Construction : la CCM relève un haut degré de concentration

  •  Les acteurs majeurs, verticalement intégrés, sont présents sur la chaîne de distribution

Une étude menée l’année dernière par la Commission de la Concurrence (Competition Commission of Mauritius), et dont le rapport vient d’être rendu public par cette dernière, révèle un haut degré de concentration sur les différents marchés du secteur de la construction à Maurice. Des acteurs majeurs de l’industrie, indique la CCM, sont verticalement intégrés et ont donc un droit de regard sur la production et la distribution d’un certain intrant. Cependant, écrit la CCM, bien que la concentration et l’intégration verticale ne soient pas un problème en soi, les marchés du secteur de la construction peuvent être plus enclins à des comportements anticoncurrentiels, ce qui pourrait justifier une surveillance constante du secteur.

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La CCM fait ressortir d’emblée dans son rapport que l’étude de l’industrie de la construction visait à comprendre le fonctionnement des différents marchés (allant de la production/distribution de ciment à celle du béton prêt à l’emploi et des autres agrégats en passant par le rôle des architectes et le système de participation et d’octroi de contrats publics), les conditions actuelles de la concurrence dans l’industrie et à identifier les problèmes de concurrence le cas échéant. « La CCM n’a pas l’autorité ou l’expertise pour enquêter sur d’éventuelles violations de la loi autres que la loi sur la concurrence. Il appartiendrait au gouvernement de prendre en compte de telles préoccupations lors de l’examen des recommandations que nous pourrions formuler », explique la commission.

Pour les besoins de l’étude, la CCM fait d’abord un survol de l’industrie de la construction en tant que secteur clé du développement économique du pays, de sa contribution au Produit intérieur brut (voir plus loin). Elle passe ensuite en revue la structure de ce secteur : la production de ciment, d’agrégats, l’importation et la manufacture de barres de fer, d’appareils sanitaires, de peinture et autres produits, les services professionnels (architectes, ingénieurs), les services contractuels et de consultant, le cadre régulatoire et les marchés publics, entre autres. S’agissant de l’importation et de la distribution du ciment, les deux principaux acteurs sont Lafarge (Mauritius) Cement Ltd et Kolos Cement Ltd, qui commercialisent leurs produits sous les marques « Baobab » et « Kolos » respectivement. La première a une capacité de 40 000 tonnes métriques par mois alors que la seconde dispose d’une capacité de 60 000 tonnes, qui représente deux mois de consommation. Lafarge (Mauritius) Cement Ltd est détenue à hauteur de 58,36% par LafargeHolcim Group, 28,98% par Taylor Smith Investment Ltd, 7,93% par State Investment Corporation Ltd et 4,73% par divers actionnaires. KolosCement Ltd est contrôlée à 100% par Gamma Group à travers Gamma Cement Limited. Le marché du ciment à Maurice, qui a été libéralisé en juillet 2011, est « highly concentrated », souligne la CCM.

Gros fournisseurs

Pour ce qui est de la fourniture du béton prêt à l’emploi, quatre gros opérateurs sont en compétition : Pre-mixed Concrete Ltd, Betonix Ltd, Gamma Materials Ltd et Eastern Mix Ltd. Ces entreprises sont aussi fournisseurs d’agrégats et de blocs, certaines à travers des filiales. United Basalt Products Ltd, qui fournit des agrégats et blocs, détient 49% du capital de Pre-Mixed Ltd, le reste appartenant à Lafarge (Mauritius) Ltd. Se basant sur le chiffre d’affaires réalisé concernant les ventes de matériaux de construction de trois des entreprises précitées, la CCM arrive à la conclusion que celles-ci contrôleraient environ 90% du marché. Concernant le marché des barres de fer, dont les prix ont été libéralisés depuis 2007, les deux producteurs locaux sont Samlo Koyenco Steel Co Ltd et Shankar Steel Ltd alors que Kosto Ltd et Joonas Co Ltd sont d’importants acteurs au niveau de l’importation/distribution de barres de fer et autres produits en acier. La CCM estime que la part de marché combinée de ces quatre entreprises se situerait dans la fourchette de 65% à 75%.

La CCM observe dans son rapport que les prix des matériaux de construction ne sont pas réglementés mais sont déterminés par les acteurs du marché. Il a été constaté que les prix des intrants de construction (main-d’œuvre, location d’équipement, matériaux et transport) ont globalement augmenté d’environ 6% sur la période 2013-2017. Les prix des éléments clés tels que le ciment, les blocs de construction et les carreaux céramiques ont augmenté respectivement de 12%, 10% et 13%, alors que ceux des barres d’acier ont diminué de 15% au cours des cinq dernières années. Pour ce qui est des honoraires pour services professionnels, la CCM fait ressortir qu’ils sont déterminés en fonction de la portée, de la complexité du travail et du temps consacré au projet.

L’étude de la CCM a révélé que l’industrie de la construction est soumise à diverses normes. Celles-ci sont établies par le Mauritius Standard Bureau (MSB) et le Construction Industry Development Board (CIDB), qui est responsable du classement (grading system) des entrepreneurs et des consultants. Les normes en vigueur, dans certains cas, sont volontaires. Elles n’ont pas été considérées comme un obstacle majeur à l’entrée d’un opérateur ou à l’expansion des activités dans le secteur de la construction. Il a été aussi constaté qu’il existe des procédures internes mises en place au niveau du Construction Industry Development Council (CIDC) pour atténuer le risque de conflits d’intérêts potentiel lors de la prise de décisions.

Contrats publics

Le rapport de la CCM fait également état de problèmes au niveau des contrats publics. « An analysis of the tender exercises carried out by public bodies in Mauritius over the period 2013-2016 shows that the majority of such bidding exercises occurred via restricted bidding. While restricted bidding can be less burdernsome, help in cost and time savings, reduce the danger of low quality bids and produce better value for money, it is likely to hamper competition in the procurement process due to the limited number of private participants. Thus, one issue that may arise is the criteria of selection of bidders to send request for bids. It is important that the public sector strikes the right balance between keeping the necessary tension among participants and avoid any confidentiality issue », souligne le rapport. Par ailleurs, des contracteurs opérant comme des PME ont évoqué des problèmes de « cash flow » du fait qu’il n’y a pas d’« advance payment » pour des projets dont la valeur est inférieure à Rs 5 millions. Ces contracteurs voient leurs capacités de concurrencer d’autres contracteurs être limitées. S’agissant des projets qui, au préalable, ont fait l’objet d’accords gouvernement à gouvernement, l’association des architectes a argué que les architectes locaux sont exclus du processus. Les contracteurs locaux ont expliqué qu’ils ne sont pas traités sur le même pied d’égalité que les contracteurs internationaux.

« L’industrie de la construction représente environ 50 000 emplois, soit 9% de la main-d’œuvre active nationale, et sa part dans le Produit intérieur brut du pays se situe à près de 5%. C’est un secteur clé du développement et de la prospérité du pays. La promotion de la compétition dans ce secteur encourage les acteurs du marché à investir et à innover, offrant ainsi des produits et services de meilleure qualité à des prix compétitifs. Ce qui sera bénéfique à tout le monde, en particulier aux plus démunis, en termes de prix de matériaux et de construction de logement plus bas », déclare le directeur exécutif de la CCM, Deshmuk Kowlessur.

« The Report provides useful information on the aspects of the construction sector in Mauritius. It could assist existing players as well as prospective entrants to make well informed business decisions. Moreover, the general public can also make use of the information on the current market conditions when making their choice », ajoute Deshmuk Kowlessur, qui invite les acteurs de l’industrie, les autorités régulatrices et autres parties concernées à soumettre leurs vues sur le rapport au plus tard le 18 mai avant la publication de la version finale.

Le secteur en chiffres

L’industrie de la construction a une contribution significative à la croissance économique du pays, à la création d’emplois et à la génération de revenus. Selon le rapport de la CCM, sa contribution au PIB est estimée à environ 7,5% pour l’année 2017. Cependant, la part du secteur dans le PIB a été en baisse depuis 2011 où elle représentait 6,6% pour atteindre 3,7% en 2016.

Après la croissance négative enregistrée par le secteur de la construction au cours de la période 2011-2015 et la croissance zéro de 2016, Statistics Mauritius a estimé que le secteur a progressé de 7,5 % l’année dernière. Elle a anticipé pour 2018 un taux de croissance de 9,5%. En termes d’emploi, le secteur de la construction représente actuellement quelque 56 500 emplois, soit environ 10% des emplois totaux dans le pays. En outre, les données officielles indiquent que cette industrie a contribué à hauteur de Rs 50 milliards, soit 62,5%, des investissements bruts enregistrés l’année dernière.

L’étude menée par la CCM a établi qu’environ 50% des travaux de construction réalisés en 2017 étaient liés à des bâtiments résidentiels et qu’entre 20% et 30% de ces travaux concernaient des bâtiments non résiduels et d’autres chantiers. La CCM observe que la part des bâtiments non résidentiels a accusé une baisse au cours de la période 2013-2017.

Pour ce qui est du marché du ciment, les importations sont effectuées en vrac par Lafarge (Mauritius) Cement Ltd and Kolos Cement Ltd. Celles-ci se chargent également de l’ensachage et la distribution du produit. La demande de ciment se situe dans une fourchette de 600 000 à 700 000 tonnes annuellement, ce qui représente une consommation d’environ 450 kg par tête d’habitant. Maurice a importé 691 000 tonnes de ciment en 2016 au coût de Rs 1,7 milliard. Comparativement à 2015, les importations ont augmenté de 12%.

Selon une estimation de la CCM, le marché du béton prêt à l’emploi, d’agrégats et de blocs est contrôlé par les sociétés suivantes : Pre-Mixed Ltd et UBP Ltd (35%-45%), Bhunjun Group (Betonix Ltd et Finecrush Ltd) – (25%-30%), Gamma Materials Ltd (17%-22%) et Eastern Group (5% à 10%).

Par ailleurs, les importations de barres de fer et d’acier en 2016 ont coûté Rs 2,6 milliards (volume : 114 000 tonnes), soit une réduction de 30% par rapport à 2015. Les ventes de barres de fer sur le marché local se situent entre 70 000 et 90 000 tonnes dont environ 70% du volume sont importés.

Analysant l’évolution de l’indice des prix à la construction, la CCM observe une progression sur la période 2013-2017 mais le taux d’augmentation a diminué : passant de 2,4% en 2013 à 1,8% en 2017. Les prix du ciment, des blocs, de la peinture et des carreaux céramiques ont subi les plus fortes hausses.

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