DANS DES ÉCOLES PRIMAIRES : Yard Cleaners, ces femmes exploitées

Alors qu’on vient de célébrer la Fête du Travail, la situation des Yard Cleaners dans les écoles primaires mérite que l’on s’y attarde. Ces femmes, engagées comme contractuelles pour nettoyer les cours d’école, ont un salaire modique et peinent à joindre les deux bouts. Elles sont d’autant plus révoltées que leurs collègues masculins, engagés comme Caretakers et payés par le ministère de l’Éducation, perçoivent au moins cinq fois plus d’argent qu’elles. Alors qu’elles luttaient pour obtenir les mêmes conditions, le ministère vient de lancer un appel d’offres à l’intention des services contractuels pour jusqu’en… 2018.
Depuis quelques années, le ministère de l’Éducation engage des compagnies de nettoyage pour l’entretien des cours d’écoles primaires. Une quinzaine de compagnies sont concernées et environ 500 femmes sont engagées pour cette tâche. Celles-ci ont un salaire compris entre Rs 1 500 et Rs 2 000. Or, les Caretakers, qui sont eux recrutés par le ministère lui-même et dont le travail consiste à nettoyer les classes, ont un salaire nettement supérieur. Selon le PRB 2013, un Caretaker touche en effet Rs 10 425 tandis qu’un Handy Worker perçoit Rs 9 675 et un General Worker Rs 7 425.
La syndicaliste Jane Ragoo, qui milite pour les droits de ces femmes depuis des années, crie à la discrimination. Elle déclare que des démarches avaient été entreprises auprès de l’ancien ministre de l’Education Vasant Bunwaree pour corriger cette erreur. « Il nous avait dit qu’il allait considérer la question et que le ministère allait prendre ces femmes en charge. Nous avons eu une nouvelle rencontre après le changement de gouvernement pour discuter à nouveau de la situation, mais on nous a fait comprendre que le Budget ne prévoit pas cela. Entre-temps il y a eu un nouvel appel d’offres pour des services jusqu’en 2018. Ce qui veut dire que la situation de ces femmes ne va pas évoluer. »
Rajmanee, mère de deux enfants, travaille comme Yard Cleaner depuis cinq ans. L’année dernière, elle a eu droit à une augmentation de Rs 300. Mais cela est loin d’être suffisant pour subvenir aux besoins de la famille. « Mon mari est maçon, il n’a pas un travail régulier. Mes deux enfants sont encore à l’école. Il est très difficile de vivre avec ce salaire. Je dois « trase koupe », et même là, des fois ce n’est pas suffisant. »
Sheela, qui est veuve, confie éprouver les mêmes difficultés. « Je n’ai personne pour m’aider et je ne compte que sur mon salaire. J’ai entendu dire que dans certaines écoles, on paie plus. Cela dépend peut-être des compagnies. Chez nous, on ne sait même pas qui est le directeur. À chaque fois que j’appelle, une femme répond en disant qu’il n’est pas là. Ce n’est pas évident de travailler dans de telles conditions. »
Les Yard Cleaners travaillent trois heures par jour. Dans certaines écoles, elles nettoient le matin pendant une heure et demie et le même temps de travail après les classes. Dans d’autres, elles font trois tournées d’une heure, soit matin, après la récré et après les classes. Le travail continue normalement pendant les vacances, et dans certains cas, le salaire est même réduit pendant ces périodes de l’année. De même lorsqu’elles s’absentent. Dans d’autres cas, les vacances sont payées normalement.
Veena, qui compte huit années dans ce métier, confie que la compagnie pour laquelle elle travaillait a fermé il y a quelque temps. Depuis, c’est la Parent-Teachers Association (PTA) de l’école qui a pris les choses en main. « Depuis que la PTA a repris, nous avons droit à un salaire de Rs 2 000. Avant, je touchais Rs 1 500, parfois même Rs 1 200 pendant les vacances. Mais même avec cette augmentation, il est difficile de joindre les deux bouts. Le coût de la vie est nettement supérieur. Que peut-on faire avec Rs 2 000 aujourd’hui ? »
Dans de tels cas, le ministère donne l’argent prévu pour ce service aux PTA qui, à leur tour, paye les contractuelles. Mais, dans la majorité des cas, c’est le ministère qui octroie les contrats aux compagnies. C’est ce que déclare Jaganarden Sunassee, président de la Mauritius Head Teachers Association. « Des Yard Cleaners sont engagées depuis quelques années parce que le ministère ne recrute plus de Caretakers. Le travail est donc départagé. Les Caretakers nettoient les classes et les Yard Cleaners nettoient la cour et parfois la varangue. Des fois, la PTA engage une personne supplémentaire pour nettoyer les toilettes. Tout ce service est « contract out » par le ministère. »
Jaganarden Sunassee concède toutefois que les Yard Cleaners sont mal rémunérées. « C’est attristant de voir une telle chose. Il faut être vraiment dans le besoin pour accepter de faire ce travail avec un tel salaire. Parfois, il est difficile de trouver des personnes qui acceptent ce job. De même, quand d’une part, on peine à la remplacer. » Le maître d’école, dit encore notre interlocuteur, doit, lui, superviser le travail et envoyer des rapports au ministère.
En raison du salaire dérisoire, ce sont surtout des femmes qui sont recrutées comme Yard Cleaners. « Un homme n’acceptera pas de travailler pour Rs 1 500. Mais ce n’est pas une raison non plus pour exploiter des femmes », dit Veena, qui peine à comprendre pourquoi il y a une politique de deux poids deux mesures parmi ceux faisant le même boulot.
Pourtant, le travail des Yard Cleaners est loin d’être facile. Rajmanee confie que l’école où elle travaille a une grande cour avec beaucoup d’arbres. « Il y a des badamiers, des manguiers et d’autres arbres encore. Chaque jour, je balaie des montagnes de feuilles. Certains jours, je dois transporter des poubelles de badamiers et de mangues. Sans compter que, parfois, on nettoie les classes et, pendant la nuit, les chauves-souris viennent faire du désordre. Il faut alors recommencer le matin avant l’arrivée des enfants. »
Les Yard Cleaners lancent un appel pour que leur situation intéresse enfin les autorités. « Nous lançons un appel à la ministre de la femme pour qu’elle s’intéresse à notre sort. Nous l’avons entendu parler du salaire des femmes récemment lors de la Journée de la Femme. Nous voulons qu’elle sache dans quelles conditions nous vivons. »

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