Covid-19 : Quand l’uniforme fait honneur

En première ligne sur le front de la guerre contre le Covid 19, quelque 6 000 policiers, hommes et femmes. Leurs congés ont été mis aux oubliettes pour ce temps de confinement. En effet, l’épidémie de coronavirus bouscule le quotidien de tous, y compris des policiers qui doivent s’adapter en plus d’accomplir leurs différentes missions. La gestion de la crise est une mission prioritaire pour les forces de l’ordre, qui doivent fonctionner en “mode dégradé” du fait de l’épidémie. La plupart de leurs missions actuellement sont liées au respect du confinement et à l’urgence sanitaire. « On travaille comme avant, les missions habituelles se poursuivent et on va toujours être au contact de la population. Simplement, maintenant, on met plus de monde en patrouilles extérieures pour veiller à l’application stricte des mesures gouvernementales », expliquent ces agents de l’ordre. Si la nature de leur métier est souvent difficile, avec le Covid-19, elle l’est davantage. « Car chaque jour, nous quittons nos familles pour aller au front avec la crainte intérieure d’attraper le virus et de le transmettre à nos proches », disent-ils. Certains sont maris et femmes policiers, et c’est le plus dur. « Nous sommes deux à sortir et aller au contact du public tous les jours. Et nous sommes obligés de quitter nos jeunes enfants seuls à la maison parce que nous n’avons personne pour les garder », explique D.P., un sergent dont l’épouse est aussi policière.

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« Ce n’est pas toujours évident de laisser ses enfants derrière soi et surtout quand on sait que nous sommes deux à être à risque et à les mettre à risque », dit-il. « Nous avons vu nos collègues partir en quarantaine. Nous avons vu nos collègues malades même. Imaginez si ma femme ou moi tombons malades ? » dit ce policier qui a 20 ans d’expérience. Certes, comme d’autres couples policiers dans son cas, il a fait appel au syndicat de la police pour trouver une solution pour que la situation familiale soit considérée lorsque le calendrier de travail est établi. « Mais jusqu’aujourd’hui, nous n’avons obtenu aucune réponse du commissaire de police. » Et d’estimer que « zot pas pe guet nou kouma bann humains, mais zis kouma bann employés ki bizin fer zot travay. Ti kapav konsidere ki nou ousi nou ena fami ek reguet nou shift travay, parski dé dimounn al lor terrain dan enn lakaz tou lezours, li pa fasil pou bann zanfan. »

Première semaine « awful »

Si l’angoisse est là, les policiers sont avant tout motivés par le devoir de servir. « Au départ, j’ai pensé que ma femme pourrait prendre ses congés, mé apré nou réalizé ki nou pa kapav rest lakaz. Covid ou pas, nous notre travail, c’est de servir et protéger la nation en toutes circonstances », dit D.P. C’est ce sens du devoir qui les pousse chaque matin ou soir dépendant de leur shift à se rendre au front. Cela, même si les équipements manquent. « On nous a donné des masques. Un ou deux surgical masks. Qui ne nous protègent pas nécessairement et qui plus est sont jetables », racontent les policiers. Ainsi, beaucoup d’entre eux ont acheté leurs propres équipements de protection: Des gants, du sanitizer ou des masques plus efficaces. « Nous préférons prendre nous-mêmes les précautions pour ne pas nous mettre à risque et ne pas mettre à risque ceux que nous côtoyons », disent-ils. Chez la famille P., ils ont installé une change room à l’entrée de leur domicile. « C’est un couloir de 3mx3m par lequel nous passons dès que nous arrivons à la maison, et où nous nous changeons avant d’entrer. Nous mettons ensuite nos uniformes au sale et procédons au lavage le jour même. Ce n’est qu’après avoir pris une douche que nous pouvons aller voir nos enfants », explique le sergent D.P. Ce que fait aussi B.A., une jeune maman policière qui doit chaque jour quitter sa petite famille pour se rendre au front. « Ma petite fille sait qu’il y a le Covid-19 et elle ne vient pas vers moi avant que je n’ai pris ma douche », dit cette policière. Pour elle également, la situation n’est pas facile actuellement. « Il y a cette angoisse omniprésente, car même si nous ne sommes pas comme certains de nos collègues dans les hôpitaux, nous sommes au contact du public. On ne sait pas ce qui peut se passer », dit B.A.

Mais elle comme ses collègues ont choisi un métier difficile. « Dans tous les cas, nous sommes à risque. Mais nous avons un devoir envers la population. Nous sommes là pour aider et garantir l’ordre », dit-elle. Actuellement, outre les road blocks, ils sont entre autres postés auprès des supermarchés pour le contrôle d’identité et effectuent des patrouilles pour s’assurer que les gens respectent les mesures de confinement. Si la première semaine a été « awful », surtout avec la fermeture des supermarchés et boutiques, au fi l des jours, la majorité de la population semble comprendre les enjeux du confinement. Et il y a moins de sorties inutiles sur les routes, notent les officiers de police. Cependant, il y a des récalcitrants qui font fi de la loi. « Beaucoup de personne sortent pour voir un peu ce qui se passe hors de chez eux. Ils prétextent aller acheter leur bonbonne de gaz. Mais nous savons qu’il y a beaucoup qui ne sont pas vrais. Surtout que nous voyons les mêmes personnes chaque jour », disent les policiers. Parmi les récalcitrants, les drogués. « Là, c’est différent. Des fois, nous avons deux personnes à moto ou trois en voiture, voire plusieurs en train de marcher. Qui plus est, sans protection », indique un haut cadre. Autre constat : ceux qui se rendent aux supermarchés « zis pou al tchacké ». Et ils sont de plus en plus nombreux, du fait notamment qu’avec la baisse du nombre de cas de Covid positifs tel qu’indiqué par les autorités, certains ont l’impression que l’épidémie est fi nie. « Des fois, ils sont à deux à aller faire des provisions. Certaines personnes amènent même leurs enfants qu’ils laissent dans la voiture lorsqu’ils font leurs courses. Nous avons pris des contraventions, mais les gens doivent comprendre qu’on est en confinement et que confinement signifie res lakaz, sauf en cas de nécessité », disent les policiers.

Encouragements du public

Par ailleurs, si la situation est difficile et que sur le terrain l’exposition aux risques est omniprésente, ce qui motive aussi les policiers, c’est l’encouragement du public. « Des fois, sur Facebook, ou même dans les rues, nous avons des messages d’encouragement, des pouces levés des automobilistes qui félicitent notre travail. Cela nous fait redoubler d’efforts », disent-ils. La hotline de la police est aussi devenue une plate-forme de communication spéciale pour un service de proximité pour apporter des réponses aux interrogations des uns et des autres avec le Covid-19. « Nous avons plusieurs types de sollicitations. Outre les appels pour certaines affaires, nous recevons des appels des personnes qui nous demandent de l’aide pour les emmener à l’hôpital ou pour aller chercher leur bonbonne de gaz. Surtout les personnes âgées ou handicapées », raconte un policier. Autre « travail » des policiers actuellement, la distribution de vivres à certaines organisations. « Nous avons été sollicités par certaines entreprises qui ont des denrées en plus et qui souhaitent en faire bénéficier ceux dans le besoin. Nous effectuons des livraisons dans les shelters, les maisons de retraite ou dans des endroits où la précarité est criarde. Nous avons ces contacts et nous sommes allés déposer des dons chez plusieurs familles », raconte un policier fi er de pouvoir apporter, grâce à son uniforme, un soutien aux familles nécessiteuses. « La police, ce n’est pas seulement l’ordre, c’est aussi le social. Et pour cela, nous n’avons pas besoin d’être sur les réseaux sociaux pour montrer nos actions. Nous venons en aide aux gens dans la discrétion », rappellent les policiers.

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