CINÉMA: “Julie”, la belle leçon de patriotisme

Ils ont fait fort les promoteurs avec une arrivée triomphale comme sur les marches de Cannes. Tapis rouge et limousine avec à son bord Aurélie Bestel qui incarne Julie, son père Pascal Bestel, Chachi Bindu et d’autres acteurs. L’émotion était palpable, chacun avant même d’avoir vu le film parlait de la bande annonce, de la performance de la petite Bestel qui avait neuf ans au début du tournage et qui en a aujourd’hui 14. Chachi Bindu aussi était citée à plusieurs reprises étant le coup de coeur de plusieurs invités, pour avoir incarné la mamie avec beaucoup de sagesse. D’autres voulaient d’abord voir le film pour juger de son intensité. Un film estampillé Mauriwood, donc made in Mauritius (et qui a bénéficié du soutien de Quadricolore Films and Entertainment, filiale de Gaz carbonique Ltd), il fallait bien voir s’il en ressortirait quelque chose de positif ! Julie, ce film 100 % mauricien, ne peut-être interprété que selon la sensibilité de chaque individu : « Waow, c’est qu’elle joue bien Julie, quelle émotion » ; « pas mal » ; mais aussi « trop de clichés », ou « rien à voir qualitativement avec Les enfants de Troumaron, mais c’est un bon début pour notre industrie cinématographique mauricienne », pouvait-on entendre après la séance…
Dès les premières images, on se prend de sympathie pour la jolie frimousse qu’incarne Aurélie Bestel. Elle a habité son personnage de Julie à la perfection du haut de ses neuf ans : drôle, attachante avec cette force tranquille face au danger. Aurélie Bestel est la révélation du film, par son courage, son jeu de scène, ses réparties. Forcée de fuir son pays pour se réfugier avec son père le Dr Jeunet (Pascal Bestel) à Maurice, elle forme un très beau duo père-fille dans la vie comme à l’écran. Dans le film, c’est une enfant qui a vu la guerre et qui est hantée par ses souvenirs mais qui a su se reconstruire grâce à son père et à l’hilarant Dr Wong (Kennedy Charles) qui par ses pitreries et sa bonne humeur a su trouver l’antidote adéquat qui est le rire pour l’encadrer.
Un autre personnage qui aura marqué les esprits est le colonel Pafouka (Juanito Francisco), un être malveillant, à l’oeil acerbe, prêt à tuer à n’importe quel prix. On pourrait reprocher au réalisateur de n’avoir pas su garder ce personnage en substance en renforçant davantage son caractère de méchant et en laissant planer le suspense, en imaginant un autre scénario qui aurait pu donner vie à une deuxième suite de Julie. Francisco est convaincant, presque réel dans son rôle de mafioso. Saluons aussi Alexandre Koenig pour son rôle sans doute un peu court du trafiquant d’armes russe, ou encore Axelle Guidroz, campant Natassja, la soeur du trafiquant. Benoît Souchon aurait pu avoir un rôle plus en profondeur, on l’aurait bien vu par exemple comme le bras droit du colonel Pafouka.
La caméra en travelling, Dany Adjodhya captive par cette intensité de mettre en relief les belles images de Maurice en passant par les parcs des Gorges de Rivière-Noire, les plages de Gris-Gris, etc. Qu’on se rassure, les images de notre île ne sont qu’un prélude pour un scénario qui ne laisse pas insensible. Dany Adjodhya a eu un rêve, celui de réunir tous les composants de la société mauricienne, toutes les religions à travers le regard de Julie. Qu’on s’arrête à Marie Reine de la Paix, à la pagode ou que le spectateur revisite le Ganga Talao à travers les yeux de Chachi Bindu qui explique à la jeune Julie l’importance d’avoir la foi, qu’importe le fait qu’elle soit française et que toutes les religions ne forment qu’une.
Dany Adjodhya a voulu faire de ce film avant tout une aventure humaine avec à la clé un message patriotique. Un film renforcé par de l’action et quelques scènes cocasses. Il a converti des chanteurs tels que Maista et Gino Langevin en acteurs. Il nous donne aussi quelques leçons de vie et des moments de réflexion quand Julie demande à un gars de terminer de manger ses dholl-puris, car dans son pays, dit-elle, « on se bat pour avoir à manger. » Qu’importe nos états d’âme, nos exigences, Julie mérite d’être vu, juste pour accompagner cette petite fille qui nous conte son histoire qui aurait pu être la nôtre ou celle de ces milliers d’enfants confrontés à la dure réalité de la guerre. Voir mourir sa famille, les gens qu’on aime, se voir traqué et ne devoir sa survie qu’au prix d’un sacrifice, c’est cela le pari relevé par Dany Adjodhya.
La plus belle leçon de vie que pouvait donner un père à sa fille, c’est la séquence où les deux doivent rentrer en France et devant les larmes de Julie, son père se reprend et dit que sa petite aurait pu lui reprocher d’être née dans un pays en guerre et de n’avoir pas trouvé exil ailleurs, mais elle a tout accepté et en retour, il consent qu’elle grandisse à Maurice, cette île métissée, arc-en-ciel. Et, lorsque dans la salle, tous les spectateurs font une hola en brandissant leur foulard aux couleurs du drapeau mauricien à quelques jours de la fête de l’Indépendance pour saluer le film et surtout se réjouir d’être dans une île où il fait bon vivre et avoir un chez soi, il y a à cet instant précis cette fierté d’être avant tout Mauricien.
Le mérite de Julie revient aussi à Vincent Rogers, de gaz Carbonique Ltd, qui a apporté tout son soutien au réalisateur et à Pascal Bestel. Un projet qui a pu voir le jour grâce à un homme qui a su faire le rêve d’un autre devenir réalité. Il a fallu cinq ans pour le réaliser, mais Julie est plus qu’une aventure, c’est avant tout une belle leçon de patriotisme.

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