Chagos : va-tout de Londres contre le Move de Port-Louis

  • Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne multiplient les «pressions» sur le plan international en dénigrant le Ruling de la Cour de La Haye
  • Maurice répond en brandissant le «Utter Disrespect» des Américains et des Anglais à l’égard de la plus haute instance judiciaire dans le monde

Mercredi prochain, avec le vote aux Nations unies sur la résolution, présentée par le Sénégal, réclamant le départ sans condition de l’occupant anglais de l’archipel des Chagos, Maurice affirme être «cautiously optimistic». Devant la tournure des événements depuis l’Advisory Opinion quasi-unanime de la Cour Internationale de Justice de La Haye sur les Chagos le 25 février dernier, Port-Louis s’attend à un plus grand nombre d’Etats membres des Nations unies se prononcer en faveur de l’achèvement du processus de la décolonisation de Maurice. Mais, à l’Hôtel du gouvernement, l’on se dit pleinement conscient que la prudence doit être de rigueur face aux tactiques de Londres et de Washington.

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En effet, ces deux capitales n’ont nullement baissé les bras en exerçant des pressions, voire du chantage, à peine voilées sur des pays pour contrer le Move de Maurice aux Nations unies. Dans cette perspective, le Premier ministre Pravind Jugnauth est parti, hier, pour New York dans le dessein de parachever la campagne de lobbying politique et diplomatique. D’ailleurs, le Solicitor General, Me Dheeren Dabee, Senior Counsel, a été dépêché en éclaireur depuis jeudi dernier pour un ultime round de consultations avec les représentants diplomatiques de pays africains et du Commonwealth basés à Londres.
A aucun moment, jusqu’ici, la Grande-Bretagne de Theresa May, en difficultés avec le Brexit, le divorce de Londres avec Bruxelles, n’a abandonné sa campagne pour renverser cette majorité en faveur de Maurice aux Nations unies. La preuve formelle, s’il en fallait une, est la déclaration, mardi dernier, à la Chambre des Communes de Harriet Baldwin, ministre d’Etat au Foreign and Commonwealth Office, en réponse à une Parliamentary Question du Scottish National Party Chief Whip, Patrick Grady, au sujet des procédures aux Nations unies sur les Chagos.

«We are making strong representations. The whole world benefits from the security provided by having this (Diego Garcia) base in the Indian Ocean», a répondu avec arrogance la ministre d’Etat au Foreign and Commonwealth Office. Elle est même revenue à la thèse que «in fact, the Chagos archipelago has been under continuous British sovereignty since 1814». Le haut-commissaire britannique, Keith Allan, sur instructions du No 10 Downing Street, a tenté une dernière fois, en vain, de faire prévaloir la position de Londres sur le différend politique et diplomatique lors de contacts au plus haut niveau à l’Hôtel du gouvernement.

L’interpellation supplémentaire du Chief Whip du Scottish National Party était des plus pertinentes. «It must be difficult for Foreign Office Ministers to find the UK’s colonial legacy landing inconveniently in their laps, but what is at stake here is not just Chagossian justice, but the UK’s standing in the new post-Brexit world order. The UK must get on board and work with, not against, the UN, the ICJ and the rules-based order. It has to recognise that it cannot throw its weight around anymore. Will the Department engage constructively with the UN to determine where sovereignty really lies for the Chagossians and, ultimately, accept that sovereignty should lie with the people ?» avait plaidé Patrick Grady à cette occasion.

En complément à la réaffirmation de cet entêtement au sujet de cette souveraineté, la Grande-Bretagne, de concert avec les Etats-Unis, a multiplié les initiatives politiques et diplomatiques, par le truchement de «written and direct contacts» avec des Etats membres des Nations unies en vue de les faire changer d’avis par rapport à l’Advisory Opinion sur les Chagos. L’argument principal mis en avant par ces deux superpuissances siégeant au Conseil de sécurité des Nations unies est que «the International Court of Justice got it wrong by deciding a bilateral sovereignty issue under the disguised label of decolonisation and ignoring the security consultations».

« Nous resterons très prudents »
La parade formulée par Maurice pour contrer l’offensive anglo-américaine est que «the United Kingdom is showing utter disrespect for the highest Court of the world comprising eminent judges from major states such as Japan, France, South Korea, and after hearing full submissions from the United Kingdom and the United States  and other countries.» Les lobbyistes en faveur de Maurice ajoutent qu’«International Court of Justice Opinion even if it is not legally binding has considerable weight as it is an authoritative statement of the status of Chagos  under international law».

Ne dissimulant nullement ses ambitions de réaliser un meilleur score que les 94 voix pour, 15 voix contre et 65 absentions pour l’adoption par l’Assemblée générale des Nations unies de la résolution du 22 juin 2017 visant à réclamer une Advisory Opinion de la Cour internationale de Justice sur les Chagos, Maurice soutient dans sa contre-offensive que «the United Kingdom and its few allies are not showing deference to the World Court and to an international legal order governed by the rule of law».

Le soutien indéfectible de l’Union africaine aux côtés de Maurice est crucial «at this late hour». Le Premier ministre, accompagné du secrétaire au Cabinet, Nayan Kumar Ballah, et de Martine Young Kim Fat, Minister Counsellor au ministère des Affaires étrangères, mais affectée à la Chagos Cell du Prime Minister’s Office, est déjà en route pour New York. Dès son arrivée, en début de semaine, il prévoit de participer à une série de contacts diplomatiques.

Mardi, à la veille des débats sur la résolution déposée par le Sénégal, Pravind Jugnauth interviendra à l’Opening Session de l’Africa Dialogue Series on Durable Solutions for Forcibly Displaced Persons in Africa. Ce sera une occasion de faire le point sur les déracinés des Chagos. Il prendra la parole sur la résolution du Sénégal lors de la séance des Nations unies mercredi 22 à 10 h (heure de la Côte est des Etats-Unis).

En tout cas, jusqu’au décompte des votes, la consigne dans le camp de Maurice est que «ce n’est pas seulement le vote de la résolution. Mais surtout, le plan pour traduire dans la réalité les Findings de la Cour internationale de Justice pour conclure le processus de décolonisation de Maurice. Nous resterons très prudents, car les Anglais veillent au grain. Mais le Premier ministre est déterminé à aller jusqu’au bout».

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New Delhi au coeur des tractations
Londres et Washingtin expriment le souhait de voir les Indiens convaincre Maurice « to dilute the resolution »

L’Inde, qui vient de participer à des manœuvres militaires avec les Américains à la base de Diego Garcia dans une démonstration de force contre les velléités de la Chine, est au coeur des tractations politiques et diplomatiques. Avec le rendez-vous du 22 aux Nations unies pour la nouvelle résolution post-Advisory Opinion de la Cour internationale de Justice, la mission qui a été confiée aux diplomates indiens par les Anglais et les Américains est de convaincre Maurice au moins à « dilute the resolution », imposant un Handing Over de l’archipel des Chagos sans aucune condition. C’est ce qu’indique la publication spécialisée en diplomatie en Inde, The Wire. Toutefois, New Delhi s’attend à voir la résolution du 22, présentée par le Sénégal, être adoptée par une large majorité.

D’entrée de jeu, The Wire note que « with Mauritius preparing for another confrontation at the United Nations General Assembly, India is back in the thick of the backroom negotiations. The US and the UK are trying to convince New Delhi’s close ally in the Indian Ocean to modify and even dilute the provisions of the draft resolution ».
Toutefois, The Wire rapporte que pour les diplomates indiens « the ICJ opinion has already been a political victory for Anerood Jugnauth. Now he would like to cap it to ensure certain outcome at the polls for his son. Therefore, the Mauritian government would certainly like the resolution to have strong language ».

La solution alternative était la recherche d’une « more diluted text », car « while a United Nations General Assembly resolution is not binding, it does set a legal precedent. Therefore, the United Kingdom is trying its best to keep the text as favourable as possible ».

En contrepartie, la proposition de l’Inde visant à renvoyer le dossier des Chagos devant le UN Special Committee sur la décolonisation pour des débats plus approfondis tout ne créant « a breathing space as all the stakeholders contemplate a possible solution » n’a pas eu d’écho favorable à Londres. La publication diplomatique indienne fait comprendre que « a referral to Committee of Decolonisation would be a step down for UK, as it does not consider Chagos to have been colonised ».

Au moment du vote à New York, mercredi, New Delhi, qui est un allié militaire de Washington, devra se retrouver dans le camp de Maurice, vu que « India supports Mauritius due to their intensely close bilateral relationship ».

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