Budget : Ultimes dash et forcing

Budget Speech à l’Assemblée nationale, jeudi, par Pravind Jugnauth en prélude au match d’ouverture de Russia 2018, avec l’éventualité de la fin du Ramadan dans la même soirée et la fête Eid-ul-Fitr célébrée le lendemain

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Le «target» au ministère des Finances : mise au point du discours de budget et des «draft budget estimates» au plus tard mardi pour l’exercice de «fine tuning» des dernières 24 heures et la troisième lecture à l’Assemblée au plus tard le samedi 30 juin

Une incertitude : Mauritius Telecom, générant des revenus de plus de Rs 10 milliards, pourrait rejoindre le club des canards boîteux, comme la Banque de Maurice, Air Mauritius, en ne versant pas de dividendes au gouvernement sur des investissements, représentant 33,49 % du capital

Le dernier rapport de l’Audit en date relève qu’au 30 juin 2017, le GM avait perçu des dividendes de Rs 220,8 millions de Mauritius Telecom, soit presque 70% du montant total de Rs 319,3 millions

La Chambre d’Agriculture en mode de communication pour convaincre au sujet des recommandations du Joint Technical Committee Report de Rs 1,3 milliard pour le sucre

Hausse de 36% de la facture d’importations pétrolières et de charbon, avec des dépenses frisant la barre des Rs 30 milliards en 2017 et des appréhensions renouvelées pour 2018

 

Avec le dernier week-end et à J-4 de la présentation du budget 2018-19 à l’Asssemblée nationale, l’heure est aux ultimes manœuvres au Prime MInister’s Office et au ministère des Finances. Mais aussi dans le privé, où des capitaines de l’industrie, notamment dans le secteur sucre et celui des exportations, sans compter l’exploitation des non-fossil sources pour la production d’énergie électrique. Devant l’incertitude qui plane sur une éventuelle adoption des recommandations du Joint Technical Committee avec un salvage plan de Rs 1,3 milliard, la Chambre d’Agriculture s’est mise en mode de communication pour souligner l’urgence de redresser la barre avec le prix de la tonne de sucre aux planteurs annoncée à moins de Rs 10 000. À l’hôtel du gouvernement, aucune indication n’avait transpiré ce dernier week-end quant aux intentions du Grand Argentier en faveur de l’industrie cannière dans le budget. Mais un détail qui pourrait jouer en faveur de la bagasse se présente sous la forme d’une hausse de 36% de la facture d’importation pétrolière pour les besoins énergétiques d’une année à l’autre, avec la barre des Rs 30 milliards sous menace pour 2018 compte tenu de l’évolution du cours mondial du pétrole. Toutefois, au chapitre des incertitudes, il n’y a pas que cela. Pour la forme, Lakwizinn du Prime Minister’s Office a cru bon de fixer cet événement économique et politique majeur dans l’après-midi où se déroulera le match d’ouverture de la Coupe du monde en Russie, un happenining planétaire incontournable. Mais il y a aussi de fortes chances que ce même jeudi 14 marquera la fin du Ramadan, le jeûne pour les Mauriciens de foi islamique. Ainsi, dans ce scénario, vendredi devra être décrété jour férié pour les célébrations de l’Eid-ul-Fitr.

Le choix du jeudi 14 pour la présentation du budget intervenant à la veille de la dernière année du mandat du gouvernement MSM-ML laisse perplexe quant à la tactique post-budgétaire. À ce stade, au sein de l’équipe de nominés politiques assurant le marketing de Pravind Jugnauth, l’on n’hésite pas à faire comprendre par rapport au budget que « we’ll keep it sober ». Avec la retransmission en direct de la cérémonie et du match d’ouverture de Russie 2018 et la fin probable du Ramadan, la marge de manœuvre médiatique « pour vanter les mérites du budget de Pravind Jugnauth » est pour le moins étroite. Ainsi, les talk-shows avec plateaux pour des émissions télévisées et radiodiffusées, comme il a été le cas pour le précédent budget, devraient être réduites à leur strict minimum, à moins d’un changement de stratégie de dernière heure, avec la MBC assurant l’essentiel. C’est ce que Week-End a appris de sources autorisées dans la matinée d’hier avant les discussions de ce week-end, susceptibles de confirmer la forme et le fond du budget.

« Depuis plus d’une semaine déjà, le rythme des séances de travail consacrées au budget, présidées par le Grand Argentier, a connu une nette accélération et se déroulant jusqu’à très tard dans la nuit. La veillée d’armes du budget devra se poursuivre jusqu’à mardi au moins. Le target set de mardi a été arrêté en vue de mettre en forme le discours du budget de même que les budget estimates et les détails du three-year plan accompagnant cet exercice. Ensuite, les dernières 24 heures avant la Special Cabinet Meeting en début d’après-midi du jeudi 14 devront permettre le fine tuning de toute autre mesure conséquente », laissaient entendre hier matin des sources autorisées dans l’entourage du Premier ministre.

Un autre objectif fixé par le gouvernement est de boucler toutes les étapes menant à l’adoption du budget avant le 30 juin pour éviter le recours au vote on account en vue de sanctionner les premières dépenses publiques à partir du dimanche 1er juillet. Le programme de travail élaboré par le Speaker’s Office, après consultations avec le gouvernement, le Chief Whip’s Office et les Liaison Officers des partis d’opposition laisse voir qu’à partir du lundi 18, les parlementaires devront prévoir des late night sittings au quotidien pendant les deux dernières semaines de juin, avec l’option de suivre le déroulement des matches de la Coupe du monde à partir des téléviseurs disponibles au Parlemetnt.

L’ossature du calendrier prévoit que les débats en deuxième lecture du budget, dont le coup d’envoi sera donné le 18 par le leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, devront être complétés au plus tard le samedi 23 juin, pour permettre aux ténors de l’hémicycle d’intervenir lundi, juste avant le summing up du Premier ministre et ministre des Finances. Le Committee of Supply, soit l’examen en comité des dotations budgétaires, une étape intensive dans le processus budgétaire, sera entamé le mardi 26, éliminant du même coup de l’ordre du jour toute possibilité de Private Notice Question et de Question Time également. Mais les aléas parlementaires au sein de l’hémicycle font que, souvent, un Order Paper taillé comme sur du papier à musique dérape.

Trous sans fond

Toujours en marge des préparatifs budgétaires, le ministère des Finances pourra être appelé à revoir ses plans au tableau des recettes. Les indications sont que Mauritius Telecom, qui génère un chiffre d’affaires de plus de Rs 10 milliards annuellement, le bilan annuel au 30 juin 2016 faisant foi, pourrait entériner la décision de ne pas procéder à la redistribution de dividendes à ses actionnaires, dont France-Télécom, à travers Rimcom Ltd, son investment vehicle, à hauteur de 40%, le gouvernement représentant 33,49%, SBM Holdings Ltd (19% ), le National Pensions Fund (6,55% ) et le consortium d’employés de Mauritius Telecom (0,96% ). La question a été évoquée au plus haut niveau de la Telecom Tower récemment et l’intention transmise à l’hôtel du gouvernement. C’est ce que confirment des sources bien informées.

Ainsi, Mauritius Telecom se joindra au club des canards boîteux parapublics, comme la Banque de Maurice, qui n’est plus en mesure depuis des années de verser des dividendes de l’ordre de Rs 500 millions au gouvernement alors que les profits des banques se comptent par milliards, Air Mauritius, dont les coûts d’opération sont plombés par la hausse du cours mondial du pétrole, pour ne pas citer des trous sans fond comme la MBC ou la Corporation Nationale de Transport. Les derniers chiffres disponibles, soit le rapport du Directeur de l’Audit, indiquent qu’au 30 juin 2016, Mauritius Telecom avait alloué des dividendes de Rs 220,8 millions au gouvernement. Pour ce même exercice financier, le ministère des Finances avait récolté un total de dividendes de Rs 319,3 millions, faisant de Mauritius Telecom le plus important pourvoyeur à ce chapitre.

En cas de confirmation de la décision de la Telecom Tower, il faudra s’attendre à un effondrement de cet item dans les Budget Estimates. D’ailleurs, commentant le volet des dividendes dans les comptes publics, ce dernier rapport de l’Audit relève que « there has been a significant decrease in the dividend received over the past three financial periods when compared to financial years ended 31 December 2013 and 2014 », tout en attirant l’attention sur le fait que « investment (at cost) totalling Rs 3,726,146,927 did not yield any return during 2016-173 ». Répondant aux critiques de l’Audit, l’establishment note que « actual dividend is dependent upon the financial situation of the institutions/enterprises concerned. Furthermore, the primary objective of the investment in various entities is not to generate dividend or other returns, but to enable them to sustain their operations and improve service delivery », l’Audit ajoutant que « total cost of investments in shares in quoted and unquoted companies amounted to Rs 14,125,980,890. During 2016-17, dividends received amounted to Rs 298,024,518, representing a return of some two per cent only. A sum of Rs 1,238,500,000 was budgeted as dividends receivable. »

D’un point de vue général, 50% de ces investissements n’ont jamais rapporté de dividendes à l’Exchequer. Un autre signe de faiblesse se fait voir au niveau des quasi-corporations, dont les revenus versés à l’État sont en chute. Au cours de l’exercice se terminant au 30 juin de l’année dernière, ces recettes n’avaient pas dépassé les Rs 2 milliards, soit Rs 1,8 milliard, contre Rs 2,3 milliards pour l’année financière 2015-16. La principale QUANGO (quasi-autonomous non-governmental organisation) assurant des rentes au gouvernement est la State Trading Corporation, avec Rs 1,5 milliard au 30 juin 2017, suivie loin derrière par la Financial Services Commission avec Rs 700 millions. Un changement de politique est envisageable à la STC avec les séquelles de la Betamax Saga.

Fermer le robinet

Pour en revenir à la décision de MT de fermer le robinet des dividendes, très peu de détails sont disponibles. Des spécialistes du monde des affaires avancent que le board aurait été tenté de s’engager dans un exercice de ploughing back des dividendes pour asseoir les ambitions de MT dans la région. Au cours de la semaine écoulée, une offre de partenariat de MT avec Uganda Telecom Limited n’a pas été retenue par la Financial Intelligence Authority et le gouvernement de ce pays. La raison principale avancée par l’Ouganda pour justifier un repêchage possible est que les muscles financiers de MT devront être renforcés pour assumer ce rôle de partenaire stratégique.

Toutefois, les autorités ougandaises ont laissé la porte ouverte pour un come-back de MT, à une condition, « either increase the money for investment or forget the Uganda Telecom Ltd deal ». Le rapport de la Financial Intelligence Authority d’Ouganda concède que « Mauritius Telecom is a well-established company and its managerial team has a wealth of international expertise in the telecom industry ». C’est ce qui explique en partie la décision de dividend-retention en vue de satisfaire les exigences de l’Ouganda.

D’autres sources avancent qu’avec le projet de Safe City, pour l’installation de 4 000 caméras de surveillance à travers l’île, avec des investissements de Rs 19 milliards, dont un emprunt de l’Exim Bank de la République populaire de Chine et garanti par le gouvernement, MT se voit contrainte de « revisit its dividends policy » en dépit des profits bruts au-delà de la barre des Rs 7 milliards au cours de ces trois dernières années. Dans la conjoncture, cette nouvelle donne à la Telecom Tower au sujet des dividendes intéresse non seulement le gouvernement, mais aussi l’Investment Committtee du National Pensions Fund. Jusqu’ici, les placements, à la hauteur de 6,55% du capital de Mauritius Telecom, représentaient un rendement rémunérateur pour les contributions des travailleurs en vue de leur pension. Mais tout changement fondamental dans la politique de dividendes de MT pourrait avoir des conséquences sur la rentabilité de ces investissements.

Lobbying

Sur un autre tableau, les répercussions de l’évolution du cours mondial du pétrole devront hanter les exercices de simulation budgétaire, non seulement au chapitre de l’inflation, mais surtout de la politique énergétique pour les prochaines années. La dernière édition des Energy and Water Statistics pour 2017 donne un avant-goût de l’équation pétrolière. La facture d’importation de produits pétroliers s’est élevée à Rs 29,4 milliards à la fin de l’année dernière contre Rs 21,6 milliards en 2016, soit une hausse de 39%, alors que le prix du baril du pétrole s’est enflammé davantage depuis ces derniers mois. La note pétrolière pour 2018 devrait être au-dessus des Rs 30 milliards, représentant 16% de la valeur globale des importations.

En 2017, les prix des différentes composantes des importations pétrolières ont évolué comme suit : gazoline : +15,9%, diesel oil : +13,5%, le kérosène : +17,1%, l’huile lourde : +34,9% et ; le gaz ménager : +43,6 % alors que le charbon a subi une légère baisse de 2, 3 %. En termes de volume importé, les variations sont nominales, à l’exception de l’huile lourde, avec 622 700  tonnes importées pour un montant de Rs 8 milliards en 2017 contre 489 700 (Rs 4, 5 milliards) l’année précédente. La consommation du charbon dans les centrales thermiques est au-delà du million de tonnes pour la première fois, soit 1,4 million pour un coût de Rs 2,9 milliards.

Pour ce qui est de l’Energy Mix, 79%, soit 2 496 GWh, sont générés à partir des sources non-renouvelables contre 21%, 661 GWh, à partir des renewable sources, principalement la bagasse. Résumant le tableau énergétique, Statistics Mauritius note que « the main energy source for electricity generation was coal (41.6% ), followed by diesel and fuel oil (37.4% ) and renewable sources (20.9% ). » Ces données confirment le poids grandissant des Independent Power Producers, qui assurent 60% de la demande en énergie électrique, contre 40% au Central Electicity Board (CEB).

Avec ce constat, la Chambre d’Agriculture a initié une campagne de lobbying pour plaider la cause de l’industrie sucrière dans ce contexte budgétaire, et en particulier avec pour objectif de faire adopter les recommandations du Joint Technical Report sur le sucre, contestées par les syndicats des employés. Jusqu’ici, très peu d’indications ont filtré de l’hôtel du gouvernement quant à la place qui sera réservée au Turnaround Plan de l’industrie cannière dans le discours du budget. Avec le Syndicat des Sucres brandissant le prix de Rs 9 000 la tonne de sucre aux planteurs pour la récolte de 2018, soit un montant de loin inférieur au seuil de rentabilité de Rs 17 000, la Chambre réclame une « juste rémunération pour la bagasse » dans l’équation énergétique en vue d’accroître la part des renewable sources of energy.

Difficile à dire à ce stade si les explications de la Chambre d’Agriculture, qui s’apparentent à la teneur du rapport du Joint Technical Report, suffiront pour renverser la vapeur à l’hôtel du gouvernement lors du Budget Speech de jeudi en y incluant des mesures d’accompagnement pour le sucre.

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