Coranavirus : obésité et diabète fragilisent les Mexicains

Lorsqu’elle a appris que l’obésité et le diabète étaient des facteurs de risque pour la maladie Covid-19, Clara Pérez, originaire du nord du Mexique, l’a d’abord pris avec une légèreté teintée d’ironie. Mais après y avoir réfléchi, elle ressent désormais une « grande peur ».

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« Je me sentais mal, blessée … Pourquoi justement les personnes bien enveloppées? », confie Clara Pérez, 53 ans, en surpoids et qui a besoin pour vivre d’une injection quotidienne d’insuline.

« La vérité, c’est que j’ai commencé à regretter de ne pas avoir perdu de poids auparavant. Maintenant, c’est cuit », explique-t-elle par téléphone à l’AFP, depuis sa ville natale de Monterrey, dans l’État de Nuevo León, où elle vit avec sa mère, également diabétique.

L’OMS et la Banque mondiale ont classé le Mexique en tête des pays frappés par le diabète et l’obésité.

La moitié des personnes décédées du coronavirus dans le pays – près d’une trentaine – souffraient d’obésité et d’hypertension.

Dans ce contexte, les autorités ont été contraintes d’admettre les insuffisances du système de santé publique.

Selon le pire scénario, le gouvernement prévoit que 250.000 personnes seront infectées au cours de la première vague, d’ici juin ou août.

Quelque 12.500 d’entre elles auront besoin d’un lit en soins intensifs. Or, selon une statistique officielle, il y en a moins de 4.500.

L’armée et la marine ont annoncé qu’elles fourniraient des installations hospitalières et formeraient leurs dentistes pour qu’ils épaulent le personnel soignant.

Mais d’autres difficultés surgissent, comme la très forte demande de respirateurs dans le monde.

« L’ONU doit également intervenir afin qu’il n’y ait pas de spéculation possible sur les achats de médicaments et de respirateurs », a réclamé le président Andrés Manuel López Obrador lors du récent sommet du G-20.

Le Mexique, un pays de 120 millions d’habitants dont la moitié vivent en dessous du seuil de pauvreté, dispose de 5.000 respirateurs affirme-t-il. Jusque-là plutôt décontracté face à la pandémie, il assure en avoir commandé autant à la Chine.

– « Très vulnérable » – 

Le Mexique est un pays « très vulnérable, nous devons en être conscients. Nous allons vers un nombre important de décès », a prévenu Abelardo Ávila, chercheur à l’Institut national des sciences médicales et de la nutrition Salvador Zubirán, lors d’un récent colloque à Mexico.

Quelque 96 millions de Mexicains seraient en surpoids – de quelques kilos jusqu’à l’obésité – 8,6 millions souffrent de diabète et 15,2 d’hypertension, selon les données de l’organisation Alianza por la Salud Alimentaria, basées sur une enquête nationale de santé réalisée en 2018.

Le taux de mortalité dû au diabète atteint 95,8 pour 100.000 habitants (45,6 en moyenne en Amérique latine), tandis qu’aux États-Unis, il est de 14,9, selon des données de l’OMS de décembre 2018.

« Nous savons ce que signifie l’urgence épidémiologique due à l’obésité et au diabète. Cela nous rend très vulnérables au Covid-19 », alerte Alejandro Calvillo, directeur de l’organisation de défense des consommateurs El Poder del Consumidor.

Calvillo dénonce des entreprises, étrangères et nationales, qui noient le marché de « malbouffe » et de boissons sucrées et ont « systématiquement » bloqué les tentatives de réduire l’incidence de l’obésité au Mexique.

Après dix ans de combat, la justice a imposé la semaine dernière une règle d’étiquetage des aliments et des boissons visant à indiquer les ingrédients nocifs pour la santé, tels que le sodium, les graisses et les sucres.

– Prédisposition génétique –

Les taux élevés d’obésité, de diabète et d’hypertension au Mexique, « qui nous alarment face au Covid-19 », ont plusieurs explications, explique Elvira Sandoval, nutritionniste à l’Université nationale autonome du Mexique.

Selon elle, la majorité des Mexicains « vivent dans un environnement qui encourage l’obésité ». « Ils n’ont pas facilement accès à une alimentation saine, vivent avec un niveau élevé de stress, que ce soit à cause du travail ou de l’insécurité », explique-t-elle.

Le système de santé publique manque également de nutritionnistes. S’ajoute aussi la prédisposition génétique due à « un passé historique de famine » : après la révolution mexicaine (1910-1924) une génération a été marquée par la malnutrition, poursuit Elvira Sandoval.

Le cas de Clarita, comme ses proches l’appellent affectueusement, symbolise la situation. « Je suis allée dans deux cliniques de la sécurité sociale et aucune n’avait de nutritionniste. Suivre un régime coûte cher, les sodas, les chips, les fast-foods sont plus abordables », dit-elle.

Le gouvernement « ne vous aide pas à avoir une bonne alimentation, ne vous aide pas avec les médecins. Nous sommes des petits », conclut cette mère de deux filles, qui s’est retrouvée au chômage il y a plus d’un an, et qui fait désormais tout pour éviter de contracter le Covid-19.

jg-pa/am

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