DIDO & AENEAS : L’arène baroque

Après l’opéra romantique La Traviata en 2012, Opera Mauritius remonte le temps à travers l’opéra baroque Dido & Aeneas. Écrite par Henry Purcell en 1689 sur un livret du poète Nahum Tate, cette pièce raconte une histoire d’amour tragique entre une reine veuve, Dido, et un prince troyen, Aeneas. Pour la première fois, l’intégralité des personnages sera défendue par une troupe de solistes mauriciens, avec en tête d’affiche Véronique Zuël-Bungaroo et Jean-Michel Ringadoo.
Il leur a fallu des mois de répétitions pour maîtriser le style baroque de l’opéra Dido & Aeneas. Un travail suivi qui a duré plusieurs semaines et qui s’enchaîne lors d’une énième répétition dans l’amphithéâtre de Vanilla Village à Rivière Noire, tard dans la soirée. Gradins en béton entourés d’arbres, lumières tamisées et texte remontant à un temps révolu nous ramènent à l’époque du théâtre élisabéthain.
Sur scène, Véronique Zuël-Bungaroo et Jean-Michel Ringadoo… Leurs regards partagés entre tristesse et amour, nous éloignent de la réalité et leurs chants d’opéra, nous dévoilent la douce mélodie du baroque.
Émotions.
Dans son costume de Dido, Véronique Zuël-Bungaroo est transformée. C’est une femme forte et faible à la fois. Sa voix et sa touche mélancolique sur scène séduisent et ses yeux trahissent l’espoir qu’elle place dans l’évolution de l’opéra. “Dido est une femme digne dans sa souffrance. Un personnage qu’on ne peut qu’admirer pour sa détermination et le courage dont elle fait preuve en portant le poids de la royauté. Cette pièce, je l’ai jouée quand j’avais 20 ans en Europe, mais je n’avais pas suffisamment de technique. Aujourd’hui, avec ce rôle principal de Dido, je découvre beaucoup de détails de l’opéra baroque. Cela me rappelle les cours de littérature : quand on est jeune, on n’accorde pas d’importance aux textes que l’on étudie. Maintenant, je peux me rendre compte de toute l’esthétique derrière cette oeuvre de Purcell. La langue est magnifique et le lieu sublime le tout. Il y a de la magie”, confie la soprano.
Face à elle, ce n’est pas un rocker que nous retrouvons dans le rôle de Aeneas, mais un homme blessé et marqué par les difficultés de la vie. Jean-Michel Ringadoo s’est imprégné de son personnage. “Dans la vie, je ne suis pas un prince… Mais comme Aeneas, je n’ai pas un coeur de pierre. Il y a des choses qui me touchent ou qui me blessent.”
Rigueur.
Contrairement aux personnages qu’ils incarnent dans Dido & Aeneas, les solistes mauriciens n’ont évidemment pas vécu à cette époque baroque. Ils doivent faire preuve d’une technique différente de ce qu’ils ont pu exploiter dans le passé. Diane Hardy, qui incarne la deuxième dame de la reine, témoigne : “Je ne fais pas de l’opéra depuis longtemps. Je me suis produite lors de Godspell et j’ai fait mon one-woman-show, mais je cherche toujours ma inner voice d’opéra, d’autant que le baroque est quelque chose de plus complexe.”
Afin de perfectionner leurs voix, chacun des solistes est pris individuellement en charge par le chef d’orchestre allemand Gregor Mayrhofer. Jean-Michel Ringadoo confie : “Pour arriver à chanter l’opéra baroque, il faut de la rigueur. Gregor m’a appris à chanter sans vibrato, c’est-à-dire sans faire trembler la voix. Mais la pratique ne suffit pas. Il faut aussi apprendre des livres et remonter à la source. J’ai longtemps évolué dans le milieu du rock, mais comme j’aime les challenges, j’ai voulu m’aventurer vers le sommet de l’art de la musique : l’opéra.”
Un point de vue que partage Véronique Zuël-Bungaroo : “L’émotion dans cette pièce est intense. Avec Dido & Aeneas, nous devons être des sopranos lyriques et avoir une voix très légère. Mais il n’y a pas que la voix qui compte. Dido & Aeneas, c’est du théâtre. Comme la pièce dure une heure, nous devons rapidement partir d’une émotion à une autre. Des expressions que nous avons dû apprendre à maîtriser grâce à Ludivine Petit, le metteur en scène.”
Évolution.
À côté des thèmes de l’amour, du deuil et de la tristesse, la jalousie et le mensonge sont aussi évoqués par le truchement des personnages des sorcières. Une pirouette entre l’illusion et la réalité que la sorcière principale, Cherry Ann Adam, a su intérioriser. “Cela fait trois ans et demi que j’ai quitté l’arène de l’opéra. Ma dernière pièce était L’enfant et les Sortilèges de Ravel où je jouais le rôle de la princesse. Cette fois, c’est mon premier grand opéra : j’interprète la sorcière et j’adore mon personnage. J’ai la possibilité de m’exprimer et d’extérioriser mes sentiments. Grâce à l’encadrement d’Opera Mauritius et l’aide de Véronique pour la maîtrise de ma voix, j’ai eu la possibilité de m’améliorer. La progression de Jean-Michel est remarquable et je suis heureuse qu’il ait le premier rôle.”
Ce dernier a su s’imposer dans le domaine de l’opéra. Après des rôles de solistes dans les opéras Les Pêcheurs de perles en 2009 et La Traviata en 2012, il fait entendre sa voix de ténor grâce à Aeneas. “On ne peut qu’évoluer. L’opéra est la base de tout ce qui rime avec musique. Mais il faut énormément travailler et toujours chercher plus loin.”
Participants.
Ils seront une dizaine de Mauriciens à être sur la scène de l’amphithéâtre à Rivière Noire à la mi-octobre. Pour Diane Hardy, c’est un privilège de côtoyer des Mauriciens sur scène, mais c’est également un gros challenge. “Nous pratiquons presque tous les jours; les répétitions sont très sérieuses. Mais par moments, il y a dans l’air un brin de folie”, confie Jean-Michel Ringadoo.
Quant à Véronique Zuël-Bungaroo, c’est par le terme “encourageant” qu’elle définit cette production composée de Mauriciens. “Je suis contente et rassurée de voir qu’il y a une continuité dans l’opéra. Ce projet est un vrai bijou. C’est aussi un réel plaisir de partager l’avant de la scène avec Jean-Michel. Dans le passé, tous mes amoureux de scène étaient étrangers. C’est vraiment différent lorsque c’est quelqu’un que vous connaissez qui se produit à vos côtés.”
Enthousiaste à l’idée de faire découvrir l’opéra Dido & Aeneas au public, Cherry Ann Adam se dit très contente du travail accompli avec toute l’équipe. “Il faut remercier Paul Olsen et Opera Mauritius pour la confiance qu’ils nous font en nous confiant un tel projet. Être avec des Mauriciens sur scène, c’est un moment d’échange. Il n’y a aucune compétition. On partage le même amour pour l’opéra. Être tous ensemble, ça nous booste.”

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