CRÉOLE RODRIGUAIS : Études françaises et créoles (UoM), La Chaire en présence d’enregistrements vieux de 45 ans

La Chaire des études françaises et créoles de l’Université de Maurice, présidée par le linguiste et professeur d’université Arnaud Carpooran, est en présence de 170 bandes sonores et documents visuels datant des années 60-70’ sur l’île Rodrigues. Résultat d’une enquête démarrée par le linguiste Robert Chaudenson en 1966 dans l’île. Ces enregistrements serviront à faire un inventaire de la spécificité du créole rodriguais et, éventuellement, à produire les volumes 1 et 2 de l’Atlas de Robert Chaudenson – Inventaire lexicographique du créole rodriguais, dont le 3e volume est sorti cette année.
Vendredi dernier, Yannick Bosquet-Ballah et Arnaud Carpooran ont fait une présentation du projet à l’Université de Maurice dans le cadre de la semaine de la recherche, organisée par l’institution. Sous l’intitulé “Vers un réexamen de la variation du créole rodriguais”, ils ont souligné que Robert Chaudenson a démarré son enquête de terrain en 1966 avant d’y retourner dix ans plus tard, soit en 1977, et ainsi de suite. Le président du Comité international des études créoles est resté pendant de long mois dans l’île, interrogeant les gens du littoral autant que ceux vivant à l’intérieur des terres. Selon M. Carpooran, en 1966, il a constaté que « Rodrigues est restée quasiment figée pendant un siècle » et que « son seul contact avec le monde extérieur était avec Maurice, à raison d’une fois par mois ». Yannick Bosquet-Ballah dit que celui-ci a constaté une différence dans le parler des gens du littoral et ceux vivant à l’intérieur des terres pour la simple raison que les premiers étaient en contact avec le créole mauricien. Elle précise que le linguiste a évité Port-Mathurin dans le cadre de son enquête en raison de l’influence extérieure que subit la langue.
Au Mauricien, le Pr Carpooran indique que, suite à son départ à la retraite, Robert Chaudenson avait confié les enregistrements, de même que ses documents visuels et ses notes, à la Chaire des études françaises et créoles de l’UoM. « C’est énorme ne serait-ce que d’avoir des archives sonores d’il y a 40-45 ans. »
Arnaud Carpooran souligne que la première étape serait d’archiver ces enregistrements sous forme numérique avant d’ensuite en faire l’inventaire pour voir s’il y a eu une variation dans le parler rodriguais au fil du temps et, éventuellement, voir « le “way forward” », à plus forte raison que le créole mauricien n’est pas enseigné dans les écoles du gouvernement rodriguais. « Il y a un enjeu par rapport à la langue. Le créole mauricien est enseigné dans les écoles catholiques, mais pas dans celles du gouvernement. Les Rodriguais avaient exprimé des réticences quand à l’utilisation de l’orthographe mauricien. Nous allons voir s’il y a matière à justifier cela, s’il y a une spécificité rodriguaise par rapport au créole mauricien. Nous verrons si, pédagogiquement parlant, c’est rentable. Je pense que oui, mais il faut tout écouter d’abord. Ce travail s’inscrit aussi dans une logique patrimoniale », soutient notre interlocuteur. À une question du Mauricien, il précise : « Pour l’heure, la question de l’enseignement du créole à Rodrigues n’est pas d’actualité dans le sens où il n’y a pas quelque chose de concret qui se passe. La question avait été soulevée sous l’ancien gouvernement. Il y a eu une question parlementaire dessus sous la forme d’une PNQ adressée au Premier ministre d’alors pour demander de dire si le MIE prendra en compte les spécificités rodriguaises dans la préparation des manuels. Il y a eu une réponse à cela. Je ne sais pas si, dans la réalité, cela a donné satisfaction ou pas aux autorités rodriguaises, mais ce n’est pas enseigné dans les écoles. Le ministère de l’Education mauricien, aujourd’hui, est-il en train de considérer cette question ? Je n’en sais rien. Est-ce que les Rodriguais d’aujourd’hui ont des attentes ? Je ne sais pas non plus. Nous avons hérité de quelque chose que nous considérons être rentable. »
Arnaud Carpooran indique que l’archivage pourrait prendre environ un an. Après quoi les recherches pourront démarrer. « J’écrirai un projet pour pouvoir chercher des fonds. Les autorités rodriguaises et mauriciennes seront forcément incluses dans le projet », soutient Arnaud Carpooran.

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