Centre illégal de désintoxication : « Nou gagn bate kan nou an mank »

  • Le plaignant, qui avait porté plainte à la police, se rétracte

Il a fallu qu’un toxicomane, un mécanicien de 20 ans, s’échappe de ce centre illégal de désintoxication à Trou-d’Eau-Douce pour mettre en lumière les activités qui se déroulaient sur place. Le traitement abusif pour guérir les toxicomanes était effectué sous silence, au point que même les habitants de la région ignoraient l’existence de ce “wellness centre” jusqu’à ce que la police le perquisitionne mardi. Un des rescapés s’est confié au Mauricien par téléphone sur ce qui s’est passé sur place.

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Cet habitant de Port-Louis, âgé d’une vingtaine d’années, avance qu’il était « accro à la drogue » et qu’il voulait s’en sortir. C’est alors qu’un proche lui a parlé d’un “wellness centre” qui pouvait l’aider.

Le jeune homme est entré en contact avec le facilitateur de 54 ans, qui lui a expliqué que la thérapie était surtout basée sur la foi et qu’il n’utilisait pas vraiment de médicaments. « Mo bann fami inn kit mwa laba. Responsab-la inn dir zot pou telefone pou fer kone kan bizin vinn pran mwa », a-t-il expliqué.

L’extérieur du centre ressemblait à un bungalow de deux étages avec des décors en bois et une cour bien entretenue. Une fois à l’intérieur, une discipline de fer est appliquée. « Ena enn dizenn resposab dan sant. Zot pa les ou sorti ou telefonn personn pou pa gard kontak avek bann kamarad ki droge », indique-t-il.

Notre interlocuteur avance qu’il a eu « du mal » à prendre ses repères les premiers jours, car il était en manque. « On m’a isolé dans une chambre et je commençais à trembler. À un moment donné, j’ai hurlé, car je voulais un calmant. C’est alors qu’un responsable m’a frappé avec un bâton en bambou », dit-il. Et d’ajouter : « Zot dir mwa zot bizin tir sa lemal ki ena dan mwa la. »

Le jeune homme avance qu’il n’y a aucune habitation près du centre et qu’ainsi personne ne pouvait entendre leurs cris.

« Nou gagn bate kan nou an mank. Personn pa tann nou lavwa », souligne le plaignant. Outre l’interdiction de sortir, il devait aussi participer à des séances de prière quotidiennement. Côté nourriture, les résidents n’étaient pas gâtés non plus. « Parfwa ti pe gagn zis delo ek dipin », dit-il.

Notre interlocuteur avance que « le plus dur, c’était les douleurs en raison au manque de drogue » qui le rendait malade. « Il n’y avait rien à faire d’intéressant pendant la journée. Comme toutes les issues étaient fermées à clé, nous dormons ou assistons aux séances de “counselling” », indique-t-il.

Il était au courant que les résidents se faisaient agresser, mais n’osait intervenir au risque de subir le même sort. « Nou ti kouma dir dan enn prizon », dit-il.

Le jeune homme n’avait pas eu les nouvelles de ses proches depuis longtemps. « Parfwa nou bliye ki zour ek ki dat nou ete », dit-il, ajoutant que « tellement nous étions coupés avec le monde extérieur ». Il poursuit : « Mem nou fami bliye nou. »

L’habitant de la capitale précise que le traitement était gratuit et que ce sont les responsables qui prenaient tout en charge. Il dit n’avoir pas osé s’enfuir de peur que sa famille le retourne dans le centre. « Mo ti prefer res la mem ziska zot les mwa ale », dit-il.

Cependant, le mécanicien de 20 ans a, lui, attendu qu’il soit seul dans une chambre pour finalement endommager l’antivol d’une fenêtre pour se jeter du deuxième étage. Au lieu de retourner auprès de sa famille, le jeune homme s’est rendu au poste de police de la localité pour faire libérer ses amis en captivité.

« Gramatin aswar zot inn bat mwa avek beton kokot bef e dibwa banbou », relate-t-il dans sa déposition. Il a accompagné la police jusqu’au centre et, finalement, les officiers ont retrouvé 11 résidents à l’intérieur. Ces derniers ont été priés de rentrer chez eux et aucun d’entre eux n’a voulu porter plainte.

Cependant, la CID de Trou-d’Eau-Douce a arrêté deux responsables du centre, à savoir le facilitateur de 54 ans et un autre responsable de 29 ans. Le quinquagénaire est un travailleur social de Plaine-Verte et est très actif auprès des toxicomanes de la région.

Il fait également des causeries dans des lieux de culte pour évoquer les méfaits de la drogue. Vendredi encore, les suspects n’avaient pas encore donné leur version des faits sur les allégations de séquestration. C’est d’ailleurs sous cette charge qu’ils sont provisoirement poursuivis au tribunal de Flacq. L’enquête se déroule sous la supervision du surintendant Purmassur, assisté de l’ASP Bancharam.


Le plaignant ne souhaite plus aller de l’avant avec l’affaire

Le mécanicien de 20 ans, qui avait logé une déposition pour séquestration, ne souhaite plus aller de l’avant avec l’affaire. Il s’est rendu jeudi à la CID de Bel-Air-Rivière-Sèche et au poste de police de Trou-d’Eau-Douce, accompagné de son avocat Me Zahid Nazurally, pour retirer sa plainte. Sauf que la police lui a demandé de prendre un rendez-vous et de revenir plus tard. Le jeune homme a juré hier un affidavit en cour pour expliquer ce qui s’est passé la veille au poste de Trou-d’Eau-Douce et avance qu’il n’a subi « aucune pression » par rapport à sa décision. Il a allégué qu’il était « traumatisé » et qu’il ne se sentait « pas bien » lorsqu’il avait porté plainte mardi. De son côté, la police avance qu’elle compte poursuivre son enquête pour faire la lumière sur cette affaire.

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