Commission d’enquête – Mohabeer : « Veeren m’a appelé pour m’emprunter de l’argent… »

Anil Kumar Mohabeer, dit Satish, est un commerçant qui a souvent eu maille à partir avec la justice. Dernier fait en date : janvier 2017, quand il est arrêté par l’ICAC et quand un pactole d’environ Rs 5 millions est retrouvé lors d’une fouille à son domicile.

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Il a aussi fait la prison à trois reprises pour des délits liés à la drogue. Sa convocation par la Commission d’enquête sur la drogue hier gravitait surtout autour de ses liens avec les caïds notoires, Peroumal Veeren et Curly Chowrimootoo, tous deux actuellement en prison. Niant d’un bout à l’autre ses ramifications avec ces derniers, Anil Kumar Mohabeer a été vertement réprimandé à trois reprises par le président de la Commission, Paul Lam Shang Leen.

Des contacts téléphoniques ont été recensés entre le témoin et ces deux trafiquants de drogue. Le gérant d’une tabagie de Port-Louis a déclaré : « Veeren m’a effectivement appelé… Il voulait m’emprunter de l’argent. » Ce qui n’a pas manqué de faire réagir Paul Lam Shang Leen.

Anil Kumar Mohabeer, habitant Le Hochet, Terre-Rouge, n’a pas nié avoir fait au moins trois fois la prison pour des affaires liées à la drogue. En revanche, l’homme récuse toute connexion avec les trafiquants notoires Peroumal Veeren et Curly Chowrimootoo, et ce bien que des relevés téléphoniques attestant de ses échanges avec ces deux hommes remontent à pas plus tard que mai 2016 ! « Quelque 43 appels entre le commerçant et Curly Chowrimootoo entre janvier et mai 2016 », devait préciser le président de la Commission, Paul Lam Shang Leen.

Paul Lam Shang Leen : Vous travaillez comme “money changer” ?

Anil Kumar Mohabeer : Non.

PLSL : Que vendez-vous dans votre tabagie ?

AKM : Des cigarettes, des boissons gazeuses, des articles de luxe…

PLSL : Que voulez-vous dire par articles de luxe ?

AKM : Des souvenirs ou des t-shirts que des touristes achètent…

PLSL : Vous êtes amateurs de motos, à ce qu’il paraît… Vous en avez beaucoup ?

AKM : Une Honda… Non, une Suzuki.

PLSL : Honda ou Suzuki ? Il faut savoir ! La Honda ça fait longtemps que vous l’avez vendue… En 2015, vous avez acheté une Nissan Sunny ?

AKM : Non.

PLSL : Eoula ! Napa vinn rakont zistwar-la ! Le véhicule immatriculé 2319 ZH 96 n’est pas enregistré à votre nom ?

AKM : Non.

PLSL : Je vous rappelle que vous êtes sous serment !

AKM : Registrar kone pa pou mwa sa…

PLSL : Selon le document officiel que nous avons ici, c’est écrit que ce véhicule est enregistré au nom d’Anil Kumar Mohabeer, habitant rue Ste-Famille, Roche-Bois. Ce n’est pas vous ?

AKM : Non.

PLSL : Vous n’avez jamais habité Roche-Bois ?

AKM : Non, j’habite Terre-Rouge, Le Hochet.

PLSL : Écoutez ! Swa ou enn gran manter… L’huissier, qui a délivré le “summons” pour que vous vous produisiez devant la Commission aujourd’hui, mentionne dans ce document officiel qu’il a livré la convocation, en main propre, au dénommé Anil Kumar Mohabeer, domicilié rue Ste Famille, Roche-Bois. Ce n’est pas vous ?

AKM : Non, pa mwa sa.

PLSL : Il y a beaucoup d’Anil Kumar Mohabeer à Maurice ?

AKM :

PLSL : Revenons-en à la Nissan Sunny.

AKM : En quelle année a-t-elle été achetée ?

PLSL : En 2015.

AKM : Non, ce n’est pas moi.

PLSL : Et pourtant l’adresse qui figure sur le document officiel et le nom sont bien Anil Kumar Mohabeer, rue Ste Famille, Roche-Bois.

AKM : Ce n’est pas moi !

PLSL : Qu’en est-il de la moto Honda ?

AKM : Je l’ai perdue en 2004.

PLSL : La Suzuki ?

AKM : (NdlR : il secoue la tête)

PLSL : Et pourtant, elle est enregistrée officiellement au nom d’Anil Kumar Mohabeer, Place du Quai, Port-Louis. Vous allez me dire que ce n’est toujours pas vous ! Ou pe dir tou lekontrer de seki ena dan dokiman ofisiel-la.

AKM : Mo pran responsabilite.

PLSL : Vous avez dit que vous n’êtes pas cambiste. Qui est Akshay Sharma Kariman ?

AKM : Mon neveu.

PLSL : Que lui était-il arrivé ?

AKM : Il avait eu un problème avec la police. Il avait été arrêté…

PLSL : Pourquoi ?

AKM : Parce qu’il devait effectuer un versement pour moi…

PLSL : La police l’avait intercepté avec plus de Rs 600 000 et il avait déclaré que vous lui aviez donné l’ordre d’aller rencontrer une certaine Mme S. qui travaille dans un bureau de change…

AKM : Non, non. Il avait mal compris… Il devait faire ce versement pour moi à la banque.

PLSL : À la banque… La police avait effectué une fouille chez vous. Le 16 mars 2013 à 5h du matin. Elle avait trouvé un sac de devises étrangères, dont 31 500 euros et USD 2 032. Que faisiez-vous avec tout cet argent ?

AKM : J’ai tous les reçus pour ces sommes… J’utilise cet argent pour mes affaires à l’étranger, notamment quand je me rends à Madagascar.

PLSL : Des dollars canadiens ? Des francs suisses ? Des roupies seychelloises ? Des dollars australiens ? Des dinars ? Des dollars de Nouvelle-Zélande ? Des livres sterling ? Vous utilisez tout ça quand vous vous rendez à Madagascar ? Nous soupçonnons que vous êtes un cambiste fraudeur…

AKM : Non, pas du tout.

PLSL : Je ne vais pas m’étendre sur cette affaire, parce que l’enquête est toujours en cours… Venons-en à vos fréquentations. Vous connaissez un dénommé Flora ?

AKM : Non.

PLSL : Curly Chowrimootoo ?

AKM : Non. Mais j’ai appris qui c’est à travers les journaux…

PLSL : Peroumal Veeren ? Vous l’aviez rencontré quand vous étiez en prison ?

AKM : Non.

PLSL : Vous avez un numéro de téléphone ?

AKM : Oui, le 5 XXX XXXX

PLSL : Vous avez déjà communiqué avec Peroumal Veeren par téléphone ?

AKM : Non jamais. Je connais son père…

PLSL : Et vous n’avez rien à faire avec lui ?

AKM : Non, rien.

PLSL : Eh bien, il semblerait que Peroumal Veeren, lui, vous aime beaucoup, parce que votre numéro figure dans son fameux carnet, et à côté de votre numéro, il y a le nom « Satish »…

AKM : Non, ce n’est pas moi. Je connais son père…

PLSL : Et vous n’avez rien à faire avec lui ? À qui avez-vous donné votre numéro de téléphone quand vous étiez en prison ?

AKM : Personne.

PLSL : Je vous rappelle encore une fois que vous êtes sous serment !

AKM : Ce n’est pas moi qui l’ai appelé. C’est lui qui m’a cherché.

PLSL : Pourquoi ?

AKM : Pour m’emprunter de l’argent…

PLSL : (NdlR : il s’esclaffe) Peroumal Veeren apel ou pou pran kas prete ek ou ? Et Curly Chowrimootoo ?

AKM : Non, je ne le connais pas.

PLSL : Vous ne vous êtes jamais parlés au téléphone ?

AKM : Non.

PLSL : Je vous avertis pour la troisième fois ! Votre numéro de téléphone figure sur les relevés que nous avons, et des contacts téléphoniques entre vous et ces deux trafiquants ont été trouvés ! Ils savent que vous êtes un “cambiste marron” et font appel à vos services pour avoir des devises étrangères… C’est vous qui changez leur argent !

AKM : Non, jamais.

PLSL : Pourtant, je vous le dis ! Quand la police a effectué des fouilles chez vous, tout porte à croire que vous vous adonnez à ces pratiques douteuses pour leurs comptes ! D’ailleurs, nous avons là des relevés téléphoniques des opérateurs concernés. On voit que de janvier à mai 2016, entre votre téléphone et celui qui était en possession de Curly Chowrimootoo, il y a 43 appels ! Entre septembre et octobre 2017, vous n’avez pas communiqué avec Curly Chowrimootoo ?

AKM : Non !

Paul Lam Shang Leen a donné deux semaines à Anil Kumar Mohabeer pour produire ses documents relatifs à ses compagnies, dont ses VAT Returns ainsi que « des comptes bancaires, qu’ils soient au nom des compagnies, ou vos relevés personnels depuis 2010 ».

Plus de 4 minutes avec Veeren et plus  de 12 minutes avec Chowrimootoo

C’est Sam Lauthan, l’ancien ministre de la Sécurité sociale, qui a divulgué les détails lors de la séance d’hier : « Le 25 janvier 2017, il y a des conversations enregistrées, dont une durant plus de 4 minutes, entre Peroumal Veeren et vous. De quoi avez-vous parlé ? Et le 22 janvier 2016, il y a un échange téléphonique de plus de 12 minutes avec Curly Chowrimootoo… » Anil Kumar Mohabeer a toutefois nié avoir passé ces coups de fil. L’assesseur Lauthan lui a rappelé que « votre numéro de téléphone, que vous avez reconnu, figure dans le carnet de Veeren, et à côté, il y a votre sobriquet, Satish… »

Quand Mohabeer défraie la chronique

Le nom d’Anil Kumar Mohabeer revient souvent sur le tapis dans la chronique des faits divers. Pas plus tard qu’en janvier 2017, cet homme qui a déclaré habiter Le Hochet, Terre-Rouge, à la Commission Lam Shang Leen, et qui gère, entre autres, une tabagie à la Place du Quai, à Port-Louis, est arrêté par les enquêteurs de l’ICAC. Et ce dans le sillage d’une fouille à son domicile, où plus de Rs 5 M d’articles et d’argent, entre autres, ont été trouvés. En effet, outre des objets de valeur, les agents avaient également trouvé des bijoux en or, un lingot d’or ainsi que de l’argent et des montres de grande valeur. Anil Kumar Mohabeer est fiché auprès des services de police et d’autres unités, telles l’ICAC et la FIU, comme un “cambiste marron”, soit un agent de change qui œuvre au noir.

Avant janvier 2017, les enquêteurs de la FIU remontent jusqu’à lui quand son neveu, Akshay Sharma Kariman, est intercepté par la CID de Port-Louis Nord, avec plus de Rs 600 000 qu’il devait convertir auprès d’un bureau de change. Dans sa déposition, le neveu de Satish indique que c’est son oncle qui lui a confié la somme d’argent trouvée sur lui et donne des indications claires quant à la personne qu’il devait aller voir et le lieu de la rencontre pour réaliser la transaction…

Avant cela, soit en 2013, il est pisté par la police dans le sillage de gros transferts d’argent vers Madagascar. La même année, le commerçant avait été arrêté dans une affaire concernant un colis d’héroïne, estimé à plus de Rs 30 M. Il avait été poursuivi pour blanchiment d’argent sous la Dangerous Drugs Act (DDA).

En août 2005, il a été provisoirement accusé de blanchiment dans une affaire de fraude portant sur Rs 82 500 dans un compte bancaire à son nom dans l’ancienne Banque nationale de Paris intercontinentale (BNPI). L’affaire remontait à juillet 2000.

Anil Kumar Mohabeer aurait également, en son nom, plusieurs compagnies, dont Keshav Ltd, la seule toujours en opération, tandis qu’une imprimerie, une société AA Mohabeer, Rudra Co Ltd, Dragonite, ou encore, Le Brodeur, n’existent plus. Le quadragénaire a été sommé par Paul Lam Shang Leen de produire les comptes bancaires de ces compagnies ainsi que ses comptes personnels dans une quinzaine de jours.

 

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