ÉCHIQUIER POLITIQUE – DÉMISSION DE ROSHI BHADAIN : Entre la partielle et les malheurs de Me Gulbul

La trêve au niveau de l’Assemblée nationale, avec les travaux ajournés jusqu’au vendredi 30 pour l’adoption du Budget 2017/18, a l’air de tout sauf une sur l’échiquier politique ou encore le compte du gouvernement. Ainsi, dès hier après-midi, le leader du Reform Party, Roshi Bhadain, n’a pas attendu la prochaine Private Notice Question (PNQ) du leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, sur le projet Metro Express pour soumettre sa démission en tant que membre de l’Assemblée nationale de Belle-Rose/Quatre-Bornes (N°18) à la Speaker, Maya Hanoomanjee. Le ton de la campagne pour la partielle devra être donné dès aujourd’hui avec le point de presse du député démissionnaire et également une sortie officielle du Premier ministre et leader du MSM, Pravind Jugnauth, à Quatre-Bornes.  Puis, le Ruling de la Cour suprême autorisant le Directeur des Poursuites publiques (DPP) de faire appel au Privy Council contre l’acquittement de Pravind Jugnauth est venu remettre les pendules à l’heure au sujet de la menace de MedPoint sur la tête du Premier ministre.
En même temps, un autre dossier des plus délicats et hors de tout contrôle de l’hôtel du gouvernement peut agir comme des détonateurs avec des conséquences politiques non-négligeables, compte tenu de la pression grandissante au niveau de la commission d’enquête sur la drogue, présidée par l’ancien juge de la Cour suprême, Paul Lam Shang Leen, à l’encontre de ce Senior Member of the Bar, Me Raouf Gulbul. Ce dernier n’est pas n’importe quel candidat battu de l’Alliance Lepep. Au lendemain des dernières élections générales, il a été investi de responsabilités majeures à la tête de la Gambling Regulatory Authority ou encore de la sacro-sainte Law Reform Commission. Avec le Build-Up devant la commission d’enquête sur la drogue et la prochaine audition de Parwiza  Jeeva, bénéficiant d’une Special Protection à la prison des femmes, les demandes de démission contre ce membre du MSM gagneront en intensité à coup sûr même si à ce jour, le volet du financement de la campagne de ce candidat par le truchement de Tainted Money n’a pas encore été abordé officiellement et publiquement.
Dans l’immédiat, les conséquences de la décision du chef juge, Keshoe Parsad Matadeen, et du juge Asraf Caunhye, autorisant au DPP d’interjeter appel devant le Judicial Committee of the Privy Council contre l’acquittement de Pravind Jugnauth dans le scandale MedPoint devront s’inviter au débat politique et au coeur de la campagne au N°18.  Conscient que le Premier ministre devra traîner encore le boulet de MedPoint, le Panel de Legal Advisers du leader du MSM a pris le soin de faire publier un communiqué en neuf points dans une tentative de « put a brave face » dans la conjoncture politique.
En anticipation aux commentaires, Me Shamila Sonah-Ori, avouée de P.K. Jugnauth note que même avec cette décision de la Cour suprême, accordant au DPP la permission de faire appel sur trois points qui sont des questions d’interprétation de la loi sous la section 13(2) du Prevention of Corruption Act, « le jugement initial condamnant Pravind Jugnauth à 12 mois de prison, rendu par la Cour intermédiaire le 2 juillet 2015, demeure annulé ». Les hommes de loi de Pravind Jugnauth soutiennent que « ce jugement, qui vient confirmer, si besoin était, l’indépendance du judiciaire mauricien, ne remet pas en cause l’innocence de Pravind  Jugnauth, reconnue par la Cour suprême ».
À cet élément de suspense, le temps pour le DPP de mettre au point son dossier au Privy Council, soit un délai maximal de trois mois accordé par la Cour suprême, est venue se greffer la démission de l’ex-ministre des Services financiers. En fin de journée, Roshi Bhadain a fait parvenir à la Speaker sa lettre de démission avec Maya Hanoomanjee disposant d’un délai de 15 jours pour communiquer ce développement politique à la présidente de la république, Ameenah Gurib-Fakim, la partielle se déroulant dans un délai minimal de 30 jours et d’un maximum de 240 jours. Le leader du Reform Party a convoqué la presse pour ce matin à ce sujet.
Depuis tôt hier matin, Roshi Bhadain avait engagé des consultations avec ses principaux lieutenants en vue de déterminer le Timing idéal pour l’annonce de sa démission. « L’annonce de cette démission ne devra pas être une occasion pour enterrer la gifle administrée par la Cour suprême à Pravind Jugnauth dans le scandale MedPoint. Pas question de reléguer au second plan ce développement politique avec un Premier ministre faisant l’objet d’un appel au Privy Council dans une affaire sous le PoCA », notaient les proches du leader du Reform Party. Il y avait également à prendre en compte les célébrations de la fête de l’Eid annoncées pour le début de la semaine. Mais en cours d’après-midi, les événements devaient se précipiter avec la lettre de démission soumise formellement.
Dans les rangs du MSM, toute la question de la partielle au N°18 devra être discutée dans les instances du parti, qui se réuniront aujourd’hui au QG du Sun Trust. Il faudra s’attendre aux premiers commentaires sur ce développement politique. En fin de journée, Pravind Jugnauth se rendra dans la circonscription de Belle-Rose/Quatre-Bornes pour l’inauguration de la foire rénovée de Quatre-Bornes avec un discours politique à la clé. Très peu de détails ont transpiré quant à la durée de la campagne électorale au N°18. Mais, tout indique que l’Alliance Lepep contestera cette élection pour ce siège laissé vacant mais toute décision ne sera entérinée qu’après consultations avec le partenaire du gouvernement, le Muvman Liberater. L’option d’une « campagne électorale pas trop longue » pourrait également être privilégiée.
Toutefois, le coup d’envoi de la campagne pour la partielle au N°18  pourrait coïncider avec une autre passe délicate et difficile pour le gouvernement, et en particulier le MSM. Depuis cette semaine, les révélations de la famille de Parwiza  Jeeva, condamnée à dix ans de prison pour trafic de drogue, concernant les connexions du Senior Bar-At-Law, Raouf Gulbul, et du trafiquant Peroumal Veeren, font déjà mal. D’aucuns affirment que la pression contre le président de la Gambling Regulatory Authority et de la Law Reform Commission s’accentuera dans les jours à venir et qu’il deviendra extrêmement difficile pour le gouvernement de gérer ce déluge d’allégations de connexion avec la mafia de la drogue.
Après l’audition de jeudi dernier devant la commission Lam Shang Leen, l’un des prochains témoins annoncés pour établir Beyond Reasonable Doubt tout le volet Gulbul/Veeren n’est autre que la principale concernée, Parwiza  Jeeva. En prévision de ce rendez-vous, cette dernière, qui purge une condamnation de dix ans pour importation d’héroïne, bénéficie déjà d’une Special Protection des femmes. Son témoignage devra complémenter ceux de ses proches au sujet des efforts allégués de Me Gulbul pour épargner Peroumal Veeren de toute dénonciation formelle que ce soit lors de l’étape des enquêtes de l’Anti-Drug and Smuggling Unit ou encore lors des procès aux Assises.
Mais ce qui intrigue davantage est de pouvoir identifier le cerveau, qui a élaboré cette stratégie en vue d’un pacte entre les différents clans engagés dans le trafic de drogue. « Qui est celui qui a pu amener les Veeren, Nerf, Very Good et autres Chowrimootoo à collaborer, évitant du même coup une guerre de clans pour contrôler le marché ? Celui qui a mis en place ce plan ne l’a pas fait pour rien à coup sûr. La réponse à cette équation devra ouvrir littéralement la porte de la Caverne d’Ali Baba », suppute-t-on dans les milieux intéressés à démasquer ceux qui opèrent à l’ombre.
Un autre test crucial qui attend la Commission d’enquête au vu des dernières informations disponibles, sera de déterminer la dose de Tainted Money injectée pour le financement de la campagne de certains candidats aux élections générales. « La proximité des trafiquants de drogue avec la politique fait qu’il sera étrangement difficile de concevoir qu’il n’y ait eu aucune injection de fonds pour les élections. La difficulté reste d’identifier les canaux utilisés à cet effet aussi bien que les maillons de ce réseau», ajoute-t-on dans certains milieux, confiants de pouvoir percer ce mystère et sachant pertinemment bien l’effet d’une bombe que cela fera.
En attendant de franchir cette étape, dans les rangs du MSM et sous le couvert de l’anonymat, on laisse entendre que la moindre des choses après la séance de la commission d’enquête de jeudi est que Raouf Gulbul aurait dû déjà prendre ses distances des institutions, dont il assume le Chairmanship. La semaine prochaine devra voir une intensification de la campagne pour sa démission d’autant plus qu’un membre en vue du Sun Trust ne se garde pas de souligner que « Raouf Gulbul est un nouveau venu au sein du MSM. Dans toute sa sagesse, sir Anerood a institué cette commission d’enquête parce qu’il sait que la drogue détruit la société des familles innocentes. Les récents événements ont clairement démontré qu’il existe un lien organique entre le Champ-de-Mars et le trafic de drogue. Raouf Gulbul n’a qu’un choix honorable à faire, soumettre sa démission pour ne pas gêner davantage le gouvernement et le MSM, à la veille d’une élection partielle, et aller défendre son intégrité personnelle devant les instances appropriées ».
Affaire à suivre…

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