LE CHARBON : UNE IMPASSE POUR MAURICE : “Bonmarse kout ser”

En 1998, le pays importait environ 45 000 tonnes de charbon. Une dizaine d’années après, il en importe environ 650 000 tonnes par an pour la production d’électricité. Alors que nous sommes censés atteindre l’objectif de 35% d’indépendance énergétique en 2025 et être en plein Maurice Ile Durable, un projet de centrale à charbon devant porter la consommation de ce combustible à plus d’un million de tonnes annuellement menace de devenir une réalité. Dans sa présentation à la National Energy Commission (NEC), la Platform Moris Lanvironnman a exposé les raisons qui la poussent à proposer que le charbon soit phased out au profit des énergies renouvelables.
Le charbon n’est ni noir ni blanc. Il n’a qu’une seule couleur : il est sale. Et cher. Ainsi se résume le fond de l’argumentation de PML.
Le charbon est le plus polluant entre toutes les énergies fossiles et c’est cette caractéristique qui fait qu’il coûte en fin de compte beaucoup plus cher qu’on ne le dit. Le dicton « bon marché coûte cher » ne pouvait être plus approprié ! Le coût du charbon ne peut se résumer à son prix d’achat car son utilisation comporte de nombreux coûts qui ne sont pas pris en charge par ceux qui le brûlent dans des centrales électriques mais par le secteur public, qui les paie sous forme de dégâts à la santé publique et l’environnement. Depuis que les effets néfastes de certaines méthodes de production sont connus et que le concept de développement durable a fait son chemin, l’idée que ces coûts cachés ou externalités doivent être pris en compte dans le calcul des coûts s’impose peu à peu. Dans le cadre du MID, où, pour rappel, il est aussi question de changer un état d’esprit (change of mindset), ce concept de coûts cachés revêt toute son importance.
Dans sa présentation PML s’est appuyée sur des études pour exposer les coûts cachés du charbon et pour démontrer comment la non prise en compte de ces coûts cachés subventionnés par la population permet de maintenir le coût du charbon artificiellement bas, et donc de favoriser son utilisation au détriment d’autres alternatives moins polluantes, telle le solaire. Quand les coûts cachés sont pris en compte, l’écart entre le coût de l’électricité à base de charbon et celle produite par la technologie solaire se rétrécit sérieusement. A cela doit s’ajouter un autre facteur : celui des tendances des prix du charbon comme combustible et du solaire comme technologie. Alors que la première a une courbe nettement ascendante, la seconde montre une évolution inverse : les prix baissent. Le coût de nos importations en énergies fossiles ne fait que croître – il explose même – et pèse lourdement dans notre balance commerciale. En 2011, Maurice a importé pour Rs 2,6 milliards de charbon. Les rayons de soleil, eux, arrivent sans frais.
Pour PML, le choix pour l’avenir, même proche, n’est pas le charbon. Il faut au contraire sortir du charbon et encourager les énergies renouvelables. Il faut également maîtriser la demande car la meilleure forme d’électricité est celle que l’on ne produit pas. C’est dans cette optique que la Platform considère qu’un projet de centrale à charbon de 110 MW tel que celui proposé par CT Power n’est pas un quelconque nouveau projet de production d’électricité. CT Power relève avant tout d’une question de politique énergétique nationale. D’une part, une telle centrale éloigne le pays de son objectif de 35% d’indépendance énergétique en 2025 et de sa volonté proclamée d’être un modèle de développement durable, et d’autre part, en raison de l’inflexibilité de sa production et de sa durée de vie, elle est un obstacle à l’intégration des énergies renouvelables.
Le projet CT Power en lui-même soulève de nombreuses interrogations : une étude de faisabilité en bonne et due forme a-t-elle été menée avant que le projet ne soit approuvé ; tous les paramètres ont-ils été pris en compte lors de l’évaluation du projet ; quel est le coût total du projet aujourd’hui ; quelles mesures les promoteurs vont-ils prendre pour se conformer aux conditions imposées par le Tribunal d’Appel de l’Environnement… et tant d’autres questions encore.
Pour conclure sa présentation, PML a soumis onze propositions à la NEC :
1.     Des efforts concentrés et soutenus pour une réelle maîtrise de la demande.
2.     La conduite de sustainability assessment/strategic environmental assessment pour guider la formulation de politiques énergétiques nationales.
3.     Une transition hors charbon comme source fossile pour la production d’électricité et la mise en place de smart grids.
4.     La mise en place d’une commission indépendante pour revoir le projet CT Power.
5.     Une réelle impulsion aux énergies renouvelables, et aux petits producteurs indépendants.
6.     Explorer la possibilité de production collective d’électricité.
7.     Une utilisation plus efficiente du gisement bagasse et une politique nationale concernant la bagasse au bénéfice de tous les producteurs. Maintenir la part actuelle de la bagasse dans le bouquet énergétique.
8.     En cas de nécessaire recours à une énergie fossile, choisir l’option gaz naturel.
9.     La promulgation immédiate de lois et la mise en place de cadres régulateurs pour le contrôle et le monitoring de la pollution sous toutes ses formes (solide, liquide et gazeuse).
10.     Une politique nationale de gestion des cendres de charbon (production d’électricité et usage industriel).
11.     La mise en place d’une instance indépendante (de la production et la distribution) pour le secteur de la production d’électricité.
PML se propose de revenir sur les différents volets de sa présentation à la NEC, qui sera bientôt disponible sur le site web de la Commission, dans les semaines qui suivent.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -