Échiquier politique – L’effet Lutchmeenaraidoo : Pressions accentuées sur le calendrier électoral

La Speaker, Maya Hanoomanjee, dispose de 15 jours pour informer la State House du siège vacant au No 7 avec la démission du ministre des Affaires étrangères

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Avec un scénario « Pez Nam », le Nomination Day pour la partielle à Piton/Rivière-du-Rempart fixé dans un délai de 165 jours, soit au cours de la première quinzaine de septembre, avec la partielle au plus tard le 16 novembre

À ne pas écarter, une réédition des épisodes de 1987 et de 2000 avec des élections générales éclipsant l’élection de remplacement

Avec la démission de Vishnu Lutchmeenaraidoo en tant que ministre des Affaires étrangères du gouvernement Papa/Piti et député de la circonscription de Piton/Rivière-du-Rempart (No 7), le calendrier électoral élaboré par le Premier ministre et leader du MSM, Pravind Jugnauth, se retrouve sous des pressions accentuées. En effet, même avec un scénario « Pez Nam », soit les dispositions sous les Representation of the People Regulations de 1987 (GN No 16 de 1987), avec un délai de 240 jours, littéralement huit mois, pour organiser la partielle du No 7, l’hôtel du gouvernement se trouvera acculé dès la fin du mois d’août prochain pour enclencher les procédures en vue des prochaines élections générales, avec le dimanche 8 décembre comme date butoir probable. Dans l’immédiat, le principal concerné, qui n’est pas à sa première démission d’un gouvernement, après celle du samedi 18 août 1990, ne s’est pas appesanti sur les raisons de son action politique. Des conjectures laissent comprendre que le dénouement d’hier ne constituerait nullement un coup de tête de celui qui avait promis un deuxième miracle économique lors de la campagne électorale de 2014.
« Enough is enough! » a déclaré Vishnu Lutchmeenaraidoo à la presse en quittant son bureau, hier après-midi, avec à ses côtés ses principaux collaborateurs aux Affaires étrangères. Il n’a pas voulu expliciter le fond de cette décision personnelle affectant dans une grande mesure les plans du gouvernement Jugnauth. Néanmoins, les récents incidents en marge de la visite officielle du président de Madagascar, Andry Rajoelina, en tant que Chief Guest pour les célébrations nationales du 12 mars, notamment le dossier du port de pêche ou encore ses commentaires sur la croissance à 3%, ont pesé dans la balance.
Il y aurait également le fait que le dossier éminemment diplomatique des Chagos est traité hors du contrôle du ministre des Affaires étrangères. Pourtant, au lendemain de l’Advisory Opinion sur les Chagos de la Cour internationale de Justice des Nations unies du 25 février dernier, Vishnu Lutchmeenaraidoo était monté en première ligne, par voie de communiqué de presse, pour dresser la Roadmap post-La Haye. Avait-il été informé ou non au préalable de l’agenda du Premier ministre, notamment la séance de travail de lundi avec Theresa May au 10 Downing Street? À cette question, les milieux informés se refusent de donner la moindre indication à ce sujet.
Du côté de Lakwizinn du PMO, qui avait pris ombrage des critiques de l’ex-ministre des Affaires étrangères au sujet de la croissance, l’on ne se garde pas pour faire comprendre que Pravind Jugnauth est tenu au courant des développements politiques et qu’à son retour durant le week-end « li pou fer seki bizin fer ». Ces mêmes sources ajoutent que « Vishnu est parti par la petite porte. Li kone ki ti pe atann li apre bann imper diplomatik et politik otour 12 mars ». Et cela sans apporter d’autres précisions.
N’empêche qu’en cours d’après-midi d’hier, Vishnu Lutchmeenaraidoo avait fait réunir les membres de son personnel en vue de les informer de sa démission en tant que ministre et en tant que membre de l’Assemblée nationale. Dans un premier temps, un flou a persisté, le président de la République par intérim, Barlen Vyapoory, refusant d’officialiser le départ de Vishnu Lutchmeenaraidoo du gouvernement, soit une ultime tentative à peine déguisée, lui demandant de réfléchir à nouveau.
D’ailleurs, cette initiative de Barlen Vyapoory dans la conjoncture a soulevé un tollé politique et constitutionnel dans les rangs de l’opposition. « Ce n’est pas le rôle d’un président de la République suppléant de remettre en question la décision d’un membre élu par le peuple. Il a commis un faux pas politique, surtout en une année de fin de mandat du gouvernement », fait-on comprendre.
« Même au cas où le président de la République par intérim tergiverse pour accepter la démission du ministre des Affaires étrangères, la lettre de démission en tant que membre de l’Assemblée nationale et soumise à la Speaker ne peut être escamotée. Cette lettre de démission est décisive. Il y a le précédent de Heeralall Bhugaloo après les élections générales du 21 décembre 1976. Barlen Vyapoory s’est inscrit en porte-à-faux par rapport à ses responsabilités constitutionnelles », devait soutenir, hier après-midi, Arvin Boolell.
Mais à 21 heures, hier, la State House devait émettre un communiqué officiel pour confirmer la démission et l’acceptation de cette Handwritten Resignation Letter du ministre des Affaires étrangères.
Depuis hier après-midi, les données par rapport au calendrier menant aux prochaines élections devront tenir compte des impératifs du Government Notice No 16 de 1987 portant sur les Representation of the People Regulations, soit
un délai de 15 jours à la Speaker de l’Assemblée nationale, Maya Hanoomanjee, pour le Written Notice sur le siège laissé vacant à l’Assemblée nationale, soit vers le 4 avril au plus tard;
un délai de 90 jours pour la publication par la State House du Writ of Election dans la circonscription de Piton/Rivière-du-Rempart, soit vers fin juin prochain;
un délai minimal de 15 jours ou maximal de 60 jours pour la tenue du Nomination Day de cette élection de remplacement, soit au cours de la première quinzaine de septembre;
et un minimum de 15 jours et un maximum de 90 jours après le Nomination pour le Polling Day, soit au plus tard le 16 novembre prochain en prenant pour point de départ le compte à rebours le 21 mars, soit hier.
Mais ce calendrier technique est sujet à modifications dépendant de la date à laquelle Maya Hanoomanjee donnera à la State House Written Notice de ce siège vacant. Au sein de Lakwizinn du PMO, l’on s’attarde à « market l’idée » que cette démission ne devrait pas influer sur le calendrier menant aux législatives. Mais le Government Business de cette échéance électorale devra être Revisited car dès le mois de septembre avec la date du Nomination Day fixée, la machinerie pour les législatives devra être enclenchée pour rendre caduque cette élection de remplacement.
« La double démission de Vishnu Lutchmeenaraidoo remet en perspective l’épisode des élections partielles aux Nos 12 et 13 en 1987, suite aux conclusions de la commission Rault sur la drogue et celle au No 10, avec le décès de Zeel Peerun en 2010. Les dates du dépôt de candidatures avaient déjà fait l’objet de Writ dans ces deux précédents cas. Toutefois, le Nomination Day fut annulé presque le même jour, le Premier ministre d’alors décidant de la dissolution de l’Assemblée nationale pour des législatives », confient des observateurs politiques avertis.
À ce jour, ce même mois de septembre 2019 est présenté comme crucial pour l’hôtel du gouvernement. Outre le Metro Express, la nouvelle chancellerie de l’Inde à Ebène, la New Supreme Court à la rue Edith Cavell et l’ENT Hospital, projets bénéficiant d’un apport financier de l’Inde, ont été Chalked pour être inaugurés à cette période avec des négociations entamées avec New-Delhi pour le déplacement d’un VVIP du gouvernement indien.
En tout cas, cette partie du Government Business lié à la tenue des prochaines élections générales pose un casse-tête sous le Code of Conduct de la Commission électorale même si le Budget Time de juin pourrait être maintenu. Du pain sur la planche pour Pravind Jugnauth à son retour durant le week-end…
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Xavier Duval : « Bon pour lui, bon pour le pays »
« C’est une décision qui surprend et qui ne surprend pas à la fois, en raison des humiliations subies par Vishnu Lutchmeenaraidoo depuis les élections générales. Il était dans les années 1980 l’architecte du miracle économique avec Gaëtan Duval. Par contre, depuis 2014, c’est le contraire qui s’est produit. Il a été humilié de jour en jour. À sa place, j’aurais quitté le gouvernement depuis longtemps. Cette démission, c’est bon pour lui et bon pour le pays. Je souhaite que les élections générales soient organisées au plus vite. »
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Ivan Collendavelloo : « Déception »
« Vishnu Lutchmeenaraidoo avait demandé de me rencontrer dans l’après-midi. Je l’ai reçu. Il m’a annoncé sa décision de démissionner du gouvernement et du Parlement. Nous verrons maintenant la suite des événements. J’aviserai aujourd’hui les collègues du cabinet de sa décision. Quant à savoir qui prendra la charge du portefeuille du ministère des Affaires étrangères, la décision n’avait pas encore été prise. C’est la prérogative du Premier ministre », a dit Ivan Collendavelloo, en précisant qu’après sa rencontre avec Vishnu Lutchmeenaraidoo, celui-ci a téléphoné au Premier ministre.
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Reza Uteem (président du MMM) : « Il doit donner des explications »
« Vishnu Lutchmeenaraidoo doit obligatoirement donner des explications sur les raisons qui ont motivé sa décision. Il ne peut pas se contenter de dire : “Enough is enough”. La population a le droit de savoir s’il a subi des pressions. Je voudrais par la même occasion déplorer la déclaration publique du président de la République par intérim à l’effet qu’il avait demandé à Vishnu Lutchmeenaraidoo de reconsidérer sa décision. Un président doit être au-dessus de la mêlée aux termes de la Constitution.
D’autre part, je m’interroge sur le “timing” de Vishnu Lutchmeenaraidoo. Il a choisi de démissionner alors que le Premier ministre n’est pas au pays, soit à la veille de la réunion du cabinet et à quelques jours de la rentrée parlementaire. Visiblement, cette décision affectera le gouvernement. Je me demande s’il n’a pas voulu, de cette manière, prendre sa revanche pour les humiliations qu’il a subies et pour avoir été mis sur la touche dans le cadre des dossiers qui le concernent directement, en particulier les Chagos. »
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Arvin Boolell : « Ti inevitab »
« Pa kapav tret enn minis koumsa ek otan mepri e so depar ti inevitab. Il n’a jamais été aux Nations unies. Il n’était pas en situation participative sur de nombreux sujets au sein du gouvernement. Il a été rabroué sur plusieurs démarches par le Premier ministre. Ce départ de Lutchmeenaraidoo est très calculé et il sort pour dire certaines choses. Il pourrait faire des dégâts considérables. L’électorat souhaite désormais des élections générales. Nous sommes presque au terme de ce mandat. Nous sommes passés en campagne électorale. »
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Alan Ganoo : « Pas d’autre choix »
« Vishnu Lutchmeenaraidoo n’avait d’autre choix que de présenter sa démission du gouvernement de Pravind Jugnauth après ses déclarations fracassantes sur la croissance. On se demande si l’ancien ministre des Affaires étrangères a choisi un moment où Pravind Jugnauth n’est pas au pays pour passer à l’acte. Le calendrier électoral est chamboulé et la campagne activée. »

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