BUDGET: La pauvreté, une véritable hantise pour les syndicats

En marge des consultations prébudgétaires et des négociations tripartites pour la compensation salariale, le monde syndical se penche également sur les problèmes cruciaux dans la conjoncture économique tout en plaidant pour une réorientation de la politique économique. Que ce soit Reaz Chuttoo de la Confédération des Syndicats du Secteur Privé (CTSP) ou Ashok Subron de Rezistans ek Alternativ, la dynamique de l’appauvrissement systématique de la population préoccupe. La vulnérabilité du secteur des services, que ce soit le tourisme ou la technologie informatique, est également mise en exergue en prélude à la présentation du prochain budget par le vice-Premier ministre et ministre des Finances, Xavier-Luc Duval.
“Au chapitre de la pauvreté, la réalité du terrain et les dernières statistiques officielles sont implacables. Les inégalités sociales n’ont cessé de se creuser au cours de ces 20 dernières années. La pauvreté a gagné du terrain au sein de la population. L’emprise de la spirale de l’endettement de la population présage une grave crise sociale. Une véritable bombe à retardement si des mesures ne sont pas prises”, déclare Ashok Subron.
De son côté, Reaz Chuttoo confirme la thèse avancée par Ashok Subron en souligant que “durant ces 25 dernières années, le Gini Coefficient n’a cessé de se détériorer à Maurice. C’est la preuve d’une mauvaise distribution de richesse avec une faible minorité s’appropriant  la plus grosse part et des miettes laissées à la grande majorité”.
Pour remédier à cette situation et renverser la vapeur, le syndicaliste de la CTSP propose la mise sur pied d’une Corporate Employee Responsibility, fonds alimenté avec 10% des profits nets de la compagnie à être redistribués aux employés. “Des compagnies participent au programme de Corporate Social Responsbility. Il est temps de leur demander de balayer devant leurs portes en allégeant le fardeau de leurs employés”, ajoute-t-il.
Dans la lutte contre la pauvreté, Reaz Chuttoo s’appesantit sur l’importance de la mise en application d’un salaire minimal pour l’ensemble des secteurs économiques. “Avec la politique salariale en vigueur actuellement, la précarité a pris de l’ampleur. Dans un secteur, le salaire minimal est de Rs 3 965 alors que dans un autre il est de Rs 10 000. Avec de tels salaires de misère, les travailleurs sont dans l’incapacité d’assurer à leurs familles le minimum en termes d’alimentation ou encore de logement et d’autres aménités sociales de base. Des mesures d’urgence s’imposent en vue d’éviter le pire”, fait-il comprendre.
Pour le syndicaliste de la CTSP, la présentation du prochain budget devra également être l’occasion d’une prise de conscience en vue de l’adoption d’une Sustainable Industrial Policy. “Depuis ces dix dernières années, nous avons constaté une montée en gamme du secteur des services, caractérisés par une extrême volatilité, une forte intensité de capital et rarementlabour intensive. Le moindre choc sur le plan international se traduit par le chômage et des pertes d’emploi”, fait-il comprendre.
 Relance de la politique industrielle
En vue de contrer ces aléas des services, Reaz Chutoo plaide en faveur d’une relance de la politique industrielle car l’Afrique représente un potentiel de marché pour les exportations industrielles de Maurice. Toutefois, il rejette catégoriquement la politique avec Maurice adoptant le modèle de Singapour, soit un recours à la main-d’oeuvre étrangère. “Que constatons-nous actuellement ? D’un côté, pas moins de 37 000 travailleurs étrangers avec des salaires de moins de Rs 6 000 par mois et, de l’autre, une montée du chômage. Cette équation de catastrophe ne peut tenir longtemps”, fulmine-t-il.
Dans un autre ordre d’idées, le dirigeant de la CTSP réclame des mesures pour lutter contre la féminisation de la précarité. “Dans des secteurs où aucun salaire minimal n’est prescrit sous forme de Remuneration Order, 85% des emplois sont féminins. Il est du devoir du gouvernement de se mettre en conformité avec la Convention N°26 du BIT préconisant un Minimum Wage Fixing Mechanism”, devait-il conclure.
Ashok Subron avance que le prochain budget devrait amorcer un changement fondamental dans la politique économique et sociale “à travers un modèle économique alternatif”. Mais il ne croit pas qu’une telle démarche est envisageable avec “les protagonistes installés à l’Hôtel du gouvernement”.
Le représentant de Rezistans ek Alternativ dénonce la détérioration de la qualité des services sociaux et des utilités publiques. “Cette situation est la conséquence de la politique menée par Ali Mansoor avec la collaboration du FMI et de la Banque mondiale pour asphyxier les services sociaux en privilégiant la privatisation de ces mêmes services. En cette période de transition, une nouvelle politique de démocratisation des services est plus que nécessaire”, ajoute-t-il.
Sur le plan de la fiscalité, Ashok Subron s’élève contre le poids des taxes indirectes sur la population. “Une remise en question de la politique fiscale s’avère justifiée avec des changements dans le Flat Rate de 15% de la Corporate Tax. Le gouvernement doit proposer une politique fiscale différenciée favorisant la création d’emplois, luttant contre des activités spéculatives, facilitant la transition vers les énergies renouvelables et mettant en place un Decent Work Index”, dit-il.
Parmi les propositions fiscales de Rezistans ek Alternativ, relevons une Currency Transaction Tax et une taxe de 1% sur les transactions dans le secteur offshore. Ashok Subron, qui a fait état de la faillite du programme de Corporate Social Responsibility, partage ses préoccupations par rapport à la dégradation de la balance des paiements. Il n’a pas manqué de souligne que “le gouvernement est aujourd’hui prisonnier d’un modèle économique désuet et dépassé remontant au siècle dernier”.
De son côté, Rashid Imrith, président de la Fédération des Syndicats du Secteur Public, préfère affûter ses armes sur le plan fiscal. Il souhaite voir le vice-Premier ministre et ministre des Finances se ressaisir en proposant une révision des barèmes de salaires pour les besoins du Pay As You Earn (PAYE). “Cela fait plusieurs années que les Income Tax Brackets n’ont pas été modifiés. il y a lieu de les réviser en vue rétablir la balance en faveur des contribuables suite à l’érosion de ces exemptions fiscales. Il est également important pour le Grand Argentier d’envisager la réintroduction des allocations pour des dépenses encourues pour des études tertiaires et des soins médicaux. Dans ce dernier cas, cette initiative aura des effets positifs par rapport à la pression sur les services de santé publique”, dit-il.

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