BUDGET | ÏLES Éparses – Déception et interrogations à Agalega

Les Amis d’Agalega:  « What next ? Il ne suffit pas de dire aux habitants “developman pe vini ek nouvo laeropor”

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Les projets annoncés concernant Agalega par le Premier ministre et ministre des Finances lundi dernier dans son discours du budget ont été accueillis froidement dans l’archipel. Bien plus! C’est la grande déception et de la colère parmi les habitants aussi bien que dans la communauté agaléenne à Maurice. S’ils reconnaissent qu’il y a une avancée visible dans le projet de construction d’une nouvelle piste d’atterrissage et d’une nouvelle jetée, en revanche, la réaction est plutôt amère par rapport aux autres bonnes intentions figurant dans le discours : « Du réchauffé », « Ale-vini ek mem koze », « Tousala deza tande », « Pe zoue ar nou ! »… De plus, les habitants s’attendaient à ce que le gouvernement donne une indication quant à l’orientation du développement économique dans l’archipel après la mise en service des nouvelles infrastructures ainsi qu’à leur souhait de devenir enfin propriétaires de leurs maisons. I

Connectés désormais à l’Internet, des habitants à Agalega ont témoigné cette année d’un plus grand intérêt à la présentation du discours du budget, et ils peuvent suivent depuis lundi les débats et commentaires sur le budget 2019-2020. Ils sont catégoriques : « Nous sommes déçus parce que plusieurs projets figurant dans ce discours du budget ont été 1 000 fois annoncés ces dernières années. » Même sentiment du côté de l’association Les Amis d’Agalega : « Lane ale, lane vini, nou tann mem refrin. » Et les animateurs de citer à titre d’exemple le projet de rénovation du service de santé promis aux Agaléens depuis des lustres. « Komie fwa nou finn tann sa koze “zot pou gagyn nouvo lopital”… Azordi Premie minis pe koz renovasion dispanser pou fer li vinn enn “modern full-fledged mediclinic”. Eski bann abitan pou bizin atan ziska apre linogurasion lapis laterisaz pou gagyn sa mediclinic-la ? » s’insurge Laval Soopramanien, président de cette association.

Toujours par rapport aux soins médicaux, les habitants réclament des clarifications sur l’aide promise aux patients “requiring overseas emergency treatments”. « Ce terme “overseas” est ambigü. Et de quel type d’assistance bénéficieront les Agaléens ? » observent-ils en se demandant si le gouvernement prendra en charge les Agaléens nécessitant des soins à l’étranger ou si ces derniers devront faire les démarches eux-mêmes. Ils voudraient aussi savoir s’il y a des régions spécifiques concernées par cette mesure, d’autant que ces dernières années, plusieurs cas graves ont été dirigés d’abord vers les Seychelles avant de venir à Maurice.

L’acquisition d’un “first response vehicule” annoncée  pour des interventions immédiates en cas d’incendies ou d’autres catastrophes dans l’archipel fait également sourire plus d’un à Agalega car cela voudrait dire qu’il y a déjà à la disposition de la population ce type de véhicule. Or, d’anciens membres du board de l’OIDC ainsi que certains officiers racontent que le ministère des Administrations régionales, à l’époque du ministre Hervé Aimé, avait effectivement fait l’acquisition d’un camion de pompiers pour cet archipel et sur lequel figurait le nom “Agalega”. Mais l’équipement en question n’a jamais été acheminé en raison des difficultés, avance-t-on, pour le débarquement du bateau, l’état précaire de la jetée ne pouvant pas supporter le poids de ce gros véhicule. « À l’époque, le véhicule se trouvait dans le port en attendant qu’on l’embarque et, par la suite, on n’en a plus entendu parler de ce projet », confie-t-on.

Par rapport à l’annonce de la construction d’un centre de refuge dans l’Île du Sud, les habitants évoquent le début des travaux en 2012 d’un bâtiment dans le même objectif, et qui aurait servi aussi pour l’organisation d’autres activités à l’intention des habitants. Mais les travaux ont été suspendus en raison d’un contentieux entre le contracteur pour la réalisation du projet et les autorités, qui ont référé l’affaire en Cour. « Pa finn termin sa constriksion-la akoz sa problem-la. Eski la cour inn fini donn so ruling ou eski zot pou al konstrir enn lot batiman dan enn lot plas ? » demandent des habitants de l’Île du Sud.

On fait mention également depuis quelques années de la création d’un centre de lecture moderne/ICT Room pour les habitants en général. Et ce projet, selon leurs observations, revient sur le tapis à chaque visite d’une personnalité politique. Mais ce qui mécontente le plus les familles agaléennes et leur porte-parole à Maurice est l’absence de référence à deux questions spécifiques dans ce discours du budget : d’une part le contrat de propriété de maison, qu’ils réclament ad-nauseum depuis longtemps, et de l’autre des indications quant au développement socio-économique de l’archipel une fois que la nouvelle piste d’atterrissage et la nouvelle jetée seront opérationnelles.

Aux dires des dirigeants des Amis d’Agalega, les Agaléens « se sentent déjà blessés » de ne pas faire partie de la main-d’œuvre pour les travaux de construction en cours, malgré les assurances données dans le passé sur la question de l’emploi lors des discussions sur l’exécution de ce projet. Selon Les Amis d’Agalega, les habitants « ont raison de se poser des questions sur leur avenir professionnel » dans l’archipel. « What next ? Il ne suffit pas de dire aux habitants “developman pe vini ek nouvo laeropor” sans dire dans quelle direction on va aller afin que les jeunes puissent se préparer pour répondre aux nouveaux défis », dit encore Laval Soopramanien. « On est content pour les Chagossiens qui reçoivent une attention particulière depuis quelque temps du gouvernement. Eski pou bizin al negosie direkteman ek bann otorite indiene pou ki Agaleen gaygn travay dan so zil natal ? » poursuit-il avec colère.

Alain Langlois, un des principaux animateurs de cette association, se demande si les gouvernants ont commencé à élaborer une “development policy” pour l’archipel en attendant l’achèvement des travaux de construction. « Pour l’heure, en dehors de la construction de la piste d’atterrissage et de la jetée, il n’y a aucune indication quant au projet d’avenir d’Agalega. Quel type de développement prévoit-on dans l’archipel ? Comment les habitants peuvent-ils se projeter dans l’avenir s’ils sont dans l’incertitude ? » demande Alain Langlois.

Dans le même ordre d’idée, l’association militant pour les droits des Agaléens s’insurge contre l’arrêt de production d’huile de coco dans l’archipel depuis bientôt neuf mois en raison d’une panne du calorifère. Elle dit craindre un « arrêt définitif » de cette activité économique par « manque de vision » des autorités pour moderniser le processus de fabrication. « Il y a du potentiel dans le coco d’Agalega », disent avec conviction les responsables de cette association. Ces derniers regrettent qu’il n’y ait jamais eu de plan directeur pour exploiter ce secteur agricole et pour développer en parallèle une industrie de produits dérivés du coco. « Avec le désenclavement bientôt de l’archipel, et il y a possibilité de productivité et de créativité dans le secteur agricole et de la pêche, va-t-on confiner les jeunes Agaléens à l’avenir à des tâches de “General Workers” au sein de l’OIDC ? » se demande Alain Langlois.

Par ailleurs, l’attente pour l’obtention d’un contrat de propriété des maisons dans lesquelles ils habitent depuis longtemps est une réelle préoccupation commune dans les deux îles, et les familles étaient convaincues que le discours du budget leur apporterait une réponse concrète à leur demande. « Tout comme les résidents des appartements NHDC à Maurice, nous voulons être propriétaires de notre maison construite par l’OIDC et du terrain. Nous serions tranquilles de laisser un lieu sûr à nos enfants après notre mort », dit un père de famille. Depuis plusieurs années, l’association Les Amis d’Agalega réitère la demande des habitants aux autorités concernées.

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