COMMISSION LAM SHANG LEEN : L’heure de vérité pour des membres du barreau

Les travaux de la commission d’enquête sur la drogue, présidée par l’ancien juge de la Cour suprême Paul Lam Shang Leen, ont abordé depuis la semaine écoulée une phase décisive. Ainsi, les premiers membres du barreau intéressant la commission d’enquête ont été convoqués formellement avec une première audition, soit celle de Me Anupam Kandhai, déjà entamée. Les dernières informations sont que le prochain qui devra s’expliquer au sujet de ses contacts avec des prisonniers condamnés pour des délits de trafic de drogue pourrait être Me Erikson Mooneeapillay. De son côté, Me Trisha Shamloll, l’un des premiers noms évoqués, soit depuis la fin de l’année dernière, se prépare pour ce rendez-vous avec la commission Lam Shang Leen, sachant que tôt ou tard elle devra affronter cette épreuve. La carrière d’un Senior Member of the Bar avec des liens et un carnet d’adresses politiques à haut niveau pourrait changer de cours après le passage de la junior Shamloll devant la commission. En parallèle, l’Independent Commission Against Corruption (ICAC) a pris l’initiative d’un projet de plateforme commune des stakeholders dans la lutte contre le blanchiment de fonds en adoptant une stratégie coordonnée.
Les prochaines séances de la commission devraient voir une montée en gamme des membres du barreau à être entendus au sujet des dessous du trafic de drogue à Maurice. Jeudi dernier, Me Kandhai a été longuement cuisiné au sujet du paiement d’une amende de Rs 300 000 au nom du prisonnier étranger Jackson Kamasho, condamné à 13 ans pour importation illégale de drogue. Il a fait comprendre à la commission qu’il avait été approché par un ancien détenu, Sanjeev Nunkoo, à cet effet. Le premier avocat, interrogé par la commission, a rejeté des allégations de connexion avec des trafiquants de drogue. Il a aussi été appelé à fournir des informations au sujet des mouvements de fonds enregistrés sur ses comptes bancaires. L’on notera qu’une douzaine de membres du barreau sont sur le radar de l’ancien juge de la Cour suprême.
La convocation en début de semaine de Me Mooneeapillay devra ouvrir un chapitre majeur dans le trafic de drogue. En effet, le dossier de Peroumal Veeren, le prisonnier purgeant une peine d’une trentaine d’années, et portant le matricule BL 910, devrait servir d’entrée en matière pour cette audition. L’homme de loi, dont le nom figure sur la liste de la Prison centrale avec pour mention, comme dans les autres cas, que « there is no record regarding request made by the detainees to be visited by the named barristers », devra être confronté à des éléments accablants sur des contacts avec le dénommé Veeren, le prisonnier qui se permettait de balader en cellule avec une chaîne en or évaluée à plus de Rs 1 million.
Un autre témoin de calibre pour la commission d’enquête devrait être Trisha Shamloll, une junior qui a connu un parcours quasiment exceptionnel. Cette avocate devra justifier ses revenus et son train de vie avec des versements bancaires qualifiés de hors de proportion pour son expérience. Depuis la fin de l’année dernière, le témoignage de cette junior au sujet des ramifications entre des membres du barreau et des trafiquants de drogue en prison est jugé capital et déterminant dans le démantèlement d’un système d’avocat protector, où tout est mis en place pour assurer une protection à toute épreuve contre des dénonciations des parrains de la mafia.
“Avocat protector”
Quel est ce système d’avocat protector ? À cette question, des spécialistes affirment que « dans des cas où des passeurs ou des transporteurs de drogue sont interceptés soit à l’aéroport soit dans le port, l’information est relayée dans les meilleurs délais à l’avocat protector, qui se chargera de la mission de dépêcher un junior auprès du suspect en vue de le prévenir contre des dénonciations des bosses. Dans des cas où des noms auraient déjà été cités, la responsabilité de l’avocat protector, à travers les juniors, sera de pousser les suspects à se rétracter. Mais l’avocat protector ne monte jamais en première ligne. » La commission d’enquête sur la drogue tente d’obtenir on record des détails sur le mécanisme de fonctionnement de cette protection en faveur des parrains de la mafia.
Dans cette perspective, l’audition de certains ténors du barreau s’annonce des plus complexes, non seulement en raison de « their long years of standing at the Bar », mais aussi de leurs connexions politiques plus que visibles. Il faudra également ajouter à cette liste un membre du State Law Office, qui devra fournir des justifications au sujet de ce qui s’apparente à un unexplained wealth car les salaires dans le secteur public sont fixes et connus. Ces convocations devront intervenir au cours de la première quinzaine de juillet.
Entre-temps, l’ICAC mise sur une stratégie de coordination entre les différentes institutions engagées dans la lutte contre le blanchiment d’argent. Mercredi dernier, le directeur général de l’ICAC, Navin Beekarry, a réuni des responsables de la police, de la Financial Intelligence Unit, de la Mauritius Revenue Authority, de la Financial Services Commission et du Mauritius Prison Service en vue de dégager une « coordinated strategy for enhanced effectiveness ». Cette démarche s’inscrit dans la perspective de l’orientation adoptée depuis octobre de l’année dernière visant à mettre l’accent sur la lutte contre le money laundering par rapport au trafic de stupéfiants.
Le constat dressé est que des institutions comme la police et la Mauritius Revenue Authority ont une formule de collaboration sur une base ad hoc. Dans l’objectif d’une plus grande et plus efficace collaboration, six points majeurs ont été retenus :
« there is a need for a platform for closer and continuous collaboration and coordination between the above-mentioned agencies ;
to develop an inter-agency Memorandum of Understanding, with broad objectives, for better and effective sharing of information ;

the agencies identify any challenges in relation to collaboration and to work towards finding appropriate solutions » ;
la désignation d’un officier de liaison dans chacune des agences pour assurer une meilleure coordination ;
la tenue de rencontres régulières de cette « collaborative platform » au moins une fois par trimestre et ,
une campagne de sensibilisation et d’éducation.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -