CENTENAIRES : Elizabeth Dhootun, le parcours difficile d’une femme accablée

Le parcours d’Elizabeth Dhootun, centenaire depuis le mardi 11 mars, n’a pas été de tout repos. Outre les affres d’une vie difficile, et les souffrances qu’ont connu nombre de ceux de sa génération, cette femme, originaire de la capitale, a eu le malheur de perdre très jeune son époux, disparu dans des circonstances tragiques. Un coup du sort qui n’a pas manqué d’affecter la vie de famille des Dhootun, son aîné, Simon, en ayant gardé des séquelles… Portrait d’une centenaire qui n’a jamais arrêté de se battre pour les siens et contre le mauvais sort.
Elizabeth Dhootun, née Mangénie, a vu le jour à Port-Louis. Son père était coiffeur tandis que sa mère était femme au foyer. « Son père n’a pas vécu longtemps », explique Christine St Bertin, sa petite-fille, qui l’a recueillie chez elle, à Pointe-aux-Sables, depuis 1996. « Elle avait déjà été affectée par cette perte alors qu’elle était très jeune elle-même ».
Pour Mme St Bertin, « ma grand-mère porte des séquelles d’un parcours très douloureux avec les disparitions des êtres les plus chers autour d’elle… » Quand son père décède, la mère d’Elizabeth Dhootun est contrainte de subvenir seule aux besoins de sa petite famille, qui comprend également deux fils. « Mon arrière-grand-mère était employée comme bonne à tout faire. Elle devait à partir de là se lancer également comme couturière… Grand-mère Elizabeth, qui n’a pas eu la chance d’aller à l’école, a tout appris auprès d’elle. »
Alors qu’elle commence à trouver un peu de stabilité dans sa vie et qu’elle a rencontré Elias Dhootun, avec qui elle s’est mariée, la centenaire a un nouveau coup du sort : Elias meurt très jeune, la laissant avec leurs trois fils, Simon, l’aîné, Jean et Karl.
Christine St Bertin, fille de Karl Dhootun, explique que « depuis ces temps-là, grand-mère n’est plus la même… Ce drame l’a beaucoup affecté. Et il en va de même pour Simon, qui vit perturbé depuis. Il y a des moments où grand-mère est parfaitement lucide. Elle peut parler de tout et de rien. Mais il y a aussi des fois où sa mémoire lui fait défaut et lui joue des tours… » Mais ce qui revient perpétuellement dans ses propos, note Mme St Bertin, « c’est Simon. Elle le cherche à tout bout de champ… Chaque fois, elle le demande. Mais à cause de son grand âge et des problèmes qu’elle a, nous ne lui disons pas tout et préférons lui expliquer qu’il est occupé, qu’il n’a pas de temps, qu’il est trop pris par ses activités… Sinon, c’est un autre gros chagrin qu’elle va avoir. »
Du fait qu’elle a perdu très tôt son mari, ce qui a affecté considérablement son équilibre, Elizabeth Dhootun a souvent changé de maison. « Il y a aussi le fait qu’elle souffrait par moments de troubles divers ». Christine St Bertin, à cet effet, cite une anecdote : « Une fois, dans les années 80, elle nous a fait terriblement peur, car elle a quitté la maison familiale et a disparu.  On l’a retrouvée dans la banlieue de Rose-Hill… Elle avait trouvé une nouvelle maison et s’y était installée. »
Quelque temps plus tard, Elizabeth Dhootun retourne dans la périphérie de la capitale et s’installe à Tranquebar. « La maison était assez fragile, faite de tôle », se souvient Christine St Bertin. Au plus fort du cyclone Hollanda, en 1994, sa petite-fille Christine et plusieurs proches l’encouragent à quitter sa frêle demeure. « Mais elle n’entendait que dalle. Le lendemain, quand nous sommes venus la trouver, après avoir constaté que les quatre feuilles de tôle qui constituaient sa maison n’étaient plus qu’un amas de poussières, elle a accepté de nous suivre… Monn bizin konvink li ki enn lakaz a cote kot mo reste pe vide, ki occupant la inn aller, lerla li finn aksepte vini… »
Ces dernières 18 années, Elizabeth Dhootun les a vécues auprès de Christine St Bertin dans la région de Pointe-aux-Sables. « Elle est restée malgré tout très indépendante. Elle n’aime pas dépendre des autres, bien que sa santé ne soit plus la même. Elle tient toujours à faire quelques petits travaux par elle-même… »
Issue d’une famille très pauvre, Elizabeth Dhootun « raffole de petits plats simples comme manioc bouilli servi avec du sucre ou des patates douces cuites avec du sucre… Quand elle est souffrante, elle ne demande jamais de la soupe, elle en a horreur… » En revanche,  elle affectionne beaucoup « les ailes de dinde rôties… »
Christine St Bertin et les autres proches d’Elizabeth Dhootun composent un noyau dur autour de la centenaire. « Malgré les soucis qu’elle a eu durant sa vie, elle est restée très soudée à la famille. Elle aime quand toute la famille est réunie autour d’elle… »

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