COMMISSION D’ENQUÊTE SUR LA DROGUE : Tisha Shamloll, « J’ai exécuté des instructions  »

L’audition de Me Tisha Shamloll, jeune avocate jusqu’ici anonyme et dont le nom est sur toutes les lèvres depuis quelques jours, s’est déroulée en grande partie à huis clos hier. Dès son arrivée, elle devait faire une requête en ce sens auprès de diverses personnes présentes, mais une partie de son audition s’est déroulée en public. Au cours de cette déposition, face aux nombreuses questions du président Paul Lam Shang Leen, l’avocate devait insister qu’elle ne divulguerait certaines informations qu’à huis clos.
Dès le départ, Me Tisha Shamloll a confirmé qu’elle a bien travaillé pour Me Raouf Gulbul et qu’elle avait « exécuté des instructions données par mon Senior », en l’occurrence lui-même, s’agissant de visites à des détenus en prison, dont le trafiquant notoire Peroumal Veeren. De plus, elle devait expliquer que « lors de la campagne pour les élections de décembre 2014, tout le staff de Me Gulbul a travaillé, de même que Me Samad Golamauly et Me Ashley Hurhangee, qui était le Campaign Manager ». Ces deux hommes de loi étaient présents parmi l’assistance hier.
Me Tisha Shamloll n’a pas raté son entrée à la cour commerciale qui abrite les travaux de la Commission d’enquête sur la drogue, et ce, depuis fin 2015. La jeune femme s’est, en effet, fendue d’un « c’est bien ici que je dois venir ? » en arrivant sur les lieux. D’entrée de jeu, le président de la Commission d’enquête devait demander à cette habitante de Centre de Flacq qui a prêté serment en janvier 2013 de donner son numéro de téléphone. Ce faisant, Paul Lam Shang Leen devait indiquer à Me Shamloll que « notre équipe d’enquêteurs vous a retracé par le biais de votre numéro de téléphone. Nous avons également eu des informations selon lesquelles vous vous êtes fréquemment rendue en prison pour voir des détenus… » Tisha Shamloll devait répondre qu’elle « expliquerait tout en détail, le moment venu » et qu’elle « ne nie pas ces faits ». Paul Lam Shang Leen devait lui faire remarquer que « pour une junior, votre numéro a été circulé auprès d’un certain nombre de détenus », ce à quoi elle a répondu par l’affirmative.
Lam Shang Leen : Vous connaissez Siddick Islam ?
Shamloll : J’en ai entendu parler.
Lam Shang Leen : Prosper ?
Shamloll : Oui.
Lam Shang Leen : Jimmy Alexis ?
Shamloll : Je n’ai pas été en communication avec lui…
Lam Shang Leen : Peroumal Veeren ?
Shamloll : Certainement !
Lam Shang Leen : Vous n’êtes pas au courant que c’est un délit que de communiquer avec un détenu via un portable ?
Shamloll : Je l’ai appris de mes Seniors l’an dernier seulement…
60 minutes
Lam Shang Leen : L’une de vos plus longues conversations est de 60 minutes, avec le trafiquant déjà condamné Siddick Islam… C’est drôle, non ? Une heure ! Vous vous en souvenez ?
Shamloll : J’en parlerais à huis clos.
Lam Shang Leen : Pourquoi ?
Shamloll : Il me semble qu’en prison, c’est une pratique que plusieurs détenus utilisent un même téléphone. Je crois savoir que plusieurs détenus sont incarcérés dans une même cellule… Peut-être que cette conversation a été avec quelqu’un dans ce contexte… Siddick Islam n’a jamais été mon client.
Lam Shang Leen : Vous savez qui sont ses avocats ?
Shamloll : Mes Raouf Gulbul et Noor Hossenee. Ce dernier l’assiste d’ailleurs toujours.
Lam Shang Leen : Et Peroumal Veeren ? Comment vous êtes entrés en contact ?
Shamloll : Il m’avait envoyé un message… Le dernier en date remonte à janvier 2017 si je ne m’abuse pas. Si je peux demander à la Commission quelques minutes de patience, je vais chercher sur mon téléphone. Le fait est que j’ai reçu une série de SMS dont les contenus étaient « disturbing » et j’ai donc fait bloquer certains numéros pour ne pas être dérangée…
Lam Shang Leen : Qu’entendez-vous par « disturbing contents » ?
Shamloll : Je ne souhaite pas en parler en public.
Lam Shang Leen : Qui est l’avocat de Peroumal Veeren ?
Shamloll : Il a un panel d’avocats…
Lam Shang Leen : Et vous en êtes le 24e, c’est ça ?
Shamloll : Je ne sais pas…
Lam Shang Leen : Vous avez prêté serment en 2013, or ce qui m’a beaucoup frappé, pour une jeune avocate, c’est que vous avez eu affaire à des trafiquants de drogue déjà condamnés et incarcérés depuis un bon bout de temps. Or, en 2013, 2014, 2015 et 2016, vous êtes allée régulièrement leur rendre visite… Vous connaissez un certain Emilien, dit « Very Good » ?
Shamloll : J’ai déjà entendu parler de lui.
Lam Shang Leen : Qui sont les juniors qui étaient au bureau de Me Gulbul en même temps que vous ?
Shamloll : Il y avait Neeroo Sowambur-Ramdharri, Nashreen Saudagar, Noor Hossennee et moi-même.
Lam Shang Leen : Venons-en au détenu Fazal Hussein. Vous êtes allée lui rendre visite sur les instructions de votre Senior ?
Shamloll : En effet.
Lam Shang Leen : Vous avez fait des dépôts d’argent à au moins trois reprises sur son compte en prison ?
Shamloll : Oui.
Lam Shang Leen : Comment cela ?
Shamloll : J’étais une junior à l’époque. J’ai bien demandé à mon Senior, en l’occurrence Me Raouf Gulbul, si cette pratique était admise et il m’a confirmé que cela se faisait…
Tisha Shamloll ouvre ici une parenthèse pour, dit-elle, « expliquer comment, à l’époque, je venais de prêter serment. J’étais une jeune struggling barrister et Me Gulbul et moi nous nous croisions souvent dans les cours… Cela m’a fortement peiné de lire dans la presse qu’il a dit que je n’ai jamais été son Junior. S’il est vrai que je n’ai pas fait mon pupillage auprès de lui mais auprès de Me Rex Stephen, en revanche, même si je n’étais pas présent dans son bureau chaque jour, je le voyais tous les jours. Il m’appelait régulièrement pour que je l’assiste dans plusieurs des cas qu’il traitait… »
Pratique normale
Lam Shang Leen : Revenons-en au cas de Fazal Hussein. Comment est-ce qu’un Junior que vous étiez se retrouve à déposer des sommes d’argent sur le compte du détenu, en prison ?
Shamloll : Ce jour-là, quand je suis arrivée au bureau de Me Gulbul, Sada Curpen était déjà présent dans les locaux. Je pense bien que c’est lui qui avait retenu les services de Me Gulbul pour représenter Fazal Hussein, qui est un ressortissant Indien. C’était mon premier cas de review et j’étais tout excitée et contente. J’ai perçu Rs 25 000 pour mes honoraires et Me Raouf Gulbul m’a remis Rs 5 000 pour être déposées sur le compte de Fazal Hussein. Je lui ai demandé si cela se faisait ; il m’a assuré que oui… J’ai pensé que c’était la pratique normale.
Lam Shang Leen : Quand avez-vous découvert que c’est illégal ?
Shamloll : L’an dernier, par le biais de mes confrères et amis du barreau.
Lam Shang Leen : Et Peroumal Veeren, quand vous a-t-il contacté pour la première fois ?
Shamloll : Cela devait être en février 2016…
Lam Shang Leen : Cela nous a aussi étonnés de voir qu’une jeune avocate comme vous avez beaucoup d’argent sur votre compte en banque ? Ce sont des honoraires ? Vous êtes donc bien payée par vos Seniors ?
Shamloll : En effet. Il y a là mes honoraires mais je tiens à faire remarquer que je n’ai pas que les cas des trafiquants de drogue à mon actif. J’ai aussi des autres clients.
Tisha Shamloll devait déclarer que « la soeur de Peroumal Veeren, Santa, qui est officier de police, a déjà retenu mes services pour son frère, et elle m’a payé Rs 25 000 en une occasion. Un homme qui s’est présenté comme le frère de Peroumal Veeren m’a également déjà approché dans le même sens et payé Rs 15 000 en deux occasions. Comme ce ne sont pas là des sommes conséquentes, je ne me suis pas posée de questions… »
Paul Lam Shang Leen devait également demander à Me Shamloll si elle avait une idée de comment « les cartes SIM et les téléphones portables entrent en prison ».

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