DR VIJAY BOOLELL, CONSULTANT À LA CARDIAC UNIT DE CANDOS : « Les maladies du coeur affectent de plus en plus les jeunes à partir de 21 ans »

« Les maladies du coeur affectent de plus en plus les jeunes parce qu’il faut dire que de nos jours, les jeunes ne sont pas disciplinés ». Ce constat provient du Dr Vijay Boolell, consultant en cardiologie à l’hôpital Candos. Par « de plus en plus jeunes », il désigne précisément des patients de 21, 25, 30 et 35 ans. « On les voit fumer de plus en plus. Ils sont de plus en plus nombreux à être hypertendus, à avoir du cholestérol, à ne pas faire d’exercices », observe-t-il. Le cardiologue souligne par ailleurs le danger d’une mauvaise alimentation qui, « ajoutée à d’autres facteurs de risque, précipite les maladies du coeur ». Le facteur génétique joue également un rôle prépondérant, selon le médecin, d’où l’importance de faire des tests, surtout après 40 ans, chez les hommes et après la ménopause chez les femmes.
Qu’est-ce que les maladies cardiaques ? Qui sont vos patients ?
On peut classer les patients en trois groupes. Le premier groupe comprend des patients qui viennent pour un check-up mais n’ont pas de facteurs de risques ni de symptômes. Ceux-là représentent une quantité infime. Ce sont des gens qui ont été bénis par Dieu. Le deuxième groupe comprend des patients qui ont des facteurs de risques mais qui n’ont pas de maladie. Par contre, il y a un troisième groupe qui comprend des personnes qui ont des facteurs de risque et qui ont des maladies. Par exemple : l’hypertension artérielle, le diabète, l’hypercholestérolémie, les problèmes vasculaires périphériques – liés aux vaisseaux sanguins périphériques, plus précisément les artères – et même des problèmes ischémiques. C’est-à-dire que le coeur a des artères qu’on appelle coronaires. Et, au niveau des artères coronaires, on peut avoir des plaques qui font que quand le malade fait des efforts, il y a un manque d’oxygène qui entraîne des douleurs au niveau du coeur. Si les plaques se détachent, l’artère s’obstrue et c’est là qu’on parle d’infarctus du myocarde.
Au niveau des statistiques, y a-t-il plus de Mauriciens qui souffrent de maladies cardio-vasculaires de nos jours ?
Il y a une augmentation des cas de maladies du coeur dans une certaine tranche d’âge. On a de plus en plus de jeunes qui ont des problèmes cardiaques. C’est dû à la cigarette, une mauvaise alimentation, un manque d’exercices et il y a aussi les facteurs génétiques. À Candos, on reçoit 150 malades chroniques par jour. Quant aux aigus comme l’infarctus du myocarde, on en reçoit trois cas au moins par jour.
Est ce que l’augmentation du nombre de malades cardiaques est un phénomène mondial ?
C’est un phénomène mondial. Aux États-Unis, en France, en Europe, on constate effectivement une augmentation des problèmes cardio-vasculaires.
Est ce que la Cardiac Unit de l’hôpital de Candos peut traiter tous les types de maladies du coeur et effectuer tous les types de chirurgie liés ?
Ici, on traite les maladies cardiaques. On ne fait pas de chirurgie. Toute personne qui doit se faire opérer est envoyée au Cardiac Centre à Pamplemousses. Ici, on traite les malades qui ont des angines de poitrine. D’abord, il y a des examens de base. On fait ce qu’on appelle l’électrocardiogramme et puis on fait une électrocardiographie (ECG). Par la suite on fait une épreuve d’efforts qui peut montrer des signes d’ischémie, comme cela peut être négatif aussi. Si le malade, après l’épreuve d’efforts, souffre toujours, à ce moment, on a recours à une coronarographie qui va montrer à quel point les artères sont obstruées. Là, on peut faire une angioplastie, c’est-à-dire, déboucher l’artère et poser un stent pour éviter la reformation d’un rétrécissement. Mais, dans des cas plus compliqués, si le malade nécessite une chirurgie, il est envoyé au Cardiac Centre, à Pamplemousses.
Quels sont les facteurs de risque des maladies cardio-vasculaires ?
Le tabac, le diabète, l’hypertension artérielle, l’obésité, l’hypercholestérolémie, le stress et les facteurs génétiques. Les maladies cardiaques dont souffrent le plus souvent les Mauriciens sont des maladies ischémiques.
Nos habitudes alimentaires y sont-elles pour beaucoup ?
C’est sûr. On constate qu’il y a un paradoxe à Maurice. Le ministère de la Santé met sur pied beaucoup de campagnes pour l’amélioration de la santé des Mauriciens. Mais, tous les jours, on voit, dans les coins de rue, des fast foods, des restaurants que les gens fréquentent beaucoup. Mais, qui dit fast foods dit mauvaise alimentation et qui dit mauvaise alimentation ajoutée à d’autres facteurs de risque, précipite les maladies du coeur.
Quid de l’alcool ?
Quand une personne consomme de l’alcool en quantité, elle est exposée à l’hypertension et aux troubles du rythme cardiaque comme la fibrillation auriculaire.
Y a-t-il des maladies autres que l’hypertension qui peuvent augmenter le risque d’une maladie cardiaque ?
Il y a le diabète, une maladie qui entraîne vraiment des complications graves au niveau des artères. Que ce soit les artères au niveau du coeur (coronariennes), que ce soit les artères au niveau des membres inférieurs. Cela donne d’autres aussi complications au niveau des reins, des yeux. S’il n’est pas bien contrôlé, le diabète est une maladie qui provoque des maladies cardio-vasculaires à tous les coups.
Le problème d’artères bouchées concerne-t-il seulement les personnes en surpoids ? Les personnes de poids moyen ou minces peuvent-elles aussi être concernées ?
L’obésité, c’est sûr, est un gros facteur de risque. Mais, on a des personnes qui sont minces, qui sont sportives, qui peuvent avoir des problèmes cardiaques. Ces personnes ont comme facteur de risque un facteur génétique. Si le papa et la maman sont cardiaques, forcément ils vont avoir des maladies cardio-vasculaires. Le facteur génétique joue un rôle prépondérant.
Quel est le pourcentage de risque qu’une personne concernée par le facteur héréditaire puisse faire une crise cardiaque ?
C’est difficile à prévoir. Il y a des personnes qui, même si elles ont des facteurs de risque, n’ont rien. Si elles ont une bonne alimentation, si elles font un minimum d’exercices, elles n’ont rien. Par contre, il y en a d’autres qui prennent les mêmes précautions mais qui font des accidents cardio-vasculaires. On ne peut pas prévoir.
Le stress est une des causes de ces maladies cardio-vasculaires…
Le stress est un facteur, si l’on puis dire, international. Le stress peut vraiment vous empoisonner la vie de plusieurs façons : fatigue mentale, fatigue physique. Cela peut même aller jusqu’à la dépression. Une personne stressée peut développer l’hypertension artérielle, le diabète. Et qui dit hypertension et diabète dit que la personne est exposée aux risques cardio-vasculaires.
Est-ce qu’on peut dire que toute personne qui souffre d’hypertension est exposée aux maladies cardio-vasculaires ?
Oui. En plus des problèmes cardio-vasculaires, la personne est exposée aussi aux accidents vasculaires cérébraux, qui sont liés à l’hypertension. Les accidents vasculaires cérébraux peuvent aussi être causés par des plaques au niveau des artères carotidiennes (des artères paires disposées de part et d’autre au niveau du cou et contenant le sang oxygéné qui va du coeur vers la tête).
Est-ce que plus une personne est âgée, plus elle est à risque ?
Quand les personnes âgées ont des problèmes cardio-vasculaires, ceux-ci sont compensés par des artères collatérales. C’est-à-dire, ces personnes sont protégées par une circulation collatérale (une circulation de suppléance se développant pour compenser la diminution du flux sanguin du réseau coronaire). Par exemple, si une vieille personne fait un infarctus du myocarde, elle a toutes les chances de s’en sortir. Par contre, une jeune personne qui fait un infarctus a beaucoup plus de risques de mourir.
Plus tôt, vous disiez constater plus de jeunes parmi les malades…
Beaucoup. On a eu des cas de jeunes de 21 ans, 25 ans, 30 ans, 35 ans, 40 ans. Et au-dessus de 40 ans, entre 40 et 50 ans, on en voit tous les jours. Les maladies du coeur affectent de plus en plus les jeunes parce qu’il faut dire que de nos jours, les jeunes ne sont pas disciplinés. On les voit fumer de plus en plus et l’obésité devient un gros problème à Maurice en raison des fast foods. Il y a de plus en plus de jeunes qui sont hypertendus, qui ont du cholestérol et qui ne font pas d’exercice, qui ne font pratiquement pas de sport. Tous ces facteurs font que les jeunes sont malades.
Pensez-vous que ces jeunes sont conscients de tous ces dangers ? Y a-t-il suffisamment de sensibilisation ?
Moi, je trouve que les campagnes ne suffisent pas pour sensibiliser les jeunes. On est en train d’ouvrir des dispensaires dans tous les coins de l’île mais il y a beaucoup à faire pour améliorer la manière d’éduquer les jeunes. Parce que pour les éduquer, il faut que la personne possède quand même un certain bagage. Il faut savoir faire passer le message. Cela est important.
Que préconisez-vous ?
Il faut former ces personnes qui éduquent et organiser des conférences le plus souvent possible, dans les collèges et pour le public, encourager les jeunes à manger sainement, à faire des exercices.
Des études à l’étranger démontrent que les jeunes femmes sont plus nombreuses qu’autrefois à souffrir de maladies cardio-vasculaires. Est-ce que la tendance est la même à Maurice ?
Généralement parlant, la femme est protégée avant la ménopause. Mais, après la ménopause, les facteurs de risque pour les femmes comme pour les hommes deviennent égaux. Mais, en général, à Maurice, c’est très rare de voir des jeunes femmes atteintes de maladies cardio-vasculaires. Si on voit des jeunes femmes atteintes de maladies cardio-vasculaires, c’est surtout dû à la cigarette combinée à la pilule, une association qu’on n’encourage pas. Mais, je ne rencontre pas beaucoup de cas pareils.
Les activités physiques sont conseillées pour garder une bonne santé. Est-ce que les personnes souffrant d’une maladie cardio-vasculaire peuvent pratiquer du sport ? Quel genre de sport pour eux ?
Les malades qui ont des problèmes cardio-vasculaires, qui ont été traités par une angioplastie ou subi une chirurgie cardio-vasculaire, on leur conseille surtout de pratiquer la marche. La marche est un sport qui est très approprié : une demi-heure de marche par jour, c’est très bien. On ne conseille pas les sports intenses. Les parcours pentus comme la montagne ne sont pas recommandés. Toute personne ayant eu un problème cardiaque, même si elle est traitée convenablement, même si plusieurs stents ont été posés au niveau des artères, la personne reste un cas cardiaque. C’est pourquoi on conseille aux malades de ne pas mener la même vie qu’avant. Et, c’est pour cela que les malades qui ont été opérés doivent faire des suivis réguliers et prendre leurs médicaments.
La personne ne peut pas vraiment mener une vie normale ?
Une vie normale, oui, tout en faisant attention à ce qu’elle mange. Il faut qu’elle dorme suffisamment, sept heures par jour car rien ne remplace le sommeil, et il ne faut pas qu’elle fume ou qu’elle mange des fast foods…
Parfois, des personnes relativement jeunes et en bonne santé font une crise cardiaque en pleine activité sportive. Est-ce que trop de sport ou le sport intense peut déclencher une crise ?
Le sport peut déclencher une crise. Il y a des personnes qui pratiquent un sport, qui ont des problèmes cardio-vasculaires congénitaux sans le savoir. Et, les efforts peuvent déclencher une crise. Il y a aussi des personnes qui pratiquent des sports de haut niveau et qui prennent des stimulants tels le Red Bull. On sait que les stimulants forcent le coeur et peuvent entraîner des crises. Ces boissons énergisantes, on peut les prendre de temps en temps quand on est fatigué. Si vous les prenez une fois par mois, ça va. Mais, il y a certaines personnes qui en consomment deux à trois fois par jour.
Quels sont les signes avant-coureurs d’une crise cardiaque ?
Chez le diabétique et les insuffisants rénaux, la personne peut ne pas avoir de symptômes. La personne fait sa crise sans le savoir. Mais, les signes avant-coureurs sont une douleur au niveau de la poitrine – la douleur peut être constrictive, c’est-à-dire serrée ; la douleur qui irradie dans la mâchoire et dans le bras gauche. Parfois, la douleur peut ne pas irradier aussi. La personne transpire, est angoissée, sent qu’elle respire mal et elle sent aussi qu’elle va s’effondrer.
Quels conseils pour réduire ces risques de crise cardiaque ?
Dans le cas des facteurs génétiques, on ne peut pas trop conseiller. Les parents sont cardiaques, il faut faire très attention. Il faut faire un test. Même en faisant attention, la personne peut faire une crise. La personne ne doit pas rajouter d’autres facteurs de risque comme le tabac. Il ne faut pas qu’elle soit obèse. Il faut qu’elle mange sainement et il faut faire un minimum d’exercices. Une fois par an, c’est conseillé de faire un bon check-up : prise de sang, électrocardiogramme, échographie…
Et chez toute autre personne dont les parents ne sont pas cardiaques, après 40 ans, c’est bon de faire un check-up parce que chez les hommes, entre 40 et 50 ans, c’est là que les accidents cardio-vasculaires surviennent parce qu’il y a des modifications métaboliques. Après 40 ans, on a tendance à prendre du poids, à se relâcher au niveau des exercices, la personne travaille trop… À 40 ans, il y a des gens qui sont promus dans leur travail et qui travaillent jusqu’à très tard. Ils sont des chefs, ils n’ont pas de temps pour pratiquer du sport. Ils mangent un peu n’importe comment. Un problème sédentaire d’une certaine manière. Par contre, chez les femmes, c’est surtout après la ménopause, après 45-50 ans, qu’elles sont exposées à ces accidents vasculaires.
Est-il possible que l’on mange sainement, qu’on pratique du sport, qu’on n’ait jamais eu de problème cardiaque et qu’on soit malgré tout victime d’une crise ?
C’est possible, oui.

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