Citoyenneté responsable – Déclin des valeurs : où sont les failles ?

« Les 10 Principes essentiels du citoyen responsable » est un projet initié pour les collégiens par Geerish Bucktowonsing, ancien président du Macoss, dans le but de les engager aux valeurs menant à une citoyenneté responsable. L’occasion de réfléchir sur l’état de nos valeurs citoyennes. En tant que citoyens, jeunes et moins jeunes, à quel point sommes-nous responsables en tant que tels ? À quel point défendons-nous notre pays ? Respectons-nous notre environnement et nos concitoyens ?

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Pour Geerish Bucktowonsing, « il ne fait pas de doute qu’il y a un déclin des valeurs ». C’est pourquoi il cible les jeunes, « car ce sont eux les leaders de demain ». Il observe que « nous vivons dans une société où l’accent est mis sur le profit et l’intérêt ». Or, souligne-t-il, « dans un monde connecté par l’Internet, où on veut tout avoir rapidement, il importe de rappeler que le bonheur n’est pas seulement matériel ».

Il ajoute : « C’est un combat qui nous concerne tous. » Formateur de l’École des Parents, Jacques Lafitte, insiste, lui, sur l’importance d’éducateurs bien formés. « Être enseignant aujourd’hui demande une connaissance en sociologie et en psychologie », dit-il. Le manque de responsabilité chez les citoyens, il l’attribue au fait que nombre d’entre eux « ont le sentiment d’avoir été laissés au bord de la route du développement ». Il poursuit : « Ils deviennent des gens amers et sont sur la défensive. Il y a une crise des valeurs et une prolifération des contre-valeurs. »

La directrice des crèches et maternelles Bethléem et pionnière de la transformation du secteur de la petite enfance à Maurice, Sylvette Paris Davy, souligne, elle, l’importance qu’un enfant puisse « sentir l’amour de ses parents pour qu’il puisse donner aux autres ce sentiment de bien-être et d’appartenance ». Elle se demande « si l’école est en train de jouer son rôle », pointant du doigt la trop grande liberté dont disposent les jeunes. Elle ajoute : « Le programme éducatif ne répond pas spécifiquement au bien-être des enfants. Leur inculquer autant de connaissances et ne pas leur inculquer les valeurs… »

GEERISH BUCKTOWONSING (ex-président du MACOSS) : « Un combat qui nous concerne tous »

Vous avez initié le projet des “10 Principes essentiels du citoyen responsable”, lancé la semaine dernière dans un premier établissement scolaire, soit au Hamilton College Boys, à Mahébourg. Pourquoi une telle initiative ?

Je suis actif au niveau social, notamment au sein du Rotary et du Macoss. Parmi les événements, ces derniers temps, nous avons entendu parler du meurtre d’une épouse par son époux; d’un père de la Force policière tué par son propre fils; des vieilles personnes maltraitées… Nous avons vu les ravages causés par la drogue, etc. En tant qu’observateur de la société, il ne fait pas de doute qu’il y a un déclin des valeurs. La jeunesse a besoin d’être comprise et on a aussi besoin de les éduquer. Bien souvent, il n’y a pas cette communication. On parle une langue et les jeunes parlent une langue différente. J’ai longtemps réfléchi sur les valeurs les plus importantes. Ce que je compte faire, c’est introduire dans les collèges dix principes qui, à mon sens, font un citoyen responsable : 1) Respect (respecter mes parents et mes aînés et apporter mon soutien en tout temps); 2) Valeurs républicaines (être respectueux envers les autorités et les lois et défendre les valeurs de la République); 3) Hospitalité (exercer l’hospitalité et adopter une attitude serviable envers les autres); 4) Courtoisie (respecter et faire respecter scrupuleusement les codes de la route et faire preuve de courtoisie); 5) Écologie (respecter l’environnement et combattre toutes formes de pollution); 6) Tolérance (accepter le droit à la différence de mon prochain; 7) Principes spirituels (faire preuve d’un esprit d’amour et de charité basé sur les principes spirituels; 8) Honnêteté (rejeter sous toutes leurs formes les gains faciles qui engendreront la corruption); 9) Éducation (Respecter mes enseignants et prendre en considération leurs conseils); et 10) Citoyenneté (agir en tant que citoyen responsable tout en adoptant un langage et un comportement honorables).

Pourquoi les collèges ?

Je souhaite susciter un débat entre élèves, enseignants et parents pour qu’au final on consolide ces valeurs. L’idée est de cibler les jeunes car ce sont eux les leaders de demain, les pères et les mères de demain. S’ils sont bien formés, ils auront certainement une meilleure attitude et pourront développer ces valeurs citoyennes qui sont par ailleurs les poteaux de chaque foyer. Nous avons commencé par le collège Hamilton à Mahébourg, là où les premières personnes ont débarqué à Maurice.

Avez-vous reçu l’approbation du ministère pour introduire le projet dans tous les collèges d’État ?
J’ai fait une requête au gouvernement. J’ai eu une réponse positive. J’attends juste un document qui l’atteste à l’écrit. J’ai aussi fait une demande auprès des collèges de Lorette. Je souhaite par la suite porter le débat sur le plan national. C’est un défi qui guette notre jeunesse. Je souhaite installer un panneau des “dix principes du citoyen responsable” dans un collège de chaque district.

Notre société a-t-elle perdu ces principes que vous avez énumérés ?
Il y a certainement eu un déclin quand on voit ce qui se passe tous les jours. Mais il faut les consolider. Il faut souligner que nous vivons dans une société et dans un système de marché où l’accent est mis sur le profit et l’intérêt.

Cette éducation à la citoyenneté est-elle uniquement le rôle de l’école ?
Non, ce n’est pas uniquement le rôle de l’école. D’abord, il faut que tout le monde soit formé. Les parents aussi doivent être formés. Bien souvent, on a reçu une certaine éducation où l’accent a été davantage mis sur le certificat. Aujourd’hui, on est en train de reconsidérer cela. Il faut que la formation soit équilibrée. Dans un monde connecté par Internet et où on veut tout avoir rapidement, il importe de rappeler que le bonheur n’est pas seulement matériel. Il faut encore avoir cette envie de servir, d’assumer ses responsabilités dans la famille, d’être conscient des grands défis environnementaux qui nous guettent; d’avoir un bon voisinage, le vivre ensemble, etc. Tout ceci est important. Le contraire de “myself and I”, c’est “we, together”.

Responsabilité citoyenne, c’est aussi en effet protéger l’environnement autour de soi et penser à l’avenir de ceux qui arriveront après, n’est-ce pas ?
Oui, quand on voit les dangers qui nous guettent suite au changement climatique, ce n’est pas uniquement le devoir des Ong de se pencher sur ce problème mais il faut qu’il y ait un changement au niveau individuel; un changement dans notre manière de nous comporter, d’utiliser les énergies, etc. C’est un combat qui va dans tous les sens. Il ne faut pas oublier qu’il y a des îlots qui ont disparu et qu’en tant que petite île, on est vulnérable. Il faut changer nos habitudes.

Cette éducation à la citoyenneté fait donc cruellement défaut dans notre système éducatif ?
Nous avons un système qui a eu ses réussites. Il y a certains changements en cours mais il est important de complémenter ce qui est enseigné dans le cursus secondaire entre les quatre murs de la classe. L’élève apprend beaucoup de choses mais il faut une certaine réforme. C’est une action citoyenne et c’est un combat qui nous concerne tous.

Les religions peuvent-elles avoir cette responsabilité aussi ?
Bien sûr. Il y a également des Ong qui regroupent de grandes religions comme le Conseil des Religions. Les religions nous enseignent beaucoup de valeurs. De l’autre côté, tout le monde doit participer dans cet objectif commun qui est de former le citoyen de demain.

Le mot de la fin ?
Après 50 ans d’indépendance, Maurice a connu certaines réussites qui avaient pour base des valeurs. Aujourd’hui, il est vrai, nous avons une société moderne axée sur le profit et l’intérêt. Mais il faut retourner vers ces valeurs qui ont fait notre succès et les préserver. Il est du devoir de chacun d’entre nous d’assumer ses responsabilités.

JACQUES LAFITTE (formateur de parents) : « Une crise des valeurs et une prolifération de contre-valeurs »

Le projet des “10 principes essentiels du citoyen responsable” vise à sensibiliser les collégiens sur leurs responsabilités envers leur pays, leur environnement et leur famille. À un moment où on note beaucoup de violences, tant chez les jeunes que chez les adultes, diriez-vous que ce projet a tout à fait sa raison d’être ?
Évidemment. Cela devrait même être introduit au primaire. L’initiative est louable mais je persiste à dire qu’il faut former les formateurs. Faire un tel projet demande des éducateurs très formés. Ces derniers temps, il s’est passé des choses dans les collèges. On a essayé de dévêtir une prof, on l’a agressée… Ces pauvres enseignants ont été formés sur le plan pédagogique, pour l’enseignement des “core subjects”. Mais ils n’ont pas été formés pour faire face à ce genre de situations. Ces élèves en question n’ont pas de rôle chez eux et lorsque quatre ou cinq jeunes dans la même situation se rencontrent, c’est là que se forment des gangs. Il faut donner priorité à la formation des enseignants. La formation classique couplée à un simple cours de “class management” est dépassée. Aujourd’hui, l’exigence dépasse cela. Être enseignant aujourd’hui demande une connaissance en sociologie et en psychologie. On parle souvent d’attacher un psychologue à l’école mais le psychologue ne peut se démultiplier. Je préfère encore dix profs formés à un psychologue.

Quelles sont les causes de ce manque de valeurs citoyennes ?
Le problème est bien plus profond. Avant d’apporter des propositions, il faut voir la racine. Je crois qu’elle est politique. Elle se trouve dans notre système d’éducation qu’on a voulu changer, bricoler par moments. C’est la course aux certificats. Je travaille avec des jeunes qui n’ont pas fait de grandes études mais qui sont très riches dans d’autres domaines. À l’époque du CPE, le système n’a rien trouvé de mieux que d’éliminer 40% des candidats. Pour le PSAC, je me pose encore des questions. Je n’ai pas encore vu les résultats. Je ne crois pas qu’il y ait eu des changements fondamentaux. On a donc un système qui écarte environ 40% des élèves et, au secondaire, on se concentre sur les certificats alors qu’on a besoin de plombiers, de soudeurs, etc. Aujourd’hui, un électricien a pratiquement besoin des mêmes compétences qu’un ingénieur. Pour avoir un rendez-vous avec un électricien aujourd’hui, il faut patienter. Et, on persiste avec les certificats. Autre problème : ceux laissés au bord de la route. Chaque ville est ceinturée par des ghettos. L’écart entre les salaires est plus que disproportionné. Quand des enfants grandissent dans ces milieux, avec le système éducatif tel qu’il est, ils deviennent des fardeaux pour l’école. Le problème familial est transféré à l’école où le recteur a deux missions : éduquer et gérer un vivre ensemble, ce à quoi il n’est pas formé. C’est le transfert des problèmes des ghettos vers les collèges.

Oui, mais la violence n’est pas un problème qui se restreint aux jeunes issus de milieux marginalisés…
Certainement. J’allais y venir. Il ne faut pas croire que c’est totalement différent dans les familles aisées. La classe moyenne a été écrasée par les taxes et elle est saignée à blanc. Des couples travaillent très dur et n’ont pas le temps de s’asseoir avec leurs enfants. Ils apportent chez eux un stress permanent. Encore une fois, l’enfant, même s’il a tout matériellement, n’a pas l’essentiel. Étant déficitaire en rôle, il suit les “tenors”. Il y a un phénomène de contamination.

Quelle est votre définition du citoyen responsable ?
C’est une personne qui est bien dans sa peau, qui a des ambitions légitimes et son pays lui donne les moyens d’atteindre ses ambitions. À partir de là, il voit ce qu’il peut faire pour son pays. Le citoyen responsable a conscience de l’environnement autour de lui. Il ne fuit pas la réalité à travers l’alcool, la drogue, etc. Je suis très impressionné par les Rodriguais qui sont pauvres, simples, mais fiers. Ils sont autosuffisants et transmettent ces valeurs de génération en génération. Un citoyen responsable aime ce qu’il fait. Il produit et contribue. Le sens de la collectivité prime chez lui.

Ces principes citoyens n’existent plus dans notre société ?
Malheureusement, avec la crise au sein des familles, ceux qui ont le sentiment d’avoir été laissés au bord de la route du développement deviennent des gens amers, sur la défensive. Ils sont agressifs, prêts à bondir. Quelles valeurs peuvent-ils transmettre ? Celles-ci sont remplacées par des contre-valeurs. Il n’y a qu’à voir le comportement des conducteurs sur nos routes. Les gens portent une frustration profonde et ne savent pas comment se défouler. Il y a une crise des valeurs et une prolifération de contre-valeurs.

Comment former ces citoyens responsables ?
Il faut commencer par l’éducation. Ensuite, s’occuper des familles marginalisées car ce sont elles qui vont nous étouffer et leur influence gagne du terrain. Des Ong s’échinent à s’occuper de ces personnes. Qu’on leur donne les moyens. Ce qui est dommage, c’est que les municipalités ne jouent pas leur rôle. Quand je venais de finir le HSC, il y avait une panoplie de cours – théâtre, musique photographie, yoga, etc. – qui étaient offerts par les municipalités. Des coopérants français assuraient ces cours. Cela aurait été l’occasion de démultiplier les divertissements à l’intention des jeunes. Cela aurait permis une ouverture. Les collectivités locales auraient également pu contribuer à ce niveau, sachant que chaque région a ses besoins spécifiques. Il faut impliquer davantage les citoyens pour les aider à se prendre en main.

SYLVETTE PARIS-DAVY (experte de la petite enfance) : « La liberté des jeunes doit être aménagée »

Que pensez-vous du projet des “10 principes essentiels du citoyen responsable” dans les collèges en vue de sensibiliser les collégiens sur leurs responsabilités envers leur pays, leur environnement et leur famille ?
Être un citoyen, c’est être un individu à part entière dont les droits sont garantis par la loi mais le citoyen lui-même doit avoir le sens du devoir pour fonctionner normalement dans une société. Partout où on circule, il doit y avoir des règles. Être un citoyen responsable, c’est aussi avoir l’amour et de la fierté pour son pays. Le pays attend beaucoup de chaque citoyen. Ce qu’un citoyen peut faire pour son pays est un don gratuit et cela doit venir de cet amour. Cela doit être inculqué d’abord par la famille. Tout petit, un enfant doit pouvoir sentir l’amour de ses parents pour qu’il puisse donner aux autres autour de lui ce sentiment de bien-être et d’appartenance. Tout cela vient déjà de la famille. Ensuite, il y a l’école qui est un lieu de vie. Elle doit demeurer une institution qui garantit l’épanouissement intégral d’un enfant. Les parents doivent être partie prenante de l’éducation de leurs enfants. À ce moment, on peut avoir des citoyens bien portants.

La famille et l’école sont donc deux éléments essentiels dans l’éducation citoyenne ?
La famille, c’est la cellule de la société. C’est important que chaque famille arrive à inculquer aux enfants les principes de base, ce qu’on appelle les règles, la discipline. C’est-à-dire, avoir une bonne conduite dans sa vie, savoir se mettre au diapason avec tout ce qui est important pour se construire en tant qu’être humain, individu, citoyen et patriote. Autour de tout cela, il y a des mots-clés : l’écoute, l’obéissance et la coopération. Si, déjà, on arrive à inculquer à chaque petit enfant le sens d’appartenance à ce pays, on parviendrait à créer une continuité au niveau des valeurs. Je dirais aussi que l’enseignant a un rôle important dans la vie d’un enfant. Aujourd’hui, on a beaucoup de crèches parce que les parents travaillent. Il y a des auxiliaires de vie qui s’occupent des enfants. Il est primordial de donner à chaque enfant cette confiance, cette sécurité émotionnelle… Ce sont des valeurs qui vont nourrir l’enfant affectivement pour que demain il se sente et devienne utile. Être citoyen, c’est aussi se sentir utile, avoir sa place dans cette société. Quand l’enfant passe de la crèche à l’école maternelle, celle-ci doit permettre à l’enfant de croire en lui: « Crois en toi, en ce que tu peux devenir. Tu as des capacités de réussir. » L’éducatrice à la maternelle est une personne qui doit materner. Il y a ce côté relationnel qui est indispensable à l’école. Mais, quand ils vont en primaire, ce contact n’y est pas. Les enfants deviennent des adultes en miniature. Ce n’est pas l’école de la vie. Je pense que nos écoles primaires doivent aussi penser au fait que chaque enfant qui arrive est un être humain à part entière. Et, si nous voulons lui donner le sens d’appartenance, à être un citoyen bien portant, il faut que nous lui apportions la notion de civilité : savoir lui parler, savoir l’aider à prendre conscience de son comportement, savoir l’aider à anticiper les conséquences par rapport à un comportement malveillant au lieu de le punir, de le taper. Tout cela n’est pas bien. Parler amènera l’enfant à être un citoyen bien portant parce qu’un être humain ne comprend que par la parole et non par les coups.

Nos citoyens ont-ils toujours ces qualités que vous avez énumérées ?
Il y a tellement de maux dans notre pays que, vraiment, il y a une souffrance énorme. Nous, en tant que professionnels, voyons tout cela et nous nous demandons si l’école est en train de jouer son rôle en incluant les parents comme partie prenante de l’action éducative de leurs enfants. Moi, je suis vraiment triste de voir comment nos jeunes sont arrivés à faire de très grosses bêtises qui ont des répercussions sur la vie de notre société. Vous lisez les journaux et vous êtes ahuris par tant de maux. Cela fait de la peine pour un pays comme Maurice.

L’éducation aux valeurs citoyennes fait défaut dans notre système éducatif ?
Certainement ! Les jeunes ont aujourd’hui toutes les possibilités : Internet, iPad, smartphones… tout est à leur liberté. Mais cette liberté doit être aménagée. Et qui l’aménage ? Il faut que les parents jouent leur rôle. L’école inculque aux enfants les principes en collaboration avec les parents. L’école est le prolongement de la famille. Il y a beaucoup de choses qui ont été dites au niveau national mais rien n’a été mis en place. Il y a beaucoup de lacunes.

Le programme éducatif est probablement trop chargé ?
Le programme éducatif ne répond pas spécifiquement au bien-être des enfants. Leur inculquer autant de connaissances et ne pas leur inculquer les valeurs… Où sont les valeurs ? Où sont les classes de morale ? Vous prenez l’autobus, vous entendez la manière de parler des jeunes, les insultes…

Cela vous inquiète-t-il ?
Je suis très inquiète pour l’avenir du pays ! Il n’y a même pas le respect de soi. Quand vous voyez la manière de s’habiller, de communiquer… C’est ahurissant !

Quid des familles brisées ou des parents qui ne sont pas à même d’assumer leur rôle ?
Les enfants qui sont mis dans les “shelters” par exemple, sont des enfants, des citoyens à part entière. Mais ils ne reçoivent pas une qualité de nourriture affective qui puisse les aider à se construire en tant que citoyens. Ce sont des enfants laissés pour compte. Pour moi, ils sont comme des enfants à la consigne. Vous déposez votre valise là et vous venez la reprendre après. À la différence qu’eux, ils restent au “shelter” et ne partent pas.

Quelle solution pour ces enfants dont les parents ne sont pas en mesure d’assumer leur rôle ?
Il faut que le pays se ressaisisse. Il faut redonner à ces centres d’accueil d’enfants privés de milieu familial normal des auxiliaires de vie formés et qui comprennent ce qu’est l’humain. « Ce n’est pas ton enfant, c’est l’enfant d’un autre. Il a vécu des difficultés et se trouve dans une situation déplaisante. Mais, toi, l’étranger, que tu fasses goûter à cet enfant un peu de bonheur ». Dans certains “shelters”, tel n’est pas le cas. C’est morose et lamentable. Je suis vraiment déçue de voir que notre État a ratifié la Convention des Droits des Enfants alors que dans ce pays tous les enfants n’ont pas les mêmes droits. En 40 ans de carrière dans la petite enfance, j’ai formé beaucoup de jeunes mais combien ont valorisé cette formation ? Le monde de la petite enfance est devenu un monde très commercial aujourd’hui et c’est vraiment dommage car il y a beaucoup de lacunes. Si l’État se remet en question et redonne sa lettre de noblesse à ce Children’s Bill… Quand on vient me dire qu’il faut avoir tant de chaises et de tables, ce n’est pas là l’importance. C’est davantage la qualité de la vie relationnelle que j’apporte à cet enfant et l’encadrement du parent pour que son enfant devienne un citoyen admirable qui importent.

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