Dhanjay Jhurry (Vice-Chancelier de l’Université de Maurice) : « Les étudiants disent ce qui les arrange »

Les critiques de l’Union des Étudiants et d’autres unions à l’Université de Maurice (UoM) « n’ont pas de sens », selon le vice-chancelier, Dhanjay Jhurry. Selon lui, « on doit gérer une université sainement » et « mettre de l’ordre dans les finances car le financement de l’institution provient également des caisses de l’État ». Le dernier conflit en date concerne l’heure de fermeture de la bibliothèque, qui a été ramenée à 20h, au lieu de 17h. Cette décision, dit-on, « ne sera pas de longue durée mais a été acceptée car certains étudiants ont des examens ». Pour lui, « on ne peut vivre dans un pays où les gens viennent dire ce qui les arrange ».

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Les étudiants ont dû effectuer deux “sit-in” la semaine dernière à cause de l’heure de fermeture de la bibliothèque. Quelle est la raison qui a poussé le conseil à fermer la bibliothèque plus tôt que prévu ?

Lors de la réunion du conseil du 28 juin, nous avons présenté un Policy Paper qui s’intitulait “promoting efficiency and financial stability of the University of Mauritius”. C’était un premier “Policy Paper” visant à augmenter l’efficience et à avoir une “financial stability”. Nous ne sommes pas venus présenter ce papier de notre propre chef. Avant que je prenne la barre à l’UoM, on avait déjà commandité une étude sur l’efficience et la stabilité financière à l’UoM. C’était un rapport de KPMG. Quand je suis arrivé, sans vraiment comprendre, j’ai préféré attendre que les choses se mettent en place. On ne peut pas appliquer des mesures sans qu’on soit préparé. J’ai présenté une première phase et d’autres suivront après. Mais le 28 juin au conseil, la première phase a été présentée au Senior Management sur l’efficience et la “financial stability” de l’UoM. Ce papier comprenait quatre mesures.

Quelles étaient ces mesures ?

D’abord, la remise à jour des “Security Guards” à l’UoM, car il y a des choses qui se faisaient et qui n’étaient pas aux normes. Deuxièmement, il fallait revoir toute la gestion de notre ferme, car il y avait des choses qui n’étaient pas en accord avec l’efficience et la gestion. En troisième lieu, l’e-Library et, enfin, tout ce qui se faisait au niveau de l’Office Attendance, c’est-à-dire les heures supplémentaires.

Il y avait donc beaucoup de lacunes dans la gestion générale ?

Je dirai plutôt qu’il y a des choses qui se font et qui ne sont pas normales. Il fallait impérativement assainir toute cette situation. Ces quatre mesures ont été prises dans l’optique d’augmenter l’efficience et la “financial sustainability”. On ne  peut pas faire ce qu’on veut à l’université. Avant tout, on est pressé par la Tertiary Education Commission d’être aux normes de bonne gouvernance, ne pas gaspiller les fonds de l’État. On revoit tout cela. Parmi ces mesures figurait ainsi l’e-Library. Depuis un an, nous avons travaillé sur la mise en place de l’e-Library. Ce projet s’est enfin matérialisé. On ne peut pas fermer les yeux sur son fonctionnement.

Auparavant, les étudiants devaient venir à la bibliothèque pour consulter les 15 000 à 20 000 ouvrages accessibles, sans compter les dissertations. Si on n’avait pas l’e-Library, jamais on aurait présenté une mesure concernant la révision des heures de fermeture. Je ne l’aurai pas fait. Nous l’avons fait lorsqu’on était sûr que l’e-Library était fonctionnelle . On s’était demandé si c’était justifié que la bibliothèque s’ouvre au-delà de 17h. Quand on s’est posé cette question, au mois de février de cette année, on s’est demandé si c’est efficace et financièrement soutenable d’ouvrir la bibliothèque de 17h à 20h. Le Chief Librarian m’a alors dit qu’on peut aller de l’avant avec cette mesure car les ressources sont en ligne. Il a ajouté avoir observé qu’il y avait très peu de monde à la bibliothèque. J’ai demandé des preuves et un recensement de mars à mai lorsque les étudiants sont présents.

Quel a été le résultat ?

Il a fait son travail et tous les jours il a relevé la présence du nombre d’étudiants à la bibliothèque. Fin mai, il est venu avec un constat incroyable. Au mois de mars, on avait une moyenne de dix étudiants et c’était presque le même chiffre en avril et en mai alors que nous avons une population de 10 500 étudiants. Or, il faut savoir qu’en ouvrant la bibliothèque de 17h à 20h, cela implique la mobilisation du personnel en charge. En plus de cela, l’UoM est obligée de les déposer chez eux. En moyenne, il nous faut donc mobiliser deux à trois chauffeurs, qui doivent attendre jusqu’à 20h pour ramener les étudiants. Ils sont donc payés de 16h30 à 23h. Est-ce que c’est honnête ? Que diront les contribuables ? Nous avons des comptes à rendre vis-à-vis de la TEC. On dira que l’UoM n’est pas sérieuse.

N’y avait-il pas moyen de trouver un arrangement avec les étudiants ?

Lorsque la Registrar a rencontré quelques étudiants dans la Council and Senate Room, il y a eu toute une histoire. Elle est revenue nous dire que les étudiants exigaient qu’on prenne une décision concernant la fermeture de la bibliothèque. Ils ont même menacé de ne pas quitter la salle. Il faut savoir que la décision de fermer la bibliothèque à 17h n’est pas la mienne. C’est une décision qui a été prise par le conseil. Les étudiants ont demandé que la bibliothèque soit ouverte car on est en période d’examens. Ce sont des Special Retake Exams pour ceux qui n’ont pas réussi au mois de mai. Quand on avait approuvé ce “Policy Paper” au niveau du conseil, le représentant des étudiants était d’accord avec le document et avait fait une demande additionnelle pour que la bibliothèque ouvre jusqu’à 20h en période d’examens. Cette demande a été immédiatement acceptée par le conseil. D’ailleurs, sur le conseil, il y a le représentant de l’University Staff Union, le représentant des étudiants et le représentant des académiciens. Tout le monde était d’accord. Il n’y avait aucune voix discordante.

En même temps que nous étions en discussion, le président du conseil a donné son avis par e-mail, où il a précisé que cette décision avait été prise unanimement et que si les étudiants justifiaient leur demande, il verrait s’il pouvait prendre cela en considération lors du prochain conseil. S’ils arrivent à justifier leur cas, qu’on n’a pas pris en compte, cela pourrait dont être pris sur le fond au prochain conseil. La seule chose qu’on a dit, c’est que la bibliothèque sera ouverte de 8h à 20h à partir de mercredi dernier car nous sommes en période d’examens, et cela jusqu’à ce que le conseil décide de revoir le papier. Le document du conseil tient à 100%. Il est donc faux de dire qu’on a reculé. Nous avons donné aux étudiants un papier en écrit où pendant les examens la bibliothèque sera ouverte de 8hrs à 20 hrs. C’est au président de voir, en toute discrétion s’il va reprendre ce papier ou non.

Tout le monde était donc d’accord ?

Ce papier a été accepté unanimement. Il faut qu’on dise la vérité. On ne peut vivre dans un pays où les gens viennent dire ce qui les arrangent. Leur stratégie, c’est de venir en force juste à la veille des élections. Eux, ils viennent avec des raisonnements qui les arrangent. Mais en tant que direction de l’université, on doit voir l’ensemble. Si demain l’UoM est en banqueroute, on m’accusera. Je suis en train de gérer l’UoM le plus efficacement possible. D’ailleurs, on doit rendre des comptes sérieusement. On veut rendre saine l’administration de l’université. Des 10 500 étudiants que nous comptons, seule une dizaine montre les dents. Mais la majorité des étudiants sont totalement d’accord avec ce qu’on fait. Ces unions d’étudiants agissent sans consultation. Ils déstabilisent l’institution en faisant croire que tout le monde est d’accord mais il n’y a pas de fondement derrière cette affirmation. Le Senior Management de l’UoM fait un bon travail. On veut que l’UoM soit l’une des meilleures de la région. Les deux unions n’ont pas la même vision que nous concernant l’UoM.

On avance que l’e-Library ne contient pas tous les documents que recherchent les étudiants. Qu’avez-vous à répondre ?

Est-ce qu’on peut venir nous dire quelle est la liste des documents dont ils ont besoin et qui ne se trouvent pas à la bibliothèque ? On a 15 000 à 20 000 ressources en ligne. L’e-Library n’est pas un projet fixe. Nous prévoyons des investissements de Rs 4 millions cette année dans ce projet. Le Chief Librarian a déjà commandé plusieurs ebooks. Leur raisonnement n’aura jamais de fin. Lorsqu’on prend une décision, certaines personnes se sentiront toujours lésées. On regarde les 10 500 étudiants à l’UoM. Alors qu’on parle de numérique aujourd’hui, va-t-on rester dans cette idée archaïque ?

L’Union des Étudiants s’élève contre l’augmentation de la “Library Fee”, qui passe de Rs 5 000 à Rs 7000. Est-ce que cette hausse est justifiée ?

Comment avoir accès à autant d’ouvrages sans investissement ? Il faut aussi mettre en place des serveurs. Seulement 65% de notre budget provient de l’État. Si on veut développer de nouvelles choses, il nous faut trouver les moyens. On allège le fardeau des étudiants. Comment peut-on faire cela gratuitement ? Dans quel pays du monde offre-t-on toutes ces facilités gratuitement ? On ne dépense pas d’argent uniquement pour un item donné. Les étudiants font un calcul hyper simpliste. Moi, je dois prendre en compte l’université dans son ensemble.

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