CROISSANCE: Le chaud et le froid

Situtation extrêmement cocasse, pour dire le moins, en fin de semaine dernière, avec le yo-yo sur les prévisions de la croissance. D’un côté, la Banque de Maurice, profitant de la sortie de ses analyses sur l’évolution du taux d’inflation, annonce une révision à la baisse de la croissance à 3.8% pour 2012. Un peu moins de 24 heures auparavant, la Chambre de Commerce et d’Industrie – porte-parole reconnu des opérateurs du secteur privé – décide de revoir à la hausse ses prévisions à 3,9% pour l’année. Toutefois, que ce soit les 3,9% de la Chambre de Commerce et d’Industrie ou les 3,8% de la Banque de Maurice, d’aucuns s’accordent à dire que ce taux est nettement inférieur au plancher de 5% nécessaire pour atteindre l’objectif d’une baisse durable du taux de chômage.
Indépendamment du scénario-catastrophe de 1,7% de la Banque Mondiale ou encore de l’approche optimiste de certains sinon teintée de retenue des autres, les séquelles de la grave crise ébranlant la zone Euro continuent de hanter le paysage économique local. Les dernières analyses de la Banque de Maurice ou encore celles de la Chambre de Commerce n’occultent nullement cette évidence.
Au chapitre consacré au Growth and Inflation Outlook, l’Inflation Report de la Banque Centrale, rendu public vendredi, fait état des principaux risques à l’économie pour justifier la décision de réviser à la baisse à 3,8% ses prévisions de croissance en 2012. « Looking ahead, in view of the subdued growth prospects in key markets, the domestic economy would continue to operate below its capacity in the near term », soulignent les responsables de la Banque de Maurice avant de passer en revue les conséquences de la crise sur Maurice, notamment le textile et le tourisme.
Les perspectives économiques en Europe ne constituent nullement un répit pour ces deux principaux secteurs tributaires de l’effervescence sur ce marché jusqu’à tout récemment rémunérateur. « Muted consumer sentiment in main export markets is expected to weigh on external demand-led sectors such as the tourism and textiles », avance l’Inflation Report.
La Banque de Maurice ajoute que déjà, le climat d’incertitude pèse lourdement sur le taux de confance, que ce soit du point de vue des opérateurs économiques ou encore sur le plan domestique. « The uncertain global economic environment has impacted negatively on the domestic confidence levels, especially in the manufacturing and distributive trade sectors », évoquant également « recent anecdotal evidence pointing to subdued consumer sentiment as well. »
Pour la Banque de Maurice, la conclusion de la conjugaison de ces facteurs est plus qu’évidente, soit « against this backdrop, the Bank’s central growth forecast for 2012 was estimated down to 3,8 per cent in March 2012, from a previous estimate of around 4 per cent. » Commentant la performance de l’économie jusqu’ici, la Banque de Maurice trouve que « the domestic economy performed relatively well in 2011, with growth estimated at 4%. The economy has generally been resilient to the Euro area crisis so far although growth has been lower in some key sectors. »
Le rapport de la Banque Centrale attire l’attention sur les risques et conséquences d’une intensification de la crise dans la zone Euro et de nouvelles flambées du cours mondial du pétrole en face d’une amélioration annoncée des perspectives aux Etats-Unis ou encore dans les pays du Sud-Est asiatique. Si jusqu’ici, l’optimisme est de mise quant au taux d’inflation, la Banque de Maurice ne manque pas de tirer la sonnette d’alarme contre toute éventuelle détérioration de cet indicateur économique avec une remontée du prix du baril du pétrole sur le marché mondial.
« Renewed tensions in the Euro Zone and further increases in oil prices on account of geopolitical problems in the Middle East constitute the main downside risks to the domestic growth outlook. (…) While underlying inflation pressures have eased slightly, increasing global food and oil prices could represent an upside risk to the inflation outlook », prévoit la Banque de Maurice qui mise sur un taux d’inflation de 4,7% en 2012.
Par contre, les analystes de la Chambre de Commerce et d’Industrie, dont le secrétaire général Mahmood Cheeroo, adoptent une approche différente en affirmant que « nous constatons par rapport à notre estimation de novembre dernier que les perspectives de l’économie mauricienne s’améliorent à la marge. Nous avons une estimation de 3,9% pour 2012, soit une hausse de 0,1 point par rapport au taux de 3,8% estimé en novembre de l’année dernière. Toutefois, la croissance devrait être faible, en-dessous du seuil de 4%, loin de notre potentiel et de notre objectif de 6%. »
Les nouvelles prévisions marginalement améliorées de la Chambre de Commerce et d’Industrie s’articulent autour de trois facteurs:
– une conjonture internationale qui s’améliore en se basant sur les dernières prévisions du Fonds monétaire international (FMI) rendues publiques le mois dernier, notamment « une amélioration de la conjoncture sur nos marchés clés, en particulier la zone Euro et les Etats-Unis stimulant la demande et contribuant à une meilleure performance de l’économie mauricienne en 2012 »;
– des baisses successives du Repo Rate avec pour conséquence une réduction effective du loyer de l’argent favorisant une relance de la consommation des ménages, des investissements dans les différents secteurs, la valeur de la roupie et des prix des biens et services avec à la clé une « probable hausse de la consommation finale par rapport à 2011 ». La Chambre de Commerce et d’Industrie rappelle une condition à l’effet que « in fine, cette politique de baisse du Repo Rate, si elle est maintenue, influera positivement sur la production locale », et
– la « perception positive des entrepreneurs quant à l’évolution future de leurs affaires. »
Néanmoins, la première baisse du Repo Rate, forcée sur l’Etablishment de la Banque de Maurice lors de la réunion du Monetary Policy Committee du 19 mars dernier, est présentée comme la clé susceptible d’ouvrir la porte de l’exportation de biens et services avec des effets plus mitigés sur la relance des investissements.
« Si la baisse des taux d’intérêts se maintient, cela, conjuguée aux facteurs extérieurs, notamment la hausse de la demande sur nos marchés clés, nous pouvons espérer une hausse de nos exportations de biens et services », note avec optimisme le rapport de la Chambre de Commerce et d’Industrie, qui reconnaît que « par rapport à l’investissement toal, nous prévoyons une décroissance de – 1% en termes réels pour 2012 et cela malgré une bausse du Repo Rate de 50 points. » La Chambre cite le précédent de 2011 où une baisse de 100 points du Repo Rate n’avait pas incité les entrepreneurs à investir.
La Chambre de Commerce et d’Industrie s’empresse de qualifier ces prévisions en ajoutant que « toutefois, cette révision à la hausse ne doit pas occulter les nuages qui planent toujours, du fait de plusieurs facteurs, dont la crise de la zone Euro et une faible croissance mondiale enregistrée depuis le début de l’année. Ces risques font qu’il sera difficile pour Maurice de répéter le chiffre de 2011, à savoir un taux de croissance de 4%. L’incertitude dans laquelle nous navigions depuis 2008, avec des perspectives fluctuantes, au gré des nouvelles, bonnes ou mauvaises, nous pousse à rester attentifs. »
La Chambre de Commerce et d’Industrie s’est aventurée à quantifier la performance à deux niveaux, soit le secteur touristique et sur le plan du chômage avec des perspectives peu reluisantes. En 2012, la Chambre de Commerce et d’Industrie rejoint les analystes de l’Association des Hôtels et Restaurants de l’île Maurice (AHRIM) confirmant une contraction de 1,5% dans le nombre des arrivées en 2012.
Ce mauvais résultat est la conséquence de la crise en Europe qui, avec La Réunion, représente quasiment 70% du marché touristique mauricien et la nouvelle politique mise à exécution par la compagnie aérienne nationale, Air Mauritius, avec son nouveau Business Model. Déjà, la performance de l’industrie touristique au premier trimestre de cette année est en baisse de 0,2% comparativement à l’année dernière.
Mais les plus graves appréhensions sont entretenues sur le plan du chômage avec les tendances enregistrées depuis ces dernières années. « Depuis 2009, nous sommes entrés dans une phase de croissance atone inférieure ou égale à 4,2%. Au vu des expériences du passé, nous savons qu’il nous faut un taux de croissance de 5% pour faire baisser durablement le taux de chômage », confient les responsables de la Chambre de Commerce et d’Industrie.
Poursuivant, le rapport reconnaît qu' »en 2011, nous avons eu un taux de croissance de 4% et pour 2012, nous prévoyons 3,9%. Ces taux ne génèrent pas suffisamment d’emplois pour absorber les nouveaux entrants sur le marché du travail, toujours en hausse, et les chômeurs existants, d’où la probable hausse du chômage en 2012, soit à 8%. »

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