CHAGOS : Une cogestion à la Tromelin proposée aux Américains

En au moins deux reprises en 24 heures lors de ses contacts de haut niveau au sein de l’Administration américaine en marge de sa participation au sommet US/Afrique à Washington, le Premier ministre Navin Ramgoolam a soulevé les revendications de la souveraineté de Maurice sur les Chagos. Ainsi, lors du tête-à-tête, hier, avec la National Security Adviser du président américain Barack Obama, Susan Rice, le dossier des Chagos a figuré « High on the Agenda ». Le Premier ministre a réitéré la proposition que Port-Louis soit partie prenante des prochaines négociations entre Londres et Washington au sujet du renouvellement du bail des Chagos à compter de 2016. D’autre part, dimanche profitant de l’occasion du Vote of Thanks prononcé en l’honneur du secrétaire d’Etat américain, John Kerry, il a fait un appel aux législateurs américains en vue de restituer la souveraineté de Maurice sur cette partie de son territoire. De son côté, Londres est actuellement acculé avec la publication imminente d’un rapport du US Senate Select Committee on Intelligence au sujet du rôle des autorités britanniques dans l’utilisation de Diego Garcia comme base de torture dans le cadre de la lutte anti-terroriste.
Un communiqué émis dans la matinée par les services du Prime Minister’s Office donne des premières indications sur les discussions entre Navin Ramgoolam et Susan Rice, hier. Mention est faite de la proposition que « Maurice soit partie prenante dans les négociations qui vont démarrer entre les Britanniques et les Américains en vue du renouvellement du bail sur l’archipel des Chagos. Le bail expire en 2016 et Maurice réclame le droit de participer à ces négociations tout en prenant l’engagement de ne pas remettre en question la base militaire de Diego Garcia. » En principe, les Américains et les Anglais doivent se rencontrer avant la fin de cette année pour ces consultations cruciales deux ans avant la fin du bail au terme de l’accord anglo-américain de 1966.
Dans son exposé face à la National Security Adviser, le Premier ministre a présenté la formule de cogestion de l’île Tromelin arrêtée entre Maurice et la France comme un des moyens à être élaboré par rapport à l’avenir des îles de l’archipel des Chagos. Il a pris le soin de préciser que toute solution à être adoptée par rapport à la souveraineté et au contrôle sur les Chagos ne devrait pas avoir de répercussions sur la présence militaire des Américains sur la base de Diego Garcia.
“Décolonisation”
Auparavant, Navin Ramgoolam avait souligné que la revendication de Maurice sur les Chagos bénéficie du soutien politique et diplomatique dans des instances internationales, dont l’Union Africaine, le Mouvement des Non-Alignés et la Southern African Development Community (SADC).
Par ailleurs, dimanche, lors de son message de remerciements à l’issue d’une rencontre en présence d’éminentes personnalités américaines, dont des législateurs, des hommes de loi, des médecins et des professionnels, à l’invitation de l’African Presidential Centre et de Nelson Mullins & Scarborough LLP Chambres, le Premier ministre a abordé le dossier des Chagos. Il a lancé un appel pour une contribution des législateurs américains en faveur des efforts de Maurice pour retrouver sa souveraineté sur les Chagos.
Le communiqué du Prime Minister’s Office note que « Navin Ramgoolam a fait remarquer aux Américains qu’il reste une dernière initiative à prendre pour compléter la décolonisation du continent africain et qu’il s’agit là de restituer l’archipel des Chagos aux Mauriciens ». Il a ajouté que Maurice reste un pays ami des Etats-Unis et que la revendication sur l’archipel des Chagos n’entame en rien les intérêts de cette grande puissance. Sans compromettre la présence des Etats-Unis sur l’archipel des Chagos, Maurice ne fait que demander qu’on lui fasse justice. » Il a souhaité voir « le Congrès qui est l’instance législative suprême des Etats-Unis contribuer à la recherche d’une solution qui fera justice à Maurice tout en préservant les intérêts des Américains dans l’océan Indien. »
“Britain’s dirty laundry…”
Toujours en ce qui concerne le dossier des Chagos, Londres sent de plus en plus la pression avec l’annonce de ce rapport du Sénat des Etats-Unis au sujet de la campagne de torture menée par la précédente administration américaine contre des terroristes de l’Al Qaeda. La principale préoccupation des autorités britanniques concerne les révélations quant à leurs rôles et responsabilités dans l’utilisation de la base américaine de Diego Garcia et tant que Black Prison pour des séances de torture, une violation flagrante des Droits de l’Homme.
La récente déclaration du président Obama selon laquelle « we tortured some folks. We did some things that were contrary to our values » est venue fragiliser la position de Londres par rapport à Diego Garcia utilisée comme prison illégale pour torture. Dans une récente correspondance en date du 14 juillet, soit peu avant son départ du gouvernement Hague, à l’organisation britannique Reprieve, qui mène un combat sans relâche pour faire éclater la vérité sur les cas de torture à Diego-Garcia, l’ancien Secretary au Foreign and Commonwealth Office, William Hague, a voulu être rassurant sur la question.
« The UK government has not sought to influence the content of the Senate report. We have made some representations to seek assurance that ordinary procedures for clearance of UK material will be followed in the event that UK material provided to the Senate Committee were to be disclosed », écrit William Hague dans cette lettre officielle. Dans le même souffle, le Foreign and Commonwealth Office est revenu sur les documents secrets abîmés par l’eau à Diego Garcia.
« Though we feared some of these might have been water damaged recently, we now believe only a small number of immigration cards completed by civilians entering the territory (i. e. leaving the airport of Diego-Garcia) have been irretrievably damaged », note William Hague sans révéler les détails des documents confidentiels endommagés par l’eau.
Réagissant à la prise de position du Foreign and Commonwealth Office sur l’affaire Diego-Garcia, Reprieve a publié sur son site web en date d’hier un commentaire de son directeur Cori Crider attaquant Londres de vouloir censurer le rapport du comité du Sénat américain. « “This shows that the UK Government is attempting to censor the US Senate’s torture report. In plain English, it is a request to the US to keep Britain’s role in rendition out of the public domain. It also turns the Government’s defence in the Libyan renditions case of Abdel-Hakim Belhaj and his wife entirely on its head. The government protested that America would be angered if this kidnap case ever went to trial – and now we learn the British government is leaning on the Americans not to air Britain’s dirty laundry. It exposes their litigation stance as mere posturing” », souligne le directeur de Reprieve à un moment extrêmement délicat où la question du renouvellement du bail des Chagos doit être discutée officiellement.

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