate Finance, ne passe pas par quatre chemins pour expliquer qu’il faut relancer la consommation. C’était à l’occasion du 8e Business Forum organisé par la Jeune Chambre Internationale. Et il n’est pas le seul à le penser. Jayen Chellum, de l’Association des Consommateurs de l’île Maurice (ACIM), abonde dans le même sens, jugeant que la “compensation” annoncée par le nouveau ministre des Finances, Xavier-Luc Duval, n’est en fait “qu’un ajustement par rapport à la perte du pouvoir d’achat depuis ces dernières années”.
TVA abolie…
Si certains ont accueilli cette nouvelle avec joie, Jayen Chellum estime pour sa part qu’il n’y a pas de quoi pavoiser. Pour le secrétaire général de l’ACIM, cet ajustement ne va pas changer grand-chose pour les consommateurs, vu le prix actuel des produits alimentaires, qui représentent près de 40% des dépenses ménagères. Il pense ainsi que la TVA devrait être abolie sur certains produits comme les carburants.
Ce ne sont pas Jean, employé dans une imprimerie, et Anne-Marie, son épouse, qui vont le contredire. Ces derniers n’ont pas jubilé à l’annonce du taux de compensation. Malgré son emploi, Jean doit tout de même trouver des moyens pour arrondir ses fins de mois. Son salaire et celui de son épouse, employée comme attendant dans un établissement secondaire privé, ne suffisent pas pour subvenir aux besoins de la famille. C’est ainsi qu’il doit s’adonner à d’autres travaux pendant son temps libre afin de réussir à joindre les deux bouts. Avec leurs deux fils au collège, l’un en Form V et l’autre en Form I, le couple a du mal à s’en sortir et espère des mesures appropriées pour ceux qui se trouvent au bas de l’échelle sociale. Pour eux, une baisse du prix des produits alimentaires serait des plus urgentes.
Rude concurrence
Jaysen, gérant d’une boutique dans les basses Plaines Wilhems, émet lui aussi le même souhait. Au train où vont les choses, il ne voit pas son commerce survivre encore longtemps et pense que d’ici quelques années, il aura à mettre la clé sous la porte. Dans de nombreuses régions, la boutique du quartier n’est devenue qu’une sorte de “dépannage” pour bon nombre d’habitants. “La plupart des clients préfèrent aller dans les supermarchés pour pouvoir profiter des promotions”, souligne-t-il. Face à cette concurrence, Jaysen ne peut que compter sur la vente du pain pour espérer faire quelques bénéfices.
Pour ce faire, il doit être debout dès 5h le matin. Pendant la journée, il préfère fermer les portes de son commerce, faute de clientèle. Même si cela lui laisse le temps de souffler un peu avant de reprendre le travail à 15h, jusqu’à 19h, être boutiquier est de plus en plus difficile, selon lui. Sans grande conviction, il espère malgré tout qu’après la présentation du Budget le 4 novembre, des mesures seront prises pour que les petits commerces puissent toujours être au service des petits consommateurs, qui sont souvent obligés d’acheter à crédit.
Messages subtils
Selon Pierre d’Unienville, le pays passe actuellement par une crise du pouvoir d’achat, avec une compensation salariale “faible” face à une augmentation des dépenses, elle-même due à la hausse de prix de nombreux produits. Ce qui revient à dire que le salaire réel a baissé. Au risque de déplaire, il estime pourtant que cette compensation est “une bonne chose”. Celle-ci pourra contribuer à encourager les dépenses et relancer la consommation, car de nombreuses entreprises à Maurice se disent en difficulté. Aussi prône-t-il des mesures permettant d’amortir leurs coûts. Au cas contraire, ce sont les consommateurs qui vont une nouvelle fois en faire les frais, avec d’autres augmentations de prix en cascade.
Alors que la présentation du budget ne devrait être qu’un exercice de comptabilité, Pierre d’Unienville estime que ce n’est pas le cas à Maurice. “Il y a des messages subtils qui sont passés par le Grand Argentier au cours de cette présentation”, note-t-il. C’est ce qui pourrait expliquer l’intérêt que la population porte chaque année à cet exercice. Plus particulièrement, c’est le monde des affaires qui est, pour Pierre d’Unienville, dans une situation d’attente, parce que le gouvernement a souvent tapé sur le secteur privé, l’ayant ainsi contraint à un certain repli. “L’économie a besoin d’un climat de confiance”, dit-il.
“Donn dan enn lamin…”
Vu leur situation difficile, les conflits et autres tractations politiques actuels sont le cadet des soucis de Jean et Anne-Marie. Tout ce qu’ils souhaitent, c’est d’avoir simplement les moyens nécessaires pour mener une vie décente. Ainsi, ils auraient souhaité une compensation salariale d’au moins Rs 1,000, qui leur aurait été d’une grande utilité. Avec les frais qu’ils doivent encourir pour la scolarisation de leurs enfants, il est difficile pour eux de concevoir que l’éducation soit réellement gratuite à Maurice. Et l’annonce de la hausse des tarifs de la CWA, prévue pour janvier 2012, est loin de les réjouir. Selon les autorités concernées, cette hausse servira à améliorer la distribution d’eau en remplaçant les vieux conduits, mais le couple estime que cette mesure équivaut à “donn dan enn lamin e pran dan lot”.
Alignement difficile
La perte du pouvoir d’achat des consommateurs est bien palpable pour Jaysen. Quotidiennement au contact de personnes issues de différents milieux, il voit et comprend la misère du petit peuple. Citant en exemple le prix actuel des couches pour bébés ou pour adultes, il indique que certaines personnes, ne pouvant se permettre de payer tout un paquet, les achètent au détail. “Le prix d’une couche pour adulte est de Rs 35. Je peux comprendre que c’est difficile pour certains”, dit-il tristement.
Malgré ses difficultés, Jaysen ne se plaint pourtant pas des clients qui préfèrent faire leurs courses au supermarché de la localité. “Les supermarchés achètent en gros. Ils bénéficient donc d’un meilleur prix à l’achat, ce qui leur permet alors de vendre leurs produits moins cher que les petites boutiques. Il est difficile pour nous d’aligner nos prix sur les leurs.”
Il est clair que Xavier-Luc Duval fera à la présentation de son budget des heureux, mais également des mécontents. Verdict le 4 novembre.

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