Décryptage : aux frontières de la réforme électorale…

ADISH MAUDHO

- Publicité -

Les conditions sont posées par la Constitution : le redécoupage électoral entamé par l’Electoral Boundaries Commission doit maintenir un nombre de 20 circonscriptions et obtenir pour chacune, dans la mesure du possible, un nombre à peu près égal d’électeurs. À cela s’ajoute la nécessité de prévenir les risques de sous-représentation des communautés.

Or, comment conduire un tel exercice, crucial dans notre système politique et social, en l’absence de données actualisées depuis le recensement de 1972 ? Pourtant en 2010, la dernière question du Population Census de 2010piloté par Statistics Mauritius ouvre des perspectives. À cette question, les sondés devaient indiquer leur appartenance religieuse. Il en ressort une liste de 51 ‘religions’ (53 en incluant les « sans religion » et «not stated»), toutes quantifiées en nombre. Ces données sont notamment répertoriées par Village Council Area et Municipal Council Area (VCA, MCA) permettant ainsi l’établissement de cartes de la répartition des religions dans les différentes régions de Maurice, incluant Rodrigues.

La question qui se pose est de voir si la répartition des populations selon leur ‘religion’ est en adéquation avec le profil des élus par circonscription.

Le système électoral inscrit les Mauriciens dans quatre catégories : hindous, musulmans, population générale et sino-mauriciens. Selon la Clause 5(1) du First Schedule de la Constitution, le Best Loser System s’assure mathématiquement qu’après l’élection des députés au First-Past-The-Post (FPTP), la part de chacune des quatre communautés d’après le recensement de 1972 soit rééquilibrée en cas de sous-représentation des différentes catégories permettant ainsi a fair and adequate representation of each community. Or, l’analyse des données du recensement de 2010 tend à montrer les limites de ce système correctif.

Méthodologie de regroupement des communautés mauriciennes

Il est nécessaire ici de bien expliquer la méthodologie utilisée tant cette question de représentation juste et équitable des communautés est sensible dans le contexte mauricien. L’exercice que nous avons mené est fondé sur des estimations et des assomptions, reposant sur des données nécessitant tout de même la prudence.

Les 53 catégories répertoriées par Statistics Mauritius dans le recensement de 2011 sont classifiées en 12 groupes religieux distincts. Pour des raisons de lisibilité nous avons ici arbitrairement reclassé ces 12 groupes en 9 groupes visant à faire apparaître sur les cartes les communautés majoritaires et les secondes communautés majoritaires (ou plus larges minorités) par VCA et MCA. Ces groupements sont les suivants (en italique le vocabulaire de Statistics Mauritius) :

• Hindou – Hindi Speaking (Hindi Hindu and other Hindu)

• Musulman (Islam and Other Muslim)

• Population générale (addition des groupes Assemblée de Dieu, Mission Salut et Guérison, Church of England, Roman Catholic, Other Christian)

• Sino-mauricien (Buddhist, Chinese)

• Marathi Hindu

• Tamil Hindu

• Telugu Hindu

• Vedic & Aryan (Ce dernier étant visible sur la carte, nous l’avons conservé comme groupe distinct)

• Other and not stated

Ces regroupements se basent sur l’expérience et la connaissance des communautés mauriciennes. Le postulat, bien qu’imparfait, reste suffisant pour une analyse préliminaire. Les cartes suivantes montrent les résultats obtenus après regroupement (Rodrigues est exclue). Attention, ce ne sont pas des chiffres officiels. Nous voulons pour exemple le cas des sino-mauriciens réduits à moins de 1% laissant penser que des Mauriciens d’origine chinoise se soient déclarés chrétien ou catholique, intégrant alors le groupe « population générale ».  Quant aux catégories Marathi, Tamil et Telugu, elles ont été conservées car des ministres sont régulièrement choisis selon ces appartenances et restent d’autant plus visibles sur la carte. De plus, il s’agit des chiffres de populations résidentes et non pas du registre des électeurs. Quant aux limites des circonscriptions, elles ont été superposées aux limites administratives pour les besoins de l’analyse.

Les élus, représentatifs de leur circonscription ?

La première carte se décline en 3 couleurs représentant les 3 grands groupes communautaires majoritaires. La deuxième carte, représentant la deuxième communauté majoritaire par VCA-MCA, est une mosaïque bariolée illustrant la diversité multiculturelle de l’île.

En comparant à présent les résultats FPTP des élections de 2014 avec ces chiffres des communautés au sein des circonscriptions, des divergences notables apparaissent vis-à-vis de la juste représentativité des communautés. En voici quelques exemples :

− Dans la circonscription n° 6 Grand-Baie/Poudre d’Or, regroupant 8 VCA, en 2011, la majorité de la population est hindoue – Hindi Speaking à 53 %, la deuxième est la Population générale représentant près de 28 % des 50 142 habitants de la circonscription. Pourtant, les trois élus sont hindous et près du tiers de la population n’a pas d’élu, ni de député correctif de sa communauté au n° 6.

− Dans la circonscription n° 8, comptant en 2011, 58873 habitants, la part des hindous – Hindi Speaking était de 45%, celle de la Population générale 18,5%, celle des Musulmans 16,5%. La catégorie Tamil comptait pour 9% de la population. Dans la circonscription Quartier-Militaire/Moka aucun des trois élus n’est du groupe Population générale ou Musulmans qui pèsent pourtant 35% de la population.

−Dans la circonscription n°10, Montagne Blanche/Grande Rivière Sud-Est, les parts des Hindous, de la Population générale et des Musulmans sont respectivement de 54%, 21% et 15%. Les trois élus au FPTP sont 2 hindous et un musulman.

Les limites ou frontières des circonscriptions « rurales » correspondent pour la plupart aux limites des VCA. En revanche, les limites des circonscriptions « urbaines » ne suivent pas les boundaries administratives des wards municipaux ou des districts. Les circonscriptions sont « à cheval »sur 2 ou 3 wards, amenant dès lors les électeurs à voter dans une circonscription différente urbaine ou rurale;  1, 2, 3, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20 en sont des exemples. Faute de données précises, nous ne pouvons poursuivre notre analyse pour ces régions grises en périphérie des villes.

 

Ces écarts sont censés être corrigés au niveau national après l’attribution des sièges additionnels et un député est in fine élu pour servir le pays et non uniquement sa circonscription. Dans une République de Maurice se voulant inclusive de toute sa Nation, il est raisonnable de questionner le principe du choix des candidats par les grands partis nationaux et par extension le système même du First-Past-The-Post.

Sources

Population Census 2011, Statistics Mauritius

National Assembly Elections 2014, Electoral Results, Office of the Electoral Commissioner

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour