COMMISSION DES DROITS HUMAINS—Anishta Babooram: « Je doute fort que mon éviction est due à mon positionnement sur l’affaire Hureechurn »

« Jusqu’à l’heure, on n’a pu me dire où j’ai fauté », s’indigne Anishta Babooram. Pour elle, il ne fait pas de doute que son éviction comporte une raison politique. Ce qui la mène à dire qu’aujourd’hui, « la politique s’est immiscée dans les Droits humains ». Elle dit ne pas comprendre pourquoi elle est la seule à voir la fin de son contrat alors qu’il aurait dû terminer dans un an. « Il y a tout un flou et beaucoup de spéculations. J’ai été nommée le 20 juin 2014, et on a choisi de mettre fin à mon contrat avant le 20 juin 2018, dans lequel cas j’aurais eu trois mois de compensation contre un seul mois dans le cas présent ». La nomination des membres de la NHRC, rappelle-t-elle, est faite par le président de la République, sur conseil du Premier ministre qui lui-même doit avoir consulté le leader de l’opposition avant. « Cela signifie donc que ma nomination a été faite en toute transparence. On a consulté le leader de l’opposition car une commission des Droits humains est censée être impartiale et apolitique ». Quant à une éviction, poursuit-elle, c’est encore le président de la République qui en décide sur l’avis du Premier ministre mais la loi ne dit pas qu’il doit consulter le leader de l’opposition. Toutefois, il faut que le membre présente « une incapacité à assumer ses fonctions ou qu’il ait fait preuve de mauvaise conduite ». Or, Anishta Babooram dit ne se trouver dans aucun des deux cas. De plus, « je n’ai participé à aucune activité politique, je n’ai pas défié le gouvernement ». A la place, selon elle, « on a utilisé les sections 3, 4 de la section 113 disant qu’après une élection, ils ont le droit d’évincer un membre à n’importe quel moment ». Or, souligne la légiste, « la Commission n’est pas n’importe quelle institution. Si j’avais été nommée sur un Board… mais ce n’est pas un Board, c’est une institution qui revêt un cachet international ».
« Des sanctions contre toi »
Ce qui l’induit à penser que c’est très probablement à cause de sa déclaration sur une radio concernant la mort suspecte du policier Arvin Hureechurn, arrêté pour trafic de drogue et retrouvé mort dans sa cellule. « Avant de faire cette déclaration, j’ai consulté la Deputy Chairperson, Me Lassemillante qui m’a brief ». Dès le lendemain, elle était convoquée d’urgence par Me Marie-Lourdes Lam Hung. « Elle m’a dit : “Ma fille, tu ne sais pas ce que tu as fait. Le Bureau du Premier ministre a dit qu’il y aura des sanctions contre toi !” ». Pour Anishta Babooram, si on ne l’a pas évincée tout de suite après cette déclaration, « c’est qu’il y aurait eu un tollé car si on m’avait évincée, cela aurait démontré que la mort du policier était vraiment suspecte. J’ai appris que c’est Prakash Maunthrooa qui a parlé de sanctions ».
Hors d’elle, elle souligne qu’une Commission des Droits humains ne devrait pas fonctionner ainsi. « Une telle commission doit avoir le droit de supervision sur ce que fait la police et non vice-versa. On ne peut questionner ce qu’un membre de la NHRC fait. Le président, M. Seetulsing, de retour de l’étranger, était furieux en apprenant qu’on m’avait convoquée et a estimé qu’on n’aurait pas dû me questionner sur mon travail ».
Elle dénonce par ailleurs le fait que le gouvernement soit venu avec un nouveau projet de loi pour une Independent Police Complaints Commission. « Soi-disant pour nommer de nouvelles personnes. Il y a certaines connexions politiques ». Anishta Babooram dit ne pas se considérer comme une nominée politique mais « une personne qui a travaillé en toute indépendance et qui a fait le mieux pour son pays ». Elle reconnaît avoir dit plusieurs choses en tant que présidente de l’ONG The Rising suite à l’affaire Hureechurn. Mais, fait-elle voir, « selon les Principes de Paris, le mandat d’un membre d’une commission des droits humains doit bénéficier d’un degré de stabilité pour assurer une réelle indépendance. Or, si vous évincez un membre, il n’y a pas d’indépendance. L’Opca dit que la commission doit avoir certains privilèges et une immunité pour effectuer son travail. Je ne vois pas d’immunité ».
Hypocrisie
Anishta Babooram dénonce « l’hypocrisie de ce gouvernement et de Pravind Jugnauth concernant le problème de drogue. J’ai beaucoup appris des officiers de la Prison. La semaine dernière j’étais à la Prison de Melrose et on m’a montré la manière dont le travail se fait. Je confirme les propos de certains officiers : la prison est devenue une vraie passoire comme jamais auparavant ! » Elle devait indiquer que les deux anciens commissaires de police étaient très accessibles contrairement à l’actuel commissaire des prisons. « Oui, on arrête des trafiquants. Mais, on fait croire qu’on va les fermer pour 30 ans. C’est faux. La drogue et l’héroïne entrent à la prison par millions de roupies. Même Ravi Rutnah, député du gouvernement a dit qu’il y a certaines personnes à la tête de l’ADSU qui encouragent la drogue ». La peine capitale, selon elle, « est une autre hypocrisie du gouvernement. C’est pour avoir une popularité. Aujourd’hui, on n’en entend plus parler ».
L’ex-membre de la NHRC compte maintenant alerter les instances internationales en lien avec les droits humains de sa situation.

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