COOPÉRATIVES: Un secteur dans le coma

Le secteur de la consommation au sein du mouvement coopératif serait dans le coma. Nombre de boutiques coopératives ont fermé leurs portes à cause de la mauvaise gestion et du manque de volonté de la part des coopérateurs et aussi, allèguent ceux qui s’y connaissent, du ministère des Coopératives. Le ministre Jim Seetaram répond que tout se passe bien car ses livres donnent une autre version de la situation. Il se soucie plutôt, dit-il, du manque de visibilité de ce secteur qu’il compte redresser en cette Année internationale des Coopératives.
« J’ai été coopérateur pendant 34 ans ; j’ai été président d’une fédération coopérative pendant trois mandats mais je préfère me rendre dans les différents hypermarchés et shopping malls pour faire mes achats parce que je suis bien accueilli, il y a un grand espace de parking, des loisirs pour les enfants qui accompagnent souvent les parents. Plus important, un plus grand choix de produits et des prix meilleurs que ceux pratiqués dans les boutiques coopératives. » Propos de Inder Rajcoomarsingh, ancien président de la Mauritius Cooperative Agricultural Federation (MCAF), qui ajoute qu’en tant que coopérateur il aurait dû faire ses achats chez une boutique coopérative mais qu’il s’en abstient à cause du manque d’accueil et d’entretien du bâtiment, de certains vendeurs mal habillés et grossiers. « Tousala fer ou sove », explique notre interlocuteur.
Dawood Mootoojakhan, travailleur social et membre exécutif de l’ancienne société coopérative de Plaine-Verte, donne son opinion après avoir vécu à l’intérieur de cette société coopérative pendant plusieurs années. « Ena boukou voler dan sosyete kooperativ, cash shortage, goods shortage, personn pa fer naryen, minister pa pran aksyon. Samem li fer fayit », soutient-il, avant de conclure que la coopérative n’a plus sa raison d’être. « Zot pe anbet dimounn avek sa ; mwa mo al supermarse », dit-il fièrement. Ils sont nombreux les Mauriciens qui ne veulent pas sentir l’odeur des boutiques coopératives et qui ne s’y rendent plus depuis des années. D’autres n’ont jamais entendu parler de ces boutiques car ils ont vécu et grandissent autour des supermarchés et autres shopping malls.
Suttyhudeo Tengur, secrétaire de la Camp Thorel Multi-Purpose Cooperative Society Ltd, réagit en soulignant que la coopérative se trouvait dans un coma chronique depuis bien avant l’arrivée des hypermarchés et des grandes surfaces commerciales. En l’espace de quelques années seulement, le nombre de ces boutiques a chuté de 95 à 30. Selon d’autres sources, il n’existerait qu’une douzaine actuellement, dont trois seulement seraient actives. « Comment se fait-il que des compagnies étrangères viennent chez nous et prennent la part du lion sur notre marché et que nous ne faisions rien ? » s’interroge-t-il, avant de blâmer la Mauritius Consumer Cooperative Federation (MCCF) qui, selon lui, était censée importer des marchandises pour le compte des boutiques coopératives mais qui aurait cessé de le faire depuis un certain nombre d’années. « La MCCF est en train d’acheter des produits auprès du secteur privé pour les vendre aux consommateurs alors qu’elle aurait dû fournir les boutiques », dit-il. Il estime que c’est parce que la MCCF a failli dans sa tâche que les boutiques ont échoué. Cela est arrivé également en raison, ajoute-t-il, de l’absence de politique spécifique pour le secteur de la consommation de la part du ministère. Finalement, estime M. Tengur, ce sont les sociétés coopératives elles-mêmes qui ont poussé les consommateurs dans les bras des grandes surfaces commerciales. Il veut une « road map pour ce secteur qui est encore viable. »
Du côté de la MCCF, son conseiller Yogendrasing Sreepaul admet que le secteur a reculé mais nie que ce soit dû à certains manquements de son organisation. Selon lui, plusieurs raisons expliquent le déclin des sociétés coopératives de consommation. Il y a, dit-il, un manque d’éducation des coopérateurs, qui sont aussi des consommateurs, et un manque de volonté de la part des sociétés à se moderniser et « keep pace with development ». « Mais, sirtou, eski ou kapav lager kont bann ki pe investi miliar avek ou dis roupi aksyon ? » s’interroge M. Sreepaul. Il poursuit : « Il n’y a pas de gens compétents dans ce secteur, des visionnaires, un travail d’équipe. En plus, le ministère ne joue pas son rôle et a failli dans sa tâche ». Il cite le département “Développement” du ministère qui, soutient-il, ne fonctionne pas. Le conseiller de la MCCF dit vouloir relancer les boutiques coopératives en les convertissant en des Fair Price Shops, dont il existe sept actuellement à Maurice et à Rodrigues.
Mais tous s’accordent à dire que le secteur de la consommation a sa raison d’être et devrait pouvoir se développer, même si la compétition en cette ère globalisation et d’évolution du mode de vie des Mauriciens devient de plus en plus farouche sur le marché.

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