DROITS D’AUTEUR: La Rights Management Society sans tête

Alors que le ministre des Arts et de la Culture Santaram Baboo vient d’élaborer sur son projet de développer une industrie créative à Maurice, un des organismes de ce secteur est actuellement à la dérive. La Rights Management Society (RMS), qui remplace la Mauritius Society of Authors (MASA), est en effet sans conseil d’administration depuis bientôt un an et, la semaine dernière, l’officier en charge a été informé de son transfert dans un autre ministère. Les membres appréhendent déjà la nomination d’un producteur ayant ses entrées au ministère à ce poste.
Depuis 2013, Pushpawant Boodhun cumulait les fonctions de Deputy Permanent Secretary à la Culture et Officer in Charge à la MASA (devenu par la suite la RMS). Même si cette nomination avait provoqué le mécontentement chez les artistes, qui craignaient une main-mise du ministère sur la société, il y avait quelqu’un pour combler le vide laissé par la suspension de Gérard Louise, le directeur. Toutefois, la semaine dernière, Pushpawant Boodhun a annoncé au personnel qu’il a été transféré à un autre ministère et que, de ce fait, il ne sera plus l’Officer in Charge de la RMS. Depuis, le personnel aussi bien que les membres sont sans nouvelle. Pushpawant Boodhun n’est pas venu au bureau cette semaine et nul ne sait s’il a déjà pris ses nouvelles fonctions ailleurs.
La situation est d’autant plus catastrophique que la présidente, Meera Mohun, a soumis sa démission en décembre dernier. Celle-ci avait déjà émis le souhait de se retirer depuis mars 2014 pour des raisons personnelles. On sait aussi, qu’à un certain moment, les relations étaient devenues conflictuelles entre les autres membres du board et elle. Mais l’ancien ministre Mukkheswur Choonee lui avait demandé de rester en poste car il y avait une nouvelle loi sur le Copyright en préparation. Quant aux autres membres du board, ils ont déjà été « remerciés » une fois la nouvelle loi promulguée.
Pour l’heure, la RMS est donc sans tête. En attendant les nouvelles nominations qui, selon le ministre Santaram Baboo, dans une déclaration au Mauricien, devait se faire il y a un mois. Déjà, la communauté des artistes s’agite et les spéculations vont bon train. Le nom d’un producteur ayant ses entrées au ministère des Arts et de la Culture est cité avec insistance comme nouveau Officer in Charge tandis que celui d’une chanteuse, pourtant en mauvaise posture dans un autre organisme gouvernemental, est aussi cité comme présidente.
Déjà, certains craignent que la RMS se retrouve à nouveau dans une situation conflictuelle si la nomination de ces deux personnes est avalisée « car ils ne sont pas du même bord », font comprendre certains membres. Ces derniers se désespèrent de voir évoluer les choses à la RMS. Déjà que les réunions récentes entre le ministre Baboo et un petit groupe d’artistes a provoqué des mécontentements.
Entre-temps, les affaires doivent bien continuer à la RMS. Selon le calendrier établi, une répartition pour les droits mécaniques devait se faire en mars. Un ancien membre du board confie qu’il faut commencer à préparer cet exercice dès le mois de janvier. « Il faut voir si les fiches sont à jour, faire le monitoring avec les sociétés internationales et, surtout, il faut que la somme à distribuer soit approuvée par le board. »
En l’absence d’un Officer in Charge et d’un  président, qui donne les directives ? Personne n’est en mesure de répondre à cette question. L’ironie, c’est que tout ce cafouillage survient au moment même où le ministre des Arts et de la Culture a fait son discours sur le programme gouvernemental à l’Assemblée nationale. Lui qui souhaite voir développer une industrie créative à Maurice a annoncé une série de projets en faveur des artistes. Au sujet de la RMS, il a déclaré : « As regards the rights of artists, creators and performers, my Ministry will ensure that the Rights Management Society will work on these four aspects (ndlr : Legal Norms; Licensing and Contract; Enforcement; Overall functioning of the Copyright system.) We want transparency, accuracy, efficiency and good governance in the Management of the individual rights of artists, creators and performers. »
En attendant la mise en pratique de ces bonnes intentions, c’est le flou total. Les artistes attendent également qu’une décision soit aussi prise au sujet des deux cadres suspendus, à savoir Gérard Louise, le directeur, et Harold Lai, qui agissait comme directeur par intérim. Tous deux ont été blanchis dans deux affaires liées à l’autorisation de reproductions d’oeuvres, d’une part contenant des morceaux de Sony Music et d’autre part du catalogue de Méli Mélo Music. Gérard Louise avait même écrit à l’ancien board pour réclamer sa réintégration, mais aucune réponse ne lui a été communiquée. Entre-temps, font ressortir les membres, « ils continuent à percevoir leurs salaires ».
« Soit on décide de mettre un terme à leur contrat, soit on les réintègre. On ne va pas payer un nouvel Officer in Charge alors qu’un autre touche déjà son salaire de directeur », avancent-ils. Les membres font aussi ressortir que le ministère des Arts et de la Culture a réduit considérablement son grant à la société depuis des années et que la gestion de la société repose sur les 30% de frais administratifs prélevés sur les revenus des membres.
Ceux qui croyaient voir le bout du tunnel avec l’adoption d’une nouvelle loi sur le Copyright sont désespérés. « C’est ainsi que les politiciens traitent les artistes. Quand j’étais en fonction, j’ai pu constater qu’ils n’ont aucune volonté de faire avancer les choses. Mais soit dit en passant, les artistes sont aussi responsables de cette situation avec leurs protestations répétées. On verra bien si la nouvelle équipe fera mieux », fait ressortir un ancien membre du board. Nous avons essayé d’avoir un éclairage du ministère des Arts et de la Culture ainsi que du Dr Boodhun à ce sujet. En vain.

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