BUDGET : Les coups de semonce

Même avec une enveloppe financière de Rs 32 milliards Courtesy of Mother India, le Premier ministre et ministre des Finances, Pravind Jugnauth, n’a pas été en mesure de renverser la vapeur en faveur du gouvernement MSM/Muvman Liberater. Avec la fin des débats à l’Assemblée nationale sur le budget 2017-18, les coups de semonce n’ont pas manqué de se faire sentir. D’abord, la conclusion des étapes d’adoption du budget au Parlement a été ponctuée, jeudi, par le coup de massue de la Cour suprême autorisant le Directeur des Poursuites Publiques (DPP) d’interjeter appel au Judicial Committee of the Privy Council de l’acquittement du même Pravind Jugnauth dans “le sandale politico-financier du siècle” de MedPoint, faisant revenir à l’avant-plan politique le slogan « zot mem aste ! Zot mem vande ! » Ensuite, le chef du gouvernement devra affronter une élection partielle dans la circonscription de Belle-Rose/Quatre-Bornes (N°8), suite à la démission de celui qui fut le blue-eyed boy du clan Jugnauth au gouvernement, Roshi Bhadain. Mais tout cela c’était sans compter avec les conclusions accablantes d’une publication de l’agence de notation internationale, FitchGroup, intitulé Mauritius Country Risk Report. L’une des principales conclusions sur le plan économique est que la croissance de l’économie devrait être de 3,1%, soit inférieure aux prévisions officielles optimistes autour des 4%. Le rapport de FitchGroup met également en garde contre les séquelles sur l’économie des tractations politiques entre Londres et Bruxelles au sujet du Brexit. L’un des points positifs post-budgétaires reste le vote en faveur de Maurice aux Nations unies. (Voir ci-contre)
Pour les spécialistes de Business Monitor International de FitchGroup, les perspectives ne seraient guère positives pour les deux années précédant la fin du mandat de l’alliance au pouvoir en 2019. C’est ce qui ressort en résumé des core views de ce rapport, soit « we forecast a real GDP expansion of 3,1 % in Mauritius in 2017 which would mark a mild downturn on the 3,7 % we estimated in 2016. We expect sluggish demand in Europe and amendments to Mauritius’ tax treaty with India will weigh on the finance, tourism and manufacturing sectors, although construction will grow strongly. In 2018, we expect growth will remain fairly sluggish owing to a number of political constraints on the country, external and internal. »
Toutefois, l’un des principaux facteurs qui pèseront de tout leur poids au cours de ces deux prochaines années, même si le budget se garde de lui réserver la place qui lui revient, demeure les conséquences du divorce de la Grande-Bretagne d’avec l’Union européenne. À ce chapitre, FitchGroup prévient avec force que « should the United Kingdom and the European Union growth slow more rapidly that we currently anticipate in the wake of the Brexit vote, then Mauritius would see substantially slower growth than we currently anticipate. »
Poursuivant son analyse, FitchGroup n’écarte pas des retombées négatives sur deux piliers de l’économie, en l’occurrence le tourisme et le secteur manufacturier. « Mauritius’ tourism and manufacturing sectors will face headwinds as the forthcoming Brexit weighs on consumer purchasing power and confidence across Europe », affirme le document en mettant l’accent sur l’importance des marchés anglais et français pour les exportations de biens et services. L’affaiblissement du pouvoir d’achat dans ces deux pays devra se faire sentir sur la performance économique. « Mauritius’ manufacturing sector is dominated by textiles which tend to be of high quality and expensive, making them especially vulnerable to lower discretionary spending in Europe », prévoient les responsables de Business Monitor International, qui expriment des craintes quant à une répétition de la croissance de 10,8% dans les arrivées de touristes comme ce fut le cas l’année dernière.
« UK is Mauritius’  biggest export  market »
« In 2016, there was a 10,8% increase in tourist arrivals but these holidays were booked before the Brexit vote. In the coming years, as the impact of the Brexit weighs on economic growth and feed uncertainty over future prospects, we will likely see a drop-off in tourist arrivals and a decline in industry value », fait ressortir FitchGroup dans la perspective d’une reprise de l’inflation, d’une croissance salariale réduite et de « weaker employment prospects » dans la zone Euro. Il y a encore l’évolution du taux de change de la roupie par rapport à la livre sterling, avec un taux d’appréciation de 20,6 % en 2016 susceptible d’agir comme un véritable frein à toute reprise des échanges commerciaux avec la Grande-Bretagne.
FitchGroup soutient que les conséquences de ce dampening impact du Brexit sur principalement le tourisme, le textile et également le sucre se traduiront par une détérioration du déficit des comptes courants. Ce déficit devrait passer de 3,5% en 2016 à 6,67% cette année. « The United Kingdom is Mauritius’ biggest export market, accounting for around 13% of the latter’s export market, according to the International Trade centre, making the Indian Ocean island economy highly sensitive to the Brexit process », lit-on à la age 11 du rapport.
Dans cette perspective, la tendance de plus en plus négative du déficit de la balance commerciale revêt toute son importance. « Mauritius exports fell by around 21,5% year on year in 2016, largely due to this huge appreciation in the rupee. Given that we believe sterling has bottomed out, the currency effect will have a diminishing impact ; nevertheless the Brexit process will continue to weigh in 2018/19, as the United Kingdom and other European countries will likely experience weaker consumer demand », indique le document.
Néanmoins, les dernières données officielles consacrées au commerce extérieur pour les quatre premiers mois de cette année continuent à pointer dans la mauvaise direction. Avec un déficit commercial de Rs 8 milliards en avril, soit Rs 2,2 milliards de plus qu’en avril 2016, cet indicateur économique pour les quatre premiers mois de cette année révèle un trou de Rs 29,5 milliards, avec une facture d’importations crevant la barre des Rs 50 milliards.
Mais ce qui semble encore plus inquiétant est le fait que le déficit commercial de janvier à avril est supérieur aux recettes d’exportations, soit Rs 26 milliards. L’on constate également que depuis le début de cette année, les exportations vers la Grande-Bretagne ont régressé de 21,2%, soit sensiblement dans la même fourchette que pour l’Afrique du Sud, qui traverse une passe extrêmement difficile sur le plan économique et politique.
Les chiffres des échanges commerciaux en ce début d’année rejoignent les prévisions de Statistics Mauritius avec un déficit largement supérieur aux recettes d’exportations prévues. « Based on recent past trends and information from various sources, total exports for 2017 is forecast at around Rs 87 billion and imports at Rs 181 billion. Trade deficit for 2017 is therefore expected to be around Rs 94 billion », anticipe Statistics Mauritius.
De son côté, FitchGroup rejoint cette éventualité en soutenant que « imports will see steady growth due to the rupee’s relative strength over several of Mauritius key trade partners, as the currency has remained steady against the euro and the yuan. The rupee is at its most expensive in real effective exchange rate (REER) terms since 2012 and will trend above its 15-year average in 2017. » Un détail qui ne laissera personne insensible concerne les projections du cours mondial du pétrole, passant d’une moyenne de 45 dollars le baril à 57 dollars, « exerting negative pressure on the current balance account. »
Risques politiques
Le financement de ce déficit grandissant de la balance des comptes courants nécessitera des ponctions au niveau des réserves, représentant 11,5 mois d’importations, soit un peu moins de $ 5 milliards. Dans cette éventualité, FitchGroup laisse percevoir ses appréhensions au sujet d’un glissement de la roupie par rapport à la monnaie américaine. « We forecast that this will see the reserves fall by 5% year on year in 2017 and by 2.5 % in 2018 and 2019 », indique l’agence de notation avec un word of caution à l’effet que « although we are confident the Central Bank’s reserve position will remain fairly sizeable over this period, financing a current account deficit in this way will nonetheless encourage some gentle depreciation of the rupee against the US dollar over the coming years. »
D’autre part, au chapitre du secteur des services financiers, l’optimisme affiché par les autorités est atténué par les prévisions quant à une harmonisation du traité fiscal avec l’Inde. « The financial sector is also set for slower trend growth in 2017 in the wake of a series of regulatory changes », suppute FitchGroup, avec les changements entrant en vigueur à partir d’avril dernier. « As part of the recent regulatory change, Mauritius’ Capital Gains Tax on Indian investments will rise to 50% of the Indian Gains Tax rate between April 2017 and April 2019, and thereafter become identical. Being a conduit for investment into India was a major source of revenue for the financial sector and this change in the tax regime will reduce the industry’s appeal to foreign investors », ajoute le document.
D’autre part, à partir de cette année, avec la convention on mutual administrative assistance in tax matters, le secteur des services financiers à Maurice devra s’ajuster pour maintenir son avantage sur le plan international. « This will see Mauritius begin sharing financial data with the other 108 countries and territories that are part of the agreement, including all G7 countries, Russia and India and will reduce the appeal of the island to any investors that have used financial services on the island because of its privacy. »
Le tableau de l’état de l’économie de Maurice aurait été incomplet si FitchGroup n’avait pas commenté la problématique de l’endettement public. Le diagnostic est sans appel car « an expansionary fiscal policy and medium-term growth targeting will keep Mauritius’budget in the red » avec une chance de plus en plus accrue de rater le Medium Term Debt Reduction Target de 50 % d’ici 2018. Cette analyse avance que depuis 2015, « total public and public-guaranteed debt have climbed to nearly 65% up from 60% in 2013 » en faisant comprendre que « the debt stock is set to rise further in the coming years in order to finance the raft of planned infrastructure projects », dont le Metro Express, qui se retrouvera au coeur de la campagne pour la partielle à Belle-Rose/Quatre-Bornes (N°18).
Pour conclure, même si la rédaction du rapport de FitchGroup remonte à avant la décision du leader du Reform Party, Roshi Bhadain, de soumettre sa démission de l’Assemblée nationale, le rapport évoque la controverse du “deal papa/piti”. « Political risk will rise in Mauritius as the opposition disputes Prime Minister’s resignation in favour of his son, despite the accession being constitutionally legitimate. Protests over the accession of Pravind Jugnauth to Prime Minister in the footsteps of his father, Anerood, could impede economic activity. »
De toute évidence, la campagne pour la partielle au No 18, qui démarre ce week-end, ne fera que reléguer l’économie « in the back seat » et dépendant de l’issue du scrutin, l’ambiance de campagne pour les générales pourrait s’installer dans le pays
Précisions des Finances
Le ministère des Finances, s’appuyant sut des prévisions établies en avril denier dans le cadre de la publication du World Economic Outlook du Fonds Monétaire international, maintient que le taux de croissance pour 2017 sera de 3,9%. Comme pour répondre aux conclusions des analyses de FitchGroup. Pour le ministère des Finances, ce taux se compare favorablement à celui annoncé dans les économies développées comme l’Australie, la Corée du Sud, l’Espagne, les États-Unis, Singapour, le Royaume-Uni, la France ou le Canada et aussi mieux que des pays en Afrique, dont la Namibie, l’Afrique du Sud ou même la Tunisie. “It also outperforms Thailand and Taiwan, which are among the Advanced Asian Countries”, soutient-on officiellement à l’Hôtel du gouvernement.
Au chapitre de la dette publique, le ministère des Finances récuse la thèse de 65% du PIB en affichant que la General Government Gross Debt était de 59,4% du PIB à la fin de 2016. Tout en affirmant se comparant favorablement à d’autres économies avancées, l’Hôtel du gouvernement avance que “Mauritius has one of the lowest debt to GDP ratio among Small Island Developing Countries  – lower than countries such as Trinidad and Tobago, the Bahamas, Seychelles, Maldives, Belize, Barbados, Jamaica and Cabo Verde.”

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