CONGOMAH : Retraite au domaine de la tranquillité

Congomah “Fer gagn kongolo! ”, affirme un natif de l’endroit. Mais cette boutade est trompeuse, ici tout est calme. La rue déserte en est la démonstration. Des heures de marche en ce samedi pour ne rencontrer que quelques âmes charitables voulant partager et témoigner leur quotidien. S’il faut se contenter de ce maigre contact humain, la nature, elle, n’est pas en reste.
À chaque coup de vent, une odeur d’ammoniaque… Le terminus étant très isolé, les employés de la compagnie Luna n’ont d’autre choix que de se débrouiller comme ils le peuvent, et l’espace ne manque pas si on doit se soulager. Congomah est au pied d’une chaîne de montagnes, à une trentaine de minutes de Pamplemousses. Une route principale traverse la localité. L’air y est humide et chaud, propice à l’agriculture, secteur qui a d’ailleurs fait la fortune de certains habitants. Ce samedi est cependant beaucoup plus calme que d’habitude car les courses hippiques ont repris et nombre de villageois sont allés accomplir leur devoir de zougader. L’endroit est presque entièrement désert.
Planter.
Hurkoo Chetanand, lui, n’aime pas les paris et se dévoue entièrement à son métier. “Toulezour bizin ladan mem.” Planteur depuis toujours, il met en terre des graines de pomme d’amour. Les pluies récentes ont eu raison de sa plantation et il se doit de travailler pour nourrir sa famille : “L’inondation a tout ravagé. J’ai dix livres de graines de haricots, j’en récolterais une trentaine de livres. Mo linvanter mem en defisit”. Ses mains sont marquées par son travail, et malgré ses vêtements boueux, l’homme parait en forme. Sa femme, quant à elle, reste timidement à l’arrière. Ils se partagent les tâches; lui s’occupe du jardin et elle des animaux. “Tout ce que j’ai, je l’ai eu grâce à mes efforts. Je ne m’intéresse pas à la politique, car elle ne m’affecte pas. Tou bann politisien parey mem.” Son jardin cependant n’est pas en grande forme et même si les problèmes d’eau ne sont plus d’actualité, le changement climatique, lui, est devenu l’ennemi N° 1. “Lepok inondasion Mon-Goût, premie fwa mo’nn trouv sa kalite lapli la !”
Au loup.
Au milieu des cannes et des récoltes se situe l’un des rares restaurants de l’endroit : le Restaurant Malibu. Proposant des plats mauriciens, le bâtiment est vaillamment gardé par trois chiens, dont un chien-loup : nos chaussures portent encore les marques de ses crocs. À trop mettre les pieds n’importe où pour vous présenter cette rubrique, cela devait bien nous arriver un jour ou l’autre ! Néanmoins, cet incident se fait vite oublier par l’accueil chaleureux que nous réservent les Ramchurn, propriétaires de l’établissement. Au menu, une portion de mine frit. La portion est consistante, permettant aisément de nourrir deux personnes. Les légumes y sont frais et croquants, rendant le plat unique. “Nous achetons certains de nos ingrédients dans la localité même. Sinon nous allons à Pamplemousses ou à Lallmatie pour une plus grande variété”, confie Assiah Ramchurn, qui accueille les clients avec une gaîté hors normes. “Je suis un peu occupée en ce moment.” Effectivement, un couple de touristes vient d’arriver et l’hôte les accompagne jusqu’à leur table à l’étage, leur remémorant au passage le bon moment passé au restaurant quelque temps de cela. Nischal, son fils de 22 ans, est lui derrière les fourneaux. “Petit à petit nous lui apprenons à gérer le restaurant de lui-même. Il se débrouille très bien.”
La marche reprend et nous nous perdons dans les ruelles de Congomah. Le chemin sinueux passe à travers les champs où des maisons isolées sont bâties. Les gens abordés ne s’intéressent guère à partager leur mode de vie ou à perdre leur temps à répondre aux questions. Tout va au ralenti et les seules réponses obtenues à toutes nos questions sont des “non…”
Coin de mire.
Nous décidons donc de nous éloigner du village et marchons en direction de la montagne. La randonnée passe à travers des champs d’ananas. Un passant confie qu’à l’époque “Tiena zis kann. Ce n’est que récemment que les villageois ont diversifié leurs cultures”. L’endroit est si désert et tranquille que nous tombons à deux reprises sur des couples en pleins ébats au milieu des sentiers.
Après une heure de marche, la rue se termine en haut d’une colline. Des jeunes y sont venus à motocyclette et sirotent de la bière. “Nous sortons d’un match de football. Nous étions supposés kas enn poz bwar enn Coca, mais nos plans ont finalement changé.” De bon coeur, ils partagent un peu de gajaks et de boisson. Âgés de 23 à 25 ans, ils profitent ainsi de la vue s’étendant jusqu’au Coin-de-Mire. “Inn ariv laz pou zot marie non ?” L’un d’eux ouvre grands ses yeux, avale sa bière de travers et dans une toux grasse répond timidement, “Non… pa aster-la.” Autant donc profiter de la tranquillité de ce sympathique village.

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