COVID-19 – Mode de vie : La phobie et le calvaire des supermarchés

Le shopping en famille devenue la « denrée la plus rare » dans le circuit des complexes commerciaux

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Il y a à peine un mois, personne n’aurait jamais pensé avoir peur de se rendre au supermarché. Pourtant, la pandémie de Covid-19 et toutes les mesures de sécurité imposées dans le cadre de la lutte sanitaire ont changé le background sur fond duquel le shopping. Avant même d’accéder aux rayons à l’intérieur des grandes surfaces, l’une des « denrées les plus rares » demeure le shopping en famille. En prime, l’ambiance est marquée par un silence pesant dans la file d’attente, avec des clients préoccupés par ce que sera demain avec le coronavirus. L’on peut ressentir que, désormais, la peur de la contamination rend la moindre visite en grande surface effrayante, voire traumatisante, pour beaucoup de consommateurs. La psychologue clinicienne Véronique Wan Hok Chee dit qu’il s’agit d’une peur « tout à fait légitime »

Si la pandémie a provoqué initialement une ruée sans précédent dans les supermarchés, elle a également nourri un sentiment de peur — voire une phobie — chez de nombreux Mauriciens, avec la crainte d’attraper le Virus Sans Frontière dans ces lieux confinés où se côtoient chaque jour des milliers de personnes portant souvent des masques de fortune  « Je suis peut-être devenue paranoïaque, je ne sais pas, mais je ne veux plus côtoyer personne, et surtout pas aller au supermarché », lance cette mère de famille des hautes Plaines-Wilhem. Et partout, les réactions sont quasiment les mêmes.

« Lieu par excellence de contamination »

Anju, la trentaine, jeune maman au foyer, est stressée rien qu’à l’idée d’attraper le virus dans un supermarché, d’autant qu’elle a deux enfants en bas âge. « J’ai développé une peur panique d’aller au supermarché, surtout depuis que j’ai entendu le Dr Gujadhur dire qu’une des victimes du COVID-19 avait été au supermarché tous les jours ! Prenait-elle toutes les précautions ? S’est-elle lavé les mains en retournant chez elle ? Je ne sais pas. Mais cela m’a inquiétée. Dans ma tête maintenant, le supermarché est devenu un réservoir à virus, le lieu par excellence de contamination. J’évite de m’y rendre. À ce jour, j’y suis allée une seule fois, mais par pure obligation. Pour les besoins de première nécessité, je préfère me rendre à la boutique du coin, où il y a moins d’affluence et où on trouve le beurre, le pain, le lait et la farine. »

Pour ces phobiques du supermarché, c’est aussi le grand nettoyage suivant le retour à la maison qui est devenu une deuxième source de stress et qui contribue également à décourager beaucoup à se rendre en grande surface. Reshma, habitante de Triolet, préfère la boutique. « Une fois, j’ai été au supermarché au début du lockdown. J’ai pris une douche et ai mis tout mon linge au lavage. Mais lorsque je vais à la boutique près de chez moi, je considère que c’est moins risqué, car on rencontre moins de monde et ça va beaucoup plus vite. Et la visite au supermarché n’est pas le seul stress, vient ensuite toute la partie nettoyage à mon retour chez moi et la frayeur d’oublier le virus sur un centimètre carré d’une surface quelque part chez moi. Donc, je passe mon temps à tout désinfecter. »

« Lav tou zafer mem dizef, biye ek lakle lakaz »

Jacqueline, de Quatre-Bornes, fait partie de ceux-là. « Ayooo pa koze, mo ne pli kapav À chaque retour du supermarché, il faut tout déposer à l’entrée de la maison, se laver les mains après chaque porte ouverte, chaque poignée de buffet attrapée et chaque robinet ouvert. J’ai écouté un peu les conseils à droite, à gauche et je laisse mes achats sur le sol pendant plusieurs jours, ainsi que mes effets personnels, c’est-à-dire carte bancaire, argent liquide, lunettes, etc. Puis petit à petit, je les désinfecte et les ramasse les jours suivants. Je passe aussi de l’alcool sur mon sac à main et mes sacs de courses. L’autre jour, il me restait un billet de Rs 25 que j’ai lavé à l’eau savonneuse et que mis à sécher sur la corde à linge, car j’ai entendu dire qu’on pouvait être contaminé avec des pièces de monnaie et des billets de banque. C’est fatigant tout ça et toutes ces précautions à prendre ajoutent à notre stress. »

Depuis le confinement, elle a mis en place ce rituel pour éviter de contaminer sa maison et sa famille, dit-elle, avec « le virus du supermarché ». Aslam, habitant Chebel, raconte son parcours du combattant : « Monn atann trwa zer dan soley. Sa zour-la ti ena lapli tou. Apre, ariv lakaz mo’nn lav tou, lav lakle lakaz, lav bisiklet, lav dizef, biye tou, ek met sek. »

« Li fer mwa tir  tou mo linz »

Dans son couple, Darmarajen, qui habite morcellement Bellevue à Albion, est celui qui se sacrifie pour aller au supermarché. Il prend sa voiture et se rend au centre commercial de Cascavelle. « Mo fam tro per koronaviris », dit-il en riant. « Se vre ena social distancing e lapolis zwe so rol, me laper-la li la », précise-t-il. Même s’il dit prendre les précautions d’usage à chaque fois qu’il sort de chez lui, à son retour, il vit lui aussi son petit rituel nettoyage, imposé par son épouse, qui veille au grain  « Li anpes mwa rant dan lakaz. Li fors mwa res dan garaz ar bann sak. Li fer mwa tir tou mo linz met deor lor lakord dan soley. Soulier osi dehor. Bann komision nou les dan garaz pandan de zour, nou pa touse. E enn zafer inportan, bizin pa bliye ferm laport garaz-la pou lisien pa fer pipi lor nou bann sak ! Apre, mett sanitizer dan lame. Degaze al pran enn dous an gran e apre bwar delo so avek limon ek dipwav prepare par bonnfam. Vreman, se enn parkour konbatan », dit-il.

Pour Kavina, de Baie-du-Tombeau, c’est la peur au ventre lorsqu’elle se rend au supermarché de la localité. « Souvan, bann dimoun pa respekte bann distans e zot vinn pre ar ou. Mo gagn ner. Lot zour, enn gran dimounn ti pe touse pre kot mwa e li pa ti ena mask. Mo’nn bizin avanse. Pa fasil, sa viris-la fer nou per », souligne-t-elle. Pour Marie-Josée, de Sodnac, c’est pareil : « J’ai extrêmement peur d’aller faire mes courses au supermarché, d’autant que nous n’avons pas de masques appropriés. C’est souvent du bricolage avec ce que nous avons à la maison et cela ne nous protège pas vraiment contre le virus, mais plutôt contre la poussière. En fait, nous sommes en danger dès que nous mettons un pied dehors. J’ai cherché dans les pharmacies, mais je ne trouve pas de masque et cela m’inquiète. »

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