Déconfinement : Entre espoirs et appréhensions, des CEOs s’expriment

Prudence, retour progressif à la normale, nécessité d’un plan bien préparé qui sera communiqué à l’avance à la nation, garder les écoles fermées, limiter les sorties des personnes âgées, maintenir des conditions strictes pour éviter un retour de flamme de l’épidémie, faire retourner seulement un pourcentage d’employés dans les bureaux… Voilà les principales suggestions et conditions à respecter dans le cadre d’un éventuel déconfinement, selon les opérateurs économiques.

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Dhiren Ponnusamy (COO, Medine) : « Éviter le risque de rechute »

« Comme l’a dit le Chief Economist du FMI, baisser la courbe de propagation du Covid-19 grâce au confinement, permet une meilleure gestion et prise en charge par notre système de santé, ce qui permettra alors une reprise de l’activité économique. Cela implique que nous ne devons pas nécessairement considérer cette situation comme un compromis entre sauver des vies ou sauver l’activité économique, car les deux sont inextricablement liés. Les chiffres récents semblent suggérer que nous progressons dans la réduction du nombre de nouveaux cas et du nombre de cas actifs. Si cette tendance venait à se confirmer, il serait alors raisonnable de s’attendre à une réouverture progressive de l’économie.
Il est clair que tant que le nombre de cas augmentera à l’échelle mondiale et jusqu’à ce qu’un vaccin/traitement soit identifié, notre pays devra rester prudent et éviter le risque de rechute. Des mesures de ‘social distancing’, des lignes directrices sur les rassemblements de masse ou sur le confinement prolongé des personnes les plus fragiles ainsi que la continuité de certaines mesures sanitaires déjà implémentées, feront partie des conditions à être considérées à la fin du confinement.

Comme nous avons tous pu le constater ces dernières semaines, la situation évolue vite et demande flexibilité et agilité. Medine a déjà commencé à travailler sur un modèle opérationnel post-confinement qui comprend différents scénarios. Nous suivrons dans tous les cas les recommandations que les autorités auront décidé de mettre en place. »

 

Bertrand Casteres (CEO, MUA / Président, Association des Assureurs de Maurice) : « Nous ferons face à des mois très difficiles »

« Les gouvernements du monde entier se posent la même question, et il n’y a pas de réponse parfaite, voire de planification parfaite pour un éventuel déconfinement, qui devra de toute façon être progressif. Je crois qu’on doit collectivement suivre les conseils des experts médicaux, en trouvant le bon équilibre entre les précautions sanitaires, protéger nos citoyens du virus tout en redémarrant notre activité économique au plus vite. Business Mauritius et d’autres instances publiques et privées travaillent actuellement sur la question.

La décision sera prise suite à ces consultations et nous devrons être complètement solidaires par la suite.
Notre pays va faire face à des mois très difficiles, avec la plupart des secteurs économiques touchés directement ou indirectement.  Nos compatriotes souffrent déjà, non seulement ceux touchés par le virus mais des conséquences économiques.  Le gouvernement et les entreprises doivent déjà prendre des décisions difficiles et continueront dans les mois à venir. On se doit de focaliser sur la reconstruction de notre économie, de trouver des solutions aux problèmes auxquels nous sommes confrontés et d’être solidaires à chaque étape.

Il faut aussi préciser que la plupart des grandes entreprises ont un ‘Business Continuity Plan’ déjà en place. En dehors des directives de l’État, nous allons implémenter les prochaines étapes de ces plans pour rétablir nos opérations au fur et à mesure, prenant surtout en compte les précautions sanitaires afin de protéger nos employés, nos partenaires et nos clients. »

UN BANQUIER : « Ne pas sortir du confinement sans avoir maîtrisé le virus »

« Nous ne pouvons sortir du confinement si nous n’avons pas maîtrisé la progression du virus, mais le gouvernement a certainement eu raison de rentrer tôt et avec force dans le couvre-feu. Par ailleurs, le moral de peuple respectant le confinement commence à descendre, certaines personnes sont impatientes de pouvoir repartir travailler hors de chez elles. Mais la sortie doit être gérée et maîtrisée. Il faudra peut-être imposer pour quelque temps les sorties en public avec masque, restreindre les réunions de masse, etc. tout en continuant l’effort de dépistage. Le déconfinement doit être préparé, et annoncé en avance, afin que chacun comprenne son rôle. Par contre, pour le tourisme, ce secteur très important de l’économie et gros pourvoyeur d’emplois, il va prendre deux à trois ans pour s’en remettre. L’état doit donc jouer son rôle et venir aider les entreprises qui ont les bons fondements mais qui auront des problèmes de liquidités – et il ne faut pas seulement faire des annonces, il faut maîtriser la chaîne jusqu’à ce que l’argent revienne là où il faut, en évitant les quelques brebis galeuses qui vont essayer d’en tirer profit ! La population doit aussi comprendre les enjeux… Il faut trouver de l’argent quelque part. Faire marcher la planche à billets ne peut être l’unique solution et chacun doit apporter sa pierre à la reconstruction du pays. Par contre, savoir avancer prudemment, probablement garder les écoles encore fermées, limiter les sorties des plus âgés et se préparer à éventuellement un besoin de nouveau confinement si cela ne se passe pas comme prévu. Nous avançons dans l’inconnu dans un certain sens, donc tout ne se passera pas comme prévu; il faut prévoir des stratégies et tactiques différentes et surtout les surveiller pour pouvoir ajuster ses manœuvres avec rapidité. Nous serons donc toujours dans un schéma stratégique de guerre en quelque sorte. »

Gilbert Espitalier-Noël (CEO, Beachcomber Resorts & Hotels) : « Les dégâts sont déjà considérables »

« Je pense qu’il faut déconfiner le 5 mai avec un plan de sortie par étape bien préparé, afin de permettre une reprise de l’activité économique. Il est évident que le plus longtemps on reste en confinement, le plus l’économie dans son ensemble va subir les conséquences. Les dégâts qui sont déjà considérables, le seront davantage.

La sortie du confinement doit se faire de façon progressive, car il faut assurer que l’épidémie soit sous contrôle, que notre système de santé puisse soigner des malades en nombre contrôlé, et qu’il n’y ait pas de saturation de nos services hospitaliers. Mon point de vue personnel est qu’il faut garder les écoles fermées pendant encore un moment. Cela pour éviter une propagation rapide du virus. L’école est un lieu de transmission et de contamination. L’écolage peut être rattrapé en raccourcissant, par exemple, les vacances.
En ce qu’il s’agit des activités de l’industrie manufacturière locale, je pense que la reprise est fondamentale. Cela afin que la population puisse avoir des produits de première nécessité surtout au niveau de l’alimentation. En revanche, en ce qu’il s’agit de l’hôtellerie, le calendrier du déconfinement sera complètement différent de celui des autres secteurs. La reprise des activités de l’industrie risque d’être plus lente et plus longue. Ce redémarrage sera tributaire de nombreux facteurs notamment : la réouverture de nos frontières et celle de nos principaux marchés, la capacité de la destination à rebondir, les protocoles de réouverture des hôtels… De ce fait, l’arrêt des activités hôtelières va certainement se prolonger au-delà… »

Anthony Leung Shing (Country partner, PwC) : « Un dépistage massif est indispensable »

« Je comprends la pression pour rouvrir l’économie et c’est un acte d’équilibrage difficile. Le dépistage massif de la population est indispensable afin qu’on puisse sortir du confinement tout en contrôlant le risque d’une seconde vague de contamination. À Maurice, le gouvernement a réalisé 8 718 tests (à un moment donné), soit l’équivalent de 7.25 tests pour 1 000 habitants. Cette proportion est plus faible que l’Italie (18.9 tests pour 1 000 habitants) ou la Corée du Sud (10.4 tests pour 1 000 habitants) mais devance la France (5.1 tests pour 1 000 habitants) et le Royaume-Uni (4.5 tests pour 1 000 habitants).Prenant en compte la diminution du nombre de cas actifs et de personnes en quarantaine sur le territoire, je suis d’avis que le pays pourrait passer à un déconfinement progressif à partir du 5 mai. Mais le déconfinement n’est pas un retour à la normale et il faudra maintenir des conditions strictes. Le gouvernement doit définir et partager sa stratégie de déconfinement. Ce plan aiderait à expliquer les mesures prises en termes de transport public, service de santé, etc, afin de rassurer la population de leur sécurité avec la sortie du confinement et de restaurer une certaine confiance.
Dans un premier temps, un pourcentage de personnes par industrie pourrait revenir au bureau. C’est une bonne mesure de transition mais je pense qu’il est aussi important d’informer le peuple comment toute l’infrastructure publique a été mobilisée pour assurer un déconfinement en toute sécurité. Autrement, la population devrait maintenir les mesures de distanciation sociale, alors que l’accès aux masques et gels hydroalcooliques est facilité.  Il faudrait aussi que certains lieux de rencontres comme les bars, cinémas, etc. restent fermés dans l’immédiat tout comme nos frontières.
Je pense aussi que le pays devrait mettre en place un système de surveillance et de traçage technologique. Afin d’éviter une nouvelle contamination massive, le traçage électronique des individus serait un outil indispensable pour identifier les chaînes de contamination afin que les personnes se confinent ou se fassent tester. Par exemple, en Corée du Sud, des applications ont été développées pour suivre l’état de santé de personnes contaminées et certaines informations sont rendues publiques. »

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