ÉCOLOGIE : Pleine floraison pour l’amaryllis sauvage de Maurice

Les amateurs de jardinage connaissent les amaryllis pour leurs qualités ornementales et la beauté de leurs fleurs, mais il en existe une variété endémique de Maurice qui n’a rien à envier à ces espèces horticoles qui ont souvent fait l’objet de croisements et d’améliorations génétiques diverses. Le Crinum mauritianum est une plante rare, que les jardiniers respectueux de la nature ne manquent pas d’admirer. Leurs fleurs aériennes développent leurs atours de décembre à mars. En voie d’extinction, cette plante a pu cependant être multipliée grâce à l’attention et aux soins que lui ont apportés botanistes et responsables du service de conservation depuis 1973.
La plante à bulbe Crinum mauritianum, fait partie de ces espèces endémiques à Maurice qui ont été sauvées de justesse. Elle a été décrite sommairement pour la première fois et peinte en 1822, par Conrad Loddiges dans un ouvrage intitulé « Botanical Cabinet ». Ce travail a pu être fait grâce à des bulbes qu’avait rapporté le Dr Thompson de « l’Isle de France ». Le naturaliste écrivait alors que cette amaryllis pouvait atteindre trois ou quatre pieds de hauteur, que les feuilles étaient nombreuses et très lisses, que les fleurs relativement petites par rapport à la taille de la plante s’épanouissaient au printemps et qu’elles donnaient des graines bulbeuses qui permettaient de les reproduire. Il précisait qu’un sol composé de terreau, de tourbe et d’une petite proportion de sable était idéal pour les cultiver.
Pendant cent cinquante ans, cette plante n’a plus jamais été signalée dans les archives de la botanique tropicale et mauricienne, jusqu’à ce qu’un jour, Joseph Guého et deux collaborateurs en retrouvent en juin 1973 à Midlands. Ces survivants s’épanouissaient dans un sol boueux sur les rives d’un marais peu profond aux eaux calmes, à l’emplacement qui a ensuite été identifié pour le projet de réservoir artificiel de Midlands. Les botanistes ont alors donné la première description scientifique complète du Crinum mauritianum, réalisée qui plus est à partir de plants poussant naturellement, dans leur milieu de prédilection. La localisation de cette niche écologique a été précisée par la suite par Jean-Claude Sevathian de la Mauritius Wildlife foundation, près d’une tour érigée pour contrôler le flux d’eau destinée au futur réservoir.
Culture et restauration
Relativement grosses (2,5 cm), les graines du Crinum mauritianum donnent un bulbe imposant (10 à 12 cm de diamètre) qui sort naturellement de terre, la base de la plante pouvant être immergée dans le sol humide jusqu’à environ 25 cm de profondeur. Étroites, les feuilles forment un bouquet d’arcs turgescents. En plein épanouissement, chaque fleur présente une structure comparable à certains feux d’artifice. Aérienne et délicate avec ses huit hampes, elle fait la joie des amateurs. De couleur blanche, elle porte des liserés violets et des nuances de jaune en différents endroits.
Des graines ont été récoltées et à partir de 1976, ce qui a permis de cultiver la plante dans des jardins privés. Quelques spécimens en ont été introduits dans la réserve naturelle de Perrier près de Mare-aux-Vacoas, puis dans les années 2000, comme les graines flottent aisément, elles ont pu essaimer le long de la rivière qui traverse cette réserve, permettant à plusieurs plants de s’y développer… La construction du réservoir artificiel de Midlands a comme prévu entraîné la disparition des Crinum mauritianum que Joseph Guého avait découverts. Heureusement, une fois que les travaux ont été achevés, des plants ont été réintroduits avec succès, s’épanouissant, donnant des fleurs et se propageant ensuite tout à fait naturellement. D’autres plants ont aussi été introduits dans les réserves de Mont-Vert et de Pétrin.
Puis en mars 2008, Kersley Pynee, botaniste à l’herbier de Maurice, a découvert toute une population de plus de cent spécimens sur les rives de la Grande-Rivière-Sud-Est à côté de la cascade Diamamouve, dans une zone à la végétation pourtant dégradée. Mieux encore : en décembre 2011, Armand Le Court de Billot en a trouvé une population dont il a estimé le nombre à environ mille plants au Domaine de Lagrave, à côté d’Eau-Bleue. Ces derniers semblent avoir poussé naturellement pour beaucoup dans des touffes d’herbe dont les cerfs se nourrissent, à la lisière des forêts et dans des espaces marécageux entourés de plusieurs ruisseaux.
Dispersion océanique
Les écologues voient plusieurs explications possibles au fait que l’on ait retrouvé les derniers Crinum mauritianum naturels dans des zones humides. Sans doute est-ce d’une manière générale un bon habitat mais il se peut aussi qu’ils aient survécu dans ces endroits à cause de leur principal prédateur, l’escargot géant d’Afrique (Lissachatina). Particulièrement envahissant et bien connu dans les cours et jardins mauriciens, cet escargot de terre exotique est un piètre nageur ce qui l’empêche d’accéder aux lieux protégés par l’eau courante ou stagnante. Lorsqu’ils sont mis en culture, ces magnifiques amaryllis sont souvent attaquées par un papillon de nuit, du moins par sa chenille, qui mange l’intérieur charnu des feuilles et peut détruire la plante en un rien de temps.
Une étude en 1930 a démontré que les graines de toutes les espèces du même genre (Crinum) ont tout à fait pu se disperser grâce aux courants océaniques entre les continents d’Asie, d’Australie et d’Amérique. En 2001, l’étude de l’ADN et des caractéristiques morphologiques des amaryllis du genre Crinum a aussi amené une nouvelle classification et réduit le nombre d’espèces inventoriées à soixante-cinq, alors qu’on en recensait plus de cent-vingt jusqu’ici. Sept espèces d’amaryllis Crinum endémiques existent à Madagascar, tandis que l’île d’Anjouan, comme Maurice, en compte une, la Crinum hildebrandtii, qui ressemble à la variété mauricienne. Certains documents situent le Crinum mauritianum comme une plante endémique à Madagascar à cause d’une erreur véhiculée par un article scientifique consacré à la phylogénie des Crinum d’Afrique tropicale.

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