DOCUMENTAIRE : Quelque 640 collégiens face aux enjeux de demain…

La seule séance prévue hors du cinéma s’est déroulée devant plus de 640 collégiens, la plupart venus en groupe avec leur professeur, qui ont plus que rempli l’auditorium Octave Wiehé, à l’université jeudi dernier. « Nous sommes ravis. Le ministère de l’Éducation a bien joué le jeu », a expliqué Élise Mignot, de Porteur d’Images. Une autre séance gratuite s’est tenue le lendemain au cinéma cette fois-ci, face à environ 180 représentants d’Ong et citoyens engagés, qui ont partagé leurs propres expériences. Peut-être faut-il voir dans ce succès une profonde aspiration à réinventer son mode de vie, si ce n’est le désir de découvrir des initiatives, qui changent la donne là où elles ont lieu, et qui encouragent chacun à « faire sa part », comme dirait le petit colibri, histoire de Pierre Rabhi.
Tenir une salle de plus de 600 collégiens, venus de différents établissements, n’est toutefois pas une sinécure, d’ailleurs, il serait mensonger de prétendre que les mouches volaient pendant la projection… L’ambiance était aux bavardages au fond de l’auditorium et le défilé des unes et des autres se rendant officiellement au petit coin, terriblement continuel. Mais dans l’ensemble ces jeunes spectateurs ont mordu à l’hameçon, si l’on en juge par leur réactivité à différents passages du film et aux questions posées ensuite.
À l’instar des cinq chapitres du film traitant successivement les thèmes de l’agriculture, l’énergie, l’économie, la démocratie et l’éducation, cinq panélistes, liés chacun à un de ces secteurs, ont été invités à répondre aux questions des collégiens et enseignants. Qu’il s’agisse d’Agnès Mardi, de la Fondation ressources et nature (Forena), qui forme notamment à l’agriculture biologique, de Matthieu Discour, Directeur de l’Agence française de développement (AFD), qui finance des projets favorisant les énergies renouvelables, de Renganaden Padayachy, représentant de la chambre de commerce et d’industrie, de Sanjana Bowers, qui a quant à elle partagé son expérience d’éco-school développée dans plusieurs écoles mauriciennes depuis 2014, ou encore du consultant Thierry Le Breton intervenu sur la démocratie, tous ont permis d’appréhender certaines initiatives bourgeonnant à Maurice. Au-delà des différents appels à la responsabilité individuelle et à la conscience de la collectivité, lancés par différents intervenants, enseignants ou panélistes, plusieurs questions ont permis d’éclairer certains enjeux et défis.
Agroécologie tropicale
Ainsi peut-on se demander dans quelle mesure est-il possible de développer à Maurice, des potagers urbains, avec des cultures en bacs ou sur les parterres publics, puisque ces fameux espaces, ne serait-ce que les trottoirs, sont inexistants si ce n’est trop étroits. Il est clair que nous devons inventer nos propres solutions. L’agronome Agnès Mardi a évoqué l’expérience de Forena avec Safire, ou encore à la Maison familiale rurale ouvrant la porte à tous ceux qui souhaiteraient s’initier à l’agriculture biologique. Cette spécialiste explique, notamment que l’agriculture biologique et la permaculture sont plus productives, rentables et adaptées aux pays tropicaux, comme Maurice, qu’ailleurs. À une question sur la disparition du sel mauricien, le représentant de la CCI a rappelé l’intervention de la chambre auprès du gouvernement pour réinstaurer des quotas, mais a, par la suite, constaté que les consommateurs préfèrent acheter le sel importé ! La question se pose en effet de choisir de consommer mauricien et de repérer, entre autres, le label Made in Moris.
Un intervenant, Kevan, qui fait travailler des anciens détenus sur une ferme, demande comment leur apprendre à fabriquer des panneaux solaires, comme c’est le cas à La Réunion. Face aux 35 % d’autonomie énergétique réunionnais et à l’objectif de 100 % à l’horizon 2035, seulement 17 % de l’énergie produite à Maurice est renouvelable, venant en grande partie de la bagasse. Le solaire commence à se développer, notamment avec les petits producteurs ainsi que l’éolien qui vient de commencer à Bras-d’Eau. Et Matthieu Discour de faire remarquer que « nous pouvons sûrement viser les 35 % à 2035 ».
De l’énergie à la démocratie
À propos de démocratie villageoise ou comités citoyens, Thierry Le Breton évoque certaines formes de « gestions tribales de la cité », et souligne le rôle des réseaux sociaux, rappelant que de petits groupes d’activistes ont gagné les grandes batailles, telles la Vallée de Ferney ou la centrale à charbon à la Chaumière. Lorsque le poète et pêcheur Patrick Norton demande si le gouvernement est conscient des enjeux, Renganaden Padayachy répond que « la pression publique est indispensable pour que des décisions soient prises », faisant d’ailleurs remarquer que dans ce film tous les changements présentés partent de la population. Rob Hopkins n’a pas cherché l’autorisation des institutions pour lancer une monnaie locale dans le sud de l’Angleterre.
Sanjana Bowers estime que les éco-schools poussent les jeunes à amener eux-mêmes le changement. Ces projets les motivent à construire un réservoir de récupération d’eau de pluie, à cultiver un jardin endémique ou médicinal, ou encore à développer l’autonomie énergétique d’un établissement. Les échanges se sont conclus, notamment sur l’idée d’identifier les problèmes existant à côté de chez soi, pour pouvoir bouger et se rassembler, et sur l’idée que nous seuls sommes aptes à déterminer notre avenir et définir l’île Maurice de demain.

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