CAP-MALHEUREUX : Kavinen Parasuraman veut insuffler le « wow effect » à Amigo

Lorsqu’en 2005 il perd son père, Kavinen Parasuraman n’a que neuf ans et ses frères un et six ans. Amigo est alors un restaurant coté ayant accueilli notamment des personnalités françaises comme Jacques Chirac, Chantal Goya, Julien Lepers et Emmanuelle Béart. Mais la mère des jeunes garçons peine à tenir la barre. La voyant lutter pendant des années, de surcroît dans un contexte de « concurrence déloyale », le jeune Kavinen n’a qu’une idée en tête : terminer ses études pour reprendre le business. Depuis avril dernier, à 21 ans seulement et formé au Vatel Hotel & Business School et au Royal Monceau, à Paris, il a enfin pris les rênes de ce qui faisait la fierté de son père. Avec des idées les unes plus innovatrices que les autres, le jeune homme, très mature pour son jeune âge, mise sur le « wow effect ». Depuis 2016, Amigo a boosté son chiffre d’affaires par 3,5 fois. La relève ne compte pas s’arrêter en si bon chemin.
À Cap Malheureux, à 300 mètres de la fin du Chemin 20 Pieds, un panneau arbore la photo d’un homme au sourire authentique tenant une langouste. C’est l’entrée du restaurant Amigo. La photographie n’est pas celle de Kavinen, le fils, mais de son père, Ambigah Parasuraman, présenté comme un emblème du restaurant. Après tout, c’est ce dernier qui, après avoir hérité d’une « tabagie-bar » de son père, avait décidé d’en faire « un restaurant qui a de la classe ».
À l’intérieur du restaurant, arborant pratiquement le même sourire que celui sur le panneau, c’est un jeune homme très avenant et dynamique qui nous accueille. Kavinen est la troisième génération à y travailler. « Tout a commencé en 1985. À l’époque, c’était une “tabagie-bar” que mon grand-père avait construite grâce à ses revenus venant de la vente de poissons. Il l’a cédée à mon père, qui n’avait que 16 ans. Au fil des années, mon père l’a développée en bar, en snack, puis en “pool bar”. À partir de 1992, mon père s’est lancé dans les fruits de mer. Et en 1999, Amigo a gagné en popularité en figurant dans les guides Michelin, Routard, Lonely Planet et Petit Futé. »
Entrepreneur à succès, Ambigah Parasuraman voit au fil des années ses affaires prospérer. Entre 2000 et 2004, il a même l’insigne honneur d’accueillir en son restaurant l’ancien président français Jacques Chirac, l’animateur Julien Lepers, la chanteuse Chantal Goya et l’actrice Emmanuel Béart, qui renforcent la popularité de son restaurant. Il apparaît aussi dans la fameuse émission culinaire Julie autour du monde, animée par la française Julie Andrieu.
Mais alors que le restaurant est au sommet de sa gloire, Kavinen perd en 2005 son jeune père de 36 ans. Il n’a alors que 9 ans. Ses cadets comptaient eux un et six ans. Trop jeune pour épauler sa mère, Kavinen ne peut qu’assister, impuissant, aux épreuves que rencontre celle-ci. « Cela m’affectait beaucoup de la voir lutter pour tenir la barre d’Amigo, de surcroît dans un contexte de concurrence déloyale. J’étais déterminé à reprendre la barre pour rebooster le restaurant. » Au fur et à mesure qu’il grandit, Kavinen donne un coup de main à sa mère après ses cours, au collège Northfields, car « le chiffre d’affaires avait chuté drastiquement ».
Le départ de son père et la reprise du business n’avaient jamais été envisagés par aucun membre de la famille. « Mon père se disait certainement que ses fils prendraient un jour la relève, mais vu qu’il était très jeune encore, il n’avait pas pensé à nous former », indique Kavinen. « En revanche, j’ai beaucoup appris de ma mère sur la manière de travailler de mon père. Même aujourd’hui, elle me donne beaucoup d’idées. Vous avez toujours besoin d’un mentor », estime le jeune héritier.
Après ses années de collège, Kavinen Parasuraman s’inscrit au Vatel. « La première année, j’ai fait un stage à l’hôtel Oberoi et je suis passé par plusieurs départements de l’hôtellerie. En deuxième année, j’ai fait un passage au Lux Grand-Gaube, où j’ai fait un peu de marketing et la restauration. » Ensuite, son école de formation l’envoie à Chamonix, en France, à la frontière suisse. N’y trouvant pas son bonheur, il tente sa chance en cherchant un stage dans un restaurant à Paris. C’est ainsi qu’il tombe sur le Royal Monceau Raffles, deux étoiles au Michelin. « Le guide Michelin donne trois étoiles aux meilleurs restaurants du monde. Deux étoiles, c’est très bon. J’ai appelé, j’ai passé un entretien et j’ai été accepté. »
Faire l’expérience culinaire
Pendant cinq mois, le jeune Mauricien s’initie à la gastronomie française et à l’art culinaire. « J’ai appris le meilleur des meilleurs de la gastronomie, du service, du Food & Beverages et du “Wow effect”. J’ai appris qu’il faut aller au-delà du Food & Beverages, au-delà des fruits de mer. Quand les clients débarquent chez moi, ils doivent pouvoir vivre une expérience culinaire et non pas seulement venir pour manger. Les clients viennent à l’Amigo pour manger de la langouste, mais pas que pour cela. Ils viennent pour avoir le “wow effect” qui se trouve dans plusieurs prestations : l’accueil, le service, la qualité des produits… ».
En 2016, Amigo est passé de 4 étoiles à 4,5 étoiles sur Trip Advisor. « Nous avons aussi boosté notre chiffre d’affaires par 3,5 fois entre novembre 2016 et novembre 2017. » En août 2016, le restaurant, qui se trouvait dans un bâtiment vieux de 32 ans, a été complètement rénové et a désormais une capacité de 50 à 60 couverts. Kavinen Parasuraman mise beaucoup sur les fêtes de fin d’année. Le restaurant est déjà, selon lui, réservé à 50% pour le 24 décembre. « Mais, pour nous, ce n’est pas tant la quantité que la qualité qui compte. Avec la quantité, on peut faire augmenter le chiffre d’affaires, mais est-ce qu’on va durer ? ».  
Outre les fruits de mer traditionnels, tels la langouste, les “tiger prawns” et les camarons, l’Amigo propose aussi des huîtres et des oursins. Si le fidèle cuisinier est resté depuis 1997 sous la direction de son regretté père, Kavinen met la main à la pâte quand il le faut. Employant une dizaine de personnes, le jeune homme compte sur l’arrivée, dans trois ans, de son jeune frère, qui termine sa formation, pour faire prendre la vitesse grand V à l’entreprise familiale. « Nous aimerions diversifier nos services et nous lancer dans l’événementiel. Nous avons aussi en projet d’ouvrir un deuxième Amigo dans le centre de l’île, probablement en 2019. » S’il concède que reprendre un business familial est un grand avantage, « c’est aussi un défi de devoir faire mieux ». En attendant, il innove à sa manière.

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