CARREAU ESNOUF: Une cressonnière en voie de disparition

À cette époque de l’année, la cressonnière de Carreau Esnouf à Union Park bouillonne d’activités mais elle est sèche cette année. Il n’y a ni eau ni cresson et les planteurs sont au chômage. Ils allèguent que ce serait le pompage d’eau de la Central Water Authority et du secteur privé dans l’aquifère de Rose-Belle qui en est la cause. La Water Resources Unit quant à elle parle d’un manque des pluies.
« Nous sommes menacés de disparition », lancent Atmaram et Devraj Ballchand, planteurs de cresson à Carreau Esnouf et dirigeants de la Watercress and Vegetable Planters Association. « La sécheresse qui affecte notre pays se prolonge… On réduit la fourniture d’eau partout mais à Carreau Esnouf, le secteur privé continue de pomper autant d’eau qu’il veut avec pour résultat la mare sèche rapidement et nous ne pouvons cultiver nos cressons », déclare Atmaram Ballchand. « Nou planter kresson, ti-dimoune, pe souffer, nou pe kraze parski nou pena moyen kouma CWA e sekter prive », ajoute-t-il.
Le problème d’eau à Carreau Esnouf ne date pas d’hier. De 1945 à 1994, tout s’est bien passé pour la trentaine de familles qui cultivent le cresson en cet endroit tout le long de l’année. Elles faisaient une dizaine de récoltes par mois. Les choses commencent à se gâter après 1994 lorsque l’eau commence à leur manquer. Les récoltes mensuelles passent à entre quatre et six. « En 2010, il y a des inondations en début d’année, la mare se remplit d’eau mais elle s’assèche en l’espace de deux mois. Kot dilo la fin ale ? » s’interroge Atmaram Ballchand.
Les planteurs en appellent aux autorités, la Water Resources Unit (WRU) mais aussi à leurs députés. Mais rien n’y fait après des visites sur le lieu. En 2011, la mare s’assèche en trois occasions et les planteurs terminent l’année avec deux récoltes valant Rs 40 000. Ils réclament une compensation au gouvernement pour le nombre de mois qu’ils ne travaillent pas mais indiquent « nous n’avons eu aucune réponse de sa part ». Les années passent et ces cultivateurs, dont certains d’entre eux ont contracté des prêts auprès de la Banque de développement (DBM), n’arrivent pas à honorer leurs engagements.
Atmaram Ballchand rapporte que, le 23 décembre 2011, de grosses pluies s’abattent sur cette partie du pays et la mare se remplit à nouveau. « Nous achetons à Rs 10 le paquet de cresson, en s’endettant auprès des proches mais la mare s’assèche en quatre jours. Les planteurs perdent leur investissement », dit-il. Pour lui, c’est parce qu’on est en train de pomper une trop grande quantité d’eau de cet aquifère que la mare s’est asséchée. « Pendant combien de temps encore pouvons-nous tenir face à cette situation ? » lance-t-il. Les planteurs lancent un dernier appel aux autorités : si rien n’est fait dans quelques années, ils lanceront une grève de la faim « parski problem la pe vinn pli grav de zour an zour e nou pa pe kapav viv », déclare Devraj Ballchand.
Interrogé, le ministre de l’Agro-industrie dit être conscient du problème auquel font face les planteurs de cresson. « Ils réclament une compensation. Nous allons considérer leur requête mais il faut ne pas créer un mauvais précédent », déclare Satish Faugoo. Pour sa part, Tunraz Rampall, conseiller du ministre qui a travaillé sur ce dossier, estime que les planteurs ne peuvent poursuivre leurs activités s’ils ne sont pas assurés de la fourniture d’eau. « Ils dépendent uniquement de cette cressonnière pour vivre. Nous sentons que leur économie s’est arrêtée. La délocalisation est impossible parce qu’il n’y a pas d’autres endroits, à part ceux où on cultive déjà ce légume, en réserve. Il n’est pas possible, non plus, de créer une nouvelle cressonnière », affirme notre interlocuteur.
Mais la WRU est d’un autre avis. Un haut cadre estime que ce problème d’eau est dû au manque de pluies et que la situation devrait s’améliorer dès qu’il pleuvra abondamment dans le pays. « Nous n’avons autorisé l’installation d’aucune pompe sur les terres des planteurs. Les pompes se trouvent à 300 mètres plus loin », dit-il pour faire comprendre que le manque d’eau à Carreau Esnouf ne serait pas dû au pompage d’eau à partir de cet aquifère.
Du côté de la CWA, l’on affirme qu’il n’y a aucune connexion entre Carreau Esnouf et les opérations de cette organisation. « Nous avons réduit considérablement le pompage d’eau dans cette région car nous avons trouvé d’autres ressources plus loin », explique un cadre.

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