Crowdfunding: le financement alternatif gagne du terrain

Avec les changements drastiques dans le monde du business, menés par la révolution digitale, le “” (financement participatif) est appelé à prendre de l’ampleur dans les prochaines années. Ayant fait son apparition en 2006 en Angleterre et aux Etats-Unis, cette nouvelle forme de financement – qui concernait dans un premier temps les domaines culturel et artistique – a vite fait de gagner le secteur des affaires.

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Michal Szymanski, CEO de Mauritius Africa Fintech Hub, rappelle qu’il y a à peine 5 ou 6 ans, personne ne connaissait le “crowdfunding” à Maurice. « C’est une méthode alternative de financer des projets et de faire des rêves devenir réalité. Aujourd’hui, on parle de “crowdfunding” et aussi de “crowdlending” », explique-t-il. Le financement participatif permet à des porteurs de projets de récolter de l’argent auprès du grand public, et à celui-ci d’avoir la possibilité de donner, prêter ou investir directement auprès de porteurs de projets. Ce type de financement véhicule en fait des valeurs assez particulières, touchant principalement les milléniaux, telles le partage, la transparence et la fraternité.
À Maurice, l’accès au financement ayant toujours été un obstacle majeur au financement des petites et moyennes entreprises, et ce malgré les multiples plans lancés par le gouvernement, le “crowdfunding” s’est rapidement imposé comme une alternative valable.

Actuellement, il existe environ cinq opérateurs dans ce domaine, mais ce chiffre devrait croître dans le futur. FundKiss est une plateforme qui vient à peine d‘être lancée et qui a déjà financé une dizaine d’entreprises. Paul Perrier, un des cofondateurs, souligne que « le monopole des banques sur le crédit est fini ». FundKiss est la toute première plateforme de “crowdlending” à Maurice. Elle permet aux petits entrepreneurs de passer directement par Internet pour emprunter de l’argent. Et pour ceux qui vont investir de l’argent dans ces entreprises, il s’agit de Monsieur-Tout-le-Monde, qui a de petites économies (à partir de Rs 5 000) et qui souhaite placer son argent de manière originale en soutenant une entreprise. « Nous leur donnons l’opportunité d’investir directement dans l’économie réelle avec un retour sur investissement solide », dit Paul Perrier.

FundKiss opère sous licence de l’Economic Development Board et a déjà financé des entreprises comme Le Marchand, Saveurs Végétales ou encore The Hive, et la formule semble plaire. « C’est très encourageant, car de plus en plus de PME nous approchent, et les emprunteurs tout comme ceux qui investissent semblent faire confiance à nos solutions. Parfois, nos campagnes de levée de fonds vont très vite, parfois en moins de 24 heures. Quand le “crowdfunding” est né, certains ont parlé d’épiphénomène, mais ce n’est guère le cas. L’industrie se développe et progresse et devient de plus en plus sophistiquée », précise Paul Perrier.

A ce jour, le crowdfunding comprend quatre principaux piliers, soit : 1) “Donation-based” (Small Steps Matters); 2) “Reward-based”; 3) “Equity-based” (Olive Crowd Mauritius proposera bientôt cette formule de “crowdfunding” à Maurice); et 4) “Loan-based” (FundKiss).

Intermédiaire

Au fait, l’opérateur de “crowdfunding” agit comme un intermédiaire financier. Si certains disent que le “crowdfunding” est un compétiteur direct des banques, ce n’est pas le cas, font valoir les opérateurs de ce secteur. « Nous sommes seulement une alternative. Au contraire, nous voulons créer des partenariats avec les banques pour aider les PME. Nous, nous présentons certains avantages que les banques ne peuvent offrir, comme la rapidité d’obtention des fonds. Et c’est clair que sur certains projets, nous pouvons travailler en partenariat avec les banques », indique le responsable de FundKiss.

Dhitoimaraini Foundi, cofondateur de Crowd Invest Ltd, qui lance le projet Olive Crowd (Mauritius) – première “equity crowdfunding platform” de Maurice –, affirme qu’il faut faire connaître et démocratiser le concept à Maurice. « Nous avons choisi Maurice pour notre projet car une des difficultés majeures des PME est justement l’accès aux finances. Nous apporterons des solutions innovantes pour les PME et les investisseurs qui veulent diversifier leurs placements ou qui ont liquidités en trop. Outre cet aspect purement financier, nous attachons de l’importance à l’impact investing, c’est-à-dire les investissements ayant un impact positif sur la société et l’environnement. »

Le concept “equity crowdfunding” est différent du “crowdlending” traditionnel. « Chez nous, ce sont des investissements en capital. Les souscripteurs deviennent actionnaires. D’abord, on présente les projets et, ensuite, les investisseurs les sélectionnent. Puis il y a une analyse approfondie des projets pour s’assurer que ces derniers sont viables et qu’on tient compte de tous les risques possibles. Il faut qu’il y ait un fort potentiel de création de richesse, puis on met le projet à disposition des investisseurs pour la levée de fonds. Il y a un délai de 45 jours pour lever des fonds.

L’investisseur n’a qu’à se connecter à la plateforme et choisir l’entreprise. » Passé de délai de 45 jours, si l’objectif n’est pas atteint, l’opérateur restitue tous les fonds et l’opération est tout simplement annulée.

Small Steps Matters opère depuis 3 ans. Céline Planel, la responsable, souligne : « Nous ne faisons pas de profits. Nous nous concentrons sur des projets éducatifs, d’allégement de la pauvreté, sportifs et culturels notamment. Nous donnons l’opportunité aux gens d’investir dans des projets intéressants et valables », raconte-t-elle. Small Steps Matters a un site Internet, lequel permet au public de se renseigner sur les projets à financer. À ce jour, cette plateforme a soutenu pas moins de 70 projets. « Quand les projets arrivent, on en choisit certains. Dès qu’ils sont approuvés, nous les mettons en ligne. Il y a une limite de Rs 500 000 sur la plateforme. Le public peut contribuer à travers Juice ou l’Internet banking, mais aussi par chèque et en liquide. » Small Steps Matters travaille en partenariat avec la MCB.

Quels risques ?

Si tous assurent qu’ils opèrent des plateformes sécurisées, il existe quand même des risques avec le “crowdfunding”, comme dans tout investissement. Paul Perrier explique que tout est mis en œuvre pour mitiger les risques : « On contacte l’emprunteur pour s’assurer qu’il a compris notre fonctionnement. On lui demande des informations financières et on a un “investment credit committee”, etc. Puis on s’assure d’avoir les meilleurs projets. La confiance est très importante. » Matt Roberts-Davies, directeur et general manager de M-Changa (plus grande plateforme de “fundraising” en Afrique), souligne que « the risk is failing, because the possibility of not repaying exists ». Et Paul Perrier de poursuivre que « si l’emprunteur ne paye pas, nous avons mis en place un “safeguard fund” afin de rééchelonner le remboursement ». Toutefois, il ajoute que sur les plateformes de “crowdfunding” en Angleterre et ailleurs, le “default rate” est plus bas que celui enregistré dans le circuit bancaire traditionnel.

Pour sa part, Dhitoimaraini Foundi, de Crowd Invest Ltd, insiste sur le suivi et l’accompagnement des projets des entreprises financées. « Mais on atténue ce risque au niveau de la sélection de projets. Si le “business model” de l’entreprise n’est pas cohérent, si l’analyse des concurrents et du marché ne s’est pas faite correctement, donc, l’entreprise ne fonctionnera pas correctement et, si on investit, on peut perdre de l’argent. Donc, l’évaluation est primordiale en amont pour diminuer le risque. »
Anne-Marie Chidzero, de Financial Sector Development Programme – Africa, financé par le gouvernement britannique, note que, malgré la transparence du “crowdfunding”, il y a des risques, comme dans tous les services financiers, et qu’il est très important, selon elle, que les « regulators embrace this new player ni the market », ajoutant que « we must see how to create within a central bank a dedicated department on technology, fintech, crowdfunding, etc. »

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Le « crowdfunding » peut-il financer les partis politiques ?

« Cela peut apporter plus de transparence », dit Michal Szymanski

Le “political crowdfunding” est le processus par lequel de nombreuses personnes donnent de petites sommes d’argent à une initiative politique, souvent un parti politique, par le biais de plateformes numériques. Les partis politiques ont toujours collecté de petits dons de particuliers sous formes de cotisations et de boîtes de dons physiques. Le financement participatif, en particulier le financement participatif en ligne, peut s’adresser à des groupes beaucoup plus vastes que les partisans habituels d’un parti.

Le “crowdfunding” a également le potentiel de renforcer le sens d’appartenance entre un parti et sa base. Toutefois, si l’on demande rarement aux personnes ayant peu de moyens de soutenir financièrement les partis politiques, l’avènement du “crowdfunding” fait évoluer la situation et les partisans disposant de moyens financiers relativement limités sont désormais perçus comme une énorme ressource pour la plupart des partis. Interrogé sur le sujet, Michal Szymanski, CEO de MAFH, dit que les partis politiques à Maurice pourraient potentiellement exploiter le “crowdfunding” pour lever des fonds. « Cela pourrait en fait apporter plus de transparence dans le système, permettant de savoir d’où provient l’argent, car les plateformes vérifient l’origine des fonds. Oui, les partis pourraient utiliser le financement participatif. Mais le veulent-ils ? Ça, c’est une autre histoire… »

Et au cas où ils souhaitent le faire, il faudrait bien entendu passer par différentes étapes pour obtenir les autorisations nécessaires auprès des autorités compétentes. D’autre part, hormis la transparence, le “crowdfunding” permettrait de réduire l’influence des grands bailleurs de fonds des partis politiques, qui sont souvent pointés du doigt. Ainsi, selon l’Institute for Democracy and Electoral Assistance, dans un rapport publié sur le “political crowdfunding” : « By lowering the donation threshold for the average citizen, crowdfunding can contribute to reducing the influence of big donors. It also lowers the threshold for new political parties and candidates to raise investment, since crowdfunding offers an avenue to raise funds that is independent of relations to big donors. »

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