Drogue et politique : Les petites formations ne sont pas en reste

  • Comme illustré par la présence des frères Lutchigadoo en première ligne du Reform Party et la “cagnotte” du FSM qui a servi au paiement de l’amende de Rs 500 000 d’un trafiquant condamné à 9 ans de prison

Il y a les gros partis politiques, surtout ceux que l’on peut qualifier de pouvoiristes qui ont toujours été colonisés par les trafiquants de drogue et à qui ils fournissaient gros sous et gros bras, mais comme Week-End en faisait état la semaine dernière, les petites formations ne sont pas en reste. Si la commission d’enquête sur le trafic de drogue a relevé le cas de cet activiste du Front solidarité mauricienne qui aurait utilisé une espèce de cagnotte que tenait son bureau “d’aide sociale” pour payer la caution d’un trafiquant de drogue, la présence des frères Lutchigadoo auprès de Roshi Bhadain et de son Reform Party lors de la partielle de décembre 2017 à Belle-Rose/Quatre-Bornes avait étonné plus d’un.

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Les photos encore et toujours. Comme illustration de la proximité des uns et des autres. C’est après son interpellation que ceux qui étaient sur le terrain à Quatre-Bornes pour l’élection partielle se sont rappelé l’avoir vu à pratiquement toutes les sorties du Reform Party, en première ligne dans les défilés et dans les réunions aux côtés du candidat Roshi Bhadain. Les photos, publiées notamment par Le Mauricien le 2 avril 2018 l’ont confirmé.
Lui, c’est Kusraj Lutchigadoo. Cet habitant de Bassin, Quatre-Bornes, a été appréhendé dans son “laboratoire” de fabrication de drogue synthétique à Triolet en avril 2018. C’est chez ses beaux-parents que l’ADSU a découvert tout le matériel utilisé pour la fabrication de la drogue synthétique, de même qu’une importante somme d’argent. La valeur des saisies avait alors été estimée à Rs 5 millions.

Le mécano à la BMW X6

Il faut savoir que son frère Kelvy Lutchigadoo avait, lui, été coffré pour importation de 329 grammes de drogue synthétique en pleine campagne électorale, quand lui, son frère Kusraj et Raju sillonnaient la circonscription dans les cortèges du Reform Party. Il était encore en détention lorsque son frère a été interpellé dans son labo à Triolet.

Ce qui a mis la puce à l’oreille des enquêteurs de l’ADSU, c’est le train de vie des frères Lutchigadoo et celle, en particulier, de Kusraj. Comment ce mécanicien de 35 ans pouvait-il rouler en BMW X6 dont le coût représente la bagatelle de quelque Rs 6 millions ?
C’est la question qui a poussé la police à surveiller les agissements du clan jusqu’à tomber sur le laboratoire de Triolet, loin du domicile familial du morcellement Appadoo à Bassin. On ne sait pas, par contre, si la Mauritius Revenue Authority, si prompte à traquer d’honnêtes contribuables, a effectué le “trail” qui s’impose dans ce cas précis.

Lorsque les photos de la joyeuse bande du candidat Bhadain et des frères Lutchigadoo ont fait surface dans les journaux et les réseaux sociaux, Roshi Bhadain a affirmé que la fratrie n’était pas membre “exécutif” du parti et que, comme il fréquentait la salle de gym des Lutchigadoo, ces derniers ont pris sur eux de participer à la campagne à partir du jour du dépôt de candidatures.

Il faut souligner que Roshi Bhadain avait beaucoup surpris lorsqu’il a, en février 2018, fait publier une longue tribune sur la drogue synthétique dans les colonnes d’un quotidien. On ne le connaissait pas jusque là un intérêt pour le sujet. Il a pris a contre-pied les travailleurs sociaux en disant tantôt que la culture du cannabis pourrait générer le second miracle économique et, tantôt, que la dépénalisation du cannabis augmenterait la consommation de drogue synthétique. Des déclarations considérées à l’époque comme étant plutôt stupéfiantes.

Le cas du FSM ex-Hizbullah est encore plus intéressant. Le Hizbullah était, à ses origines, un pourfendeur de trafiquants et même de consommateurs. Il y eut quelques éliminations suspectes dans les années 1990 qui se voulaient un avertissement à ceux qui prenaient le risque de se rapprocher des trafiquants. Comme chef du commando à l’époque, Bahim Coco.

La dérive meurtrière prit une autre tournure. Braquages et assassinats politiques furent ajoutés à l’agenda de “l’escadron de la mort”. Après tous ces tristes épisodes et le démantèlement de cette équipe de la mort en 2000/2001, dont certains, tels des kamikazes, avaient choisi de se suicider au cyanure, plutôt que d’être pris, la formation de Cehl Meeah choisit de changer de nom et de prendre celui du Front solidarité mauricien (FSM).

Ces étranges connexions

Le FSM, comme son nom l’indique, va se muer en structure d’assistance sociale, bien que l’on nen sache pas grand-chose quant à la provenance des finances assez conséquentes distribuées dans la région de Roche-Bois, de Plaine-Verte et ailleurs.

Comme le numéro de téléphone portable de Ghulam Edoo avait été répertorié sur celui d’un trafiquant, il avait été appelé devant la commission pour s’expliquer sur ces étranges connexions de la part d’une formation qui se présente comme vertueuse et adhérant à des critères religieux très stricts.

Celui qui se présente comme le secrétaire à l’aide sociale du FSM, Ghulam Edoo, mais qui a aussi comme métier “marchand ambulant” s’était totalement confondu dans ses explications, plutôt légères, lorsqu’il a été confronté aux informations de la commission qui indiquaient que c’est le FSM qui avait honoré le paiement d’une amende de Rs 500 000 d’un trafiquant de drogue purgeant une peine d’emprisonnement de 9 ans. Un reçu obtenu de la prison en faisant foi.

Le témoin et sa formation, dénoncés dans le rapport Lam Shang Leen, avait tantôt dit que l’argent qui avait servi à payer l’amende provenait de gains aux courses et tantôt que la “cagnotte” qui servait à payer les amendes était alimentée par le “zakaat”.
Tout ceci, connu certes, mais aujourd’hui publiquement étalé, il reste à savoir maintenant comment va réagir le large comité ministériel que préside Pravind Jugnauth dont les travaux viennent tout juste de démarrer. Faudra-t-il attendre encore des dizaines d’années pour diminuer l’influence et le pouvoir de l’argent des barons de la drogue ? C’est là l’ultime interrogation.

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