Cette corruption qui découle des coutumes locales…

DR GEETANEE NAPAL
Doyen, Faculté de Droit et de Gestion
Université de Maurice

Il est souvent question de coutumes qui dictent la conduite de l’individu. Cependant, celui qui détient le pouvoir sait que c’est loin d’être honnête que d’utiliser les coutumes établies afin de justifier une conduite douteuse frôlant l’immoralité. Si c’est le cas, le système perd de sa crédibilité, et la confiance disparaît du jour au lendemain. Nous n’en sommes pas loin, compte tenu des événements encourus au niveau national récemment. Il est donc dans l’intérêt du détenteur d’un poste de haut niveau de responsabilité d’agir de bonne foi et d’accorder de l’importance aux lois et à l’éthique. L’individu impliqué dans des actes aléatoires sera le premier à contester qu’il soit corrompu. Ou encore, l’être corrompu moyen pointera sans hésitation du doigt son homologue, se considérant exempté des lois qu’il applique aux autres.

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« Culture of particularism »

Le problème est en deux volets. D’une part la corruption est le résultat de transgressions individuelles et de l’autre, c’est un phénomène qui existe au niveau national. L’opposition dénonce toujours des problèmes d’ordre social et éthique alors que ceux qui détiennent le pouvoir s’acharnent à défendre leurs efforts pour bien servir—et nous savons que l’opposition du jour sera le gouvernement de demain. C’est un fait qu’en tant que petit pays, nous sommes sujets à ce que le jargon technique décrit comme « culture of particularism ». Dans des sociétés où ce genre de culture prédomine, les relations prennent le dessus sur le sens du devoir du décideur. En d’autres mots, l’individu qui se voit confronté à des choix d’ordre éthique donne souvent priorité à ses connaissances plutôt que faire des choix objectifs basés sur la méritocratie. En parallèle, l’individu en quête d’une faveur profitera de ses contacts pour se l’acquérir et ce faisant, il portera préjudice à une personne plus méritante que lui. Cependant, est-ce normal d’aspirer à se mesurer aux modèles économiques tels Dubaï ou Singapour, tout en s’opposant aux règles de base qui nous mèneraient à atteindre le niveau de tels modèles d’intégrité, en termes réels? Est-ce logique qu’une culture de traditions surpasse le sens du devoir dans un pays tel que le nôtre?

Ce qui manque c’est le sens du devoir, le sens du respect et de l’honnêteté. Qu’en est-il de la conscience morale? Lorsque le décideur considère ses propres intérêts et ceux de ses proches au-dessus de ceux du peuple qu’il est appelé à servir de par sa fonction, il s’engage dans la corruption. La corruption peut prendre de multiples formes, allant de l’insignifiant au plus conséquent, causant pas mal de destruction à long terme. Elle existe dans le secteur privé comme dans le secteur public, dans les pays développés et moins développés. La corruption représente un phénomène universel. Nombreux sont ceux qui disent ignorer qu’ils aient été impliqués dans des actes douteux. D’autres n’éprouveraient aucune hésitation à carrément nier leur engagement dans des actes de corruption. Il serait peut-être utile de faire le tour des différents aspects d’un système suspect:
♣ Contourner le règlement avec l’aide d’un haut cadre afin d’obtenir quelque chose que l’on n’obtiendrait pas autrement;
♣ Distorsion de procédures de base afin de contourner le règlement—éviter le paiement d’une amende ou d’une contravention avec la complicité d’un détenteur de charge qu’on parvient à corrompre;
♣ Distorsion de procédures importantes ou abus d’instruments conséquents de l’action publique tels impôts, tarifs douaniers, systèmes d’utilités publiques, contrats d’infrastructure, application du règlement relatif au système de sécurité publique, remboursement des prêts;
♣ La corruption qui provient d’un fonctionnaire ou d’un client intéressé. Elle peut englober des omissions ou des commissions—éviter d’effectuer un paiement avec la complicité du fonctionnaire; offrir des pots-de-vin afin d’obtenir une faveur ou réquisitionner des pots-de-vin du client;
♣ La corruption qui prend la forme de services illicitement rendus ou obtenus;
♣ La corruption qui se développe à l’intérieur ou à l’extérieur des structures de l’État;

Famille, école, entreprise…

Les démarcations de la corruption sont quasi impossibles à tracer. Le fléau découle des lois et surtout des coutumes locales. Comment réduire si ce n’est éliminer la corruption? La première étape est d’analyser la situation. On pourrait commencer par établir une classification des attitudes illicites ou corrompues telles qu’elles se révèlent sur le terrain. Il est important de déterminer les secteurs dans lesquels la corruption prédomine et de mettre en place une stratégie anti-corruption par rapport aux résultats obtenus. La corruption peut impliquer une promesse ou une menace, si ce n’est les deux à la fois. Si elle s’appuie sur une ou plusieurs conditions, elle devient une forme d’extorsion, constituant un délit grave venant du détenteur d’un poste important. Remarquons que dans pas mal de cas, le citoyen est appelé à effectuer un paiement illicite pour obtenir un service qui lui revient de droit. Un haut cadre peut user de son autorité afin de favoriser un client au détriment d’un autre plus méritant.D’une part, la corruption peut être générée par des institutions telles la famille, l’école, l’entreprise ou des critères de base tels l’attitude face au travail, les valeurs ou manque de valeurs au niveau national, la situation internationale entre autres. D’autre part, les infractions individuelles contribuent aussi à la corruption—les problèmes de société incluant l’anarchie administrative, les ressentiments au sein de l’entreprise, la gourmandise qui mène à la tentation de vite s’enrichir de manière illicite, l’abus des jeux d’argent, la drogue, l’alcoolisme, la frustration de l’individu au travail, le comportement de ceux qui gouvernent et qui ont le pouvoir de manipuler le système, etc. Un moyen de lutter contre tout ce qui est mauvaise tentation est de se laisser guider par sa conscience. Celui ou celle qui veut se laisser tenter par l’argent facile trouvera de vains moyens pour justifier son forfait. D’autre part, celui ou celle qui tient à préserver son honneur, ne se laissera ni tenter ni manipuler. Là où le sens du devoir prime, on saura dire non à la tentation et c’est ainsi qu’on préservera son intégrité morale et qu’on aura droit au respect des autres.

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