(Economie) Commerce de fin d’année : grise mine dans la capitale

  • Baisse du chiffre d’affaires de l’ordre de 40% enregistrée par rapport à l’année dernière

Alors qu’ils gardaient espoir d’une reprise de leurs activités, surtout en cette période de fin d’année, grâce au boni octroyé aux employés, au salaire minimum et à l’augmentation de la pension de vieillesse, les affaires vont mal pour les commerçants de la capitale. Ils notent que les Mauriciens « réfléchissent plus avant d’acheter aujourd’hui ». La concurrence est aussi rude sur le marché et les produits importés de Chine affectent grandement leurs revenus.

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L’une des rues les plus fréquentées de Port-Louis à partir de décembre est la rue Corderie. Plusieurs magasins spécialisés dans la vente de vêtements, de tissus et de rideaux, entre autres, avaient tout ce qu’il fallait en stock pour répondre à la demande des clients. Mais cette demande « n’est plus la même », constate Jérôme Rouxelin, qui travaille depuis cinq ans au magasin Bon Accueil. « Nous travaillons un peu moins qu’auparavant. Notre magasin est spécialisé dans la vente de tissus pour la confection de rideaux. Mais nous notons une chute dans nos activités avec les rideaux tout prêts », note-t-il. Selon lui, les gens aujourd’hui cherchent ce qui est « facile et moins cher ».

Pour cet employé, c’est difficile de lutter contre une telle situation. Concédant que le prix des rideaux tout faits est plus bas que les tissus qu’il vend, la qualité, dit-il, est par contre « différente ». Le magasin dépend de sa fidèle clientèle de Maurice et de La Réunion et apporte de nouveaux modèles de tissus pour que le client ait une large gamme de choix. D’ailleurs, des visites sont effectuées en Chine pour trouver ces nouveautés. Selon lui, c’est à partir du 15 décembre que le magasin a commencé à enregistrer une augmentation dans le nombre de clients. Pour le premier dimanche qu’il travaille, peu de mouvement est noté dans ce magasin âgé de plus de 40 ans.

Âgé de 22 ans, Hevin Choytun dirige le magasin Noor, spécialisé dans la vente de vêtements pour homme et femme. Il constate toutefois une baisse graduelle dans ses affaires depuis quelques années. « Le pouvoir d’achat continue de chuter. C’est uniquement à partir de samedi que nous avons remarqué une reprise. Pourtant, les retraités ont eu le double de leur pension, mais nous voyons l’impact que nous attendions. Nous nous voyons ainsi dans l’obligation de baisser notre volume de marchandises pour que nous puissions vendre nos produits. Mon chiffre d’affaires a chuté de 30% à 40% par rapport à 2018 », dit-il.

La concurrence est devenue tellement rude sur le marché qu’il est aussi crucial de baisser les prix pour attirer les clients. « Même pour un produit de Rs 200, on me demande si je peux baisser le prix », ajoute-t-il. D’ailleurs, l’un des moyens utilisés pour que les clients restent est l’offre d’une carte de fidélité, qui offre une remise sur le prochain achat. Il « regrette » de même qu’il n’y ait « aucune amélioration » au niveau du climat des affaires après les élections.

Elle croit que la tendance continuera de « baisser », soutenant que son magasin ne vend plus les vêtements de marque qu’il fabriquait dans son entreprise. « J’achetais mes tissus dans les grandes entreprises locales et je fabriquais des chemisiers et des robes, entre autres, mais à cause d’un manque de soutien, j’ai dû fermer l’entreprise », regrette-t-il. Ce manque de soutien, il le remarque aussi avec les banques, qui demandent une garantie avant d’octroyer un prêt.

Hevin Choytun déplore que sa situation va de mal en pis. Le salaire minimal, même s’il est une « bonne chose » pour les employés, met à mal les commerçants. S’il ne payait que Rs 840 la NPF pour ses employés, il doit aujourd’hui débourser Rs 1 260 alors que ses activités se dégradent d’année en année. « J’avais 14 employés dans le passé. J’ai dû me séparer de dix d’entre eux et il ne me reste que quatre en ce moment. Je ne peux rien faire, je dois continuer à faire rouler mon entreprise », soutient ce jeune homme. Il dit préférer augmenter le salaire de ces quatre au lieu de recruter une nouvelle personne qui ne fera rien durant les temps morts. Selon lui, les nouvelles lois du travail « font encore du tort aux employeurs », car certains hésiteront à recruter.

Hésitation notée chez les Mauriciens

Dimanche après-midi, les rues de Port-Louis grouillaient de monde pour les derniers achats. Ils sont plusieurs à avoir fait le déplacement de différentes régions pour effectuer leurs derniers achats avant la Noël. Mais les achats ne doivent pas coûter cher. Il faut garder son argent, car le mois de janvier est « long ». Une habitante d’un village du nord, accompagnée de sa mère, a dû trouver du temps pour ses achats. Travaillant toute la semaine, elle soutient que le facteur déterminant dans ses achats est le prix. « Je ne peux pas acheter trop de choses et trop me faire plaisir. J’achète uniquement ce qu’il faut et je parcours les différents magasins pour voir où c’est moins cher », avance-t-elle.

La raison est qu’elle travaille dans une entreprise en difficulté financière et son salaire n’a jamais été augmenté. Elle dit devoir attendre la compensation du gouvernement pour qu’elle voie au moins une petite augmentation. La situation n’est aussi pas différente pour une sexagénaire qui faisait aussi ses derniers achats. Même si elle a obtenu le double de la pension de retraite, « il faut savoir gérer son argent et ne pas acheter ce qui est cher sinon on court le risque de n’avoir aucun sou à la rentrée de janvier ».

Spécialisé dans la vente de chaussures pour hommes, dames et enfants, le magasin SSS Shoes doit se battre contre vents et marées pour continuer ses activités. « Nous avons noté un léger mouvement à partir de samedi dernier. Mais ce n’est plus comme auparavant. La vente n’est plus pareille. Les gens n’achètent plus comme auparavant », constate Saida Sandookhan, propriétaire du magasin. Important ses produits surtout de Chine, elle vend aussi des chaussures copiées sur des modèles connus, car « les gens en cherchent ». Elle doit ainsi répondre à la demande du client. Mais pour que ces chaussures se vendent, elle avance que le prix est un facteur déterminant. « Nos prix varient dans la fourchette de Rs 250 à Rs 950. Nous ne pouvons vendre plus cher sinon nous n’aurons personne. Certaines personnes ne veulent pas acheter des chaussures qui dépassent les Rs 300 », dit-elle. La propriétaire avance que le marché est « très compétitif » mais ne s’oriente pas vers d’autres activités.

La situation est aussi mauvaise pour le magasin Season’s Shop, qui vend principalement des fleurs et des objets de décoration pour Noël. Selon Sanjay Beeharry, les marchands ambulants « ont gâché le travail des commerçants ». La compétition, dit-il, est ainsi devenue féroce et le fait que ce que recherchent les clients est obtenu dans la région où ils habitent, ils ne se déplacent plus. Mais heureusement pour ce commerçant, ses clients fidèles sont toujours présents.

Son observation sur la manière d’acheter des Mauriciens ? Il constate que ces derniers réfléchissent plus avant d’acheter contrairement à avant. Étant donné que plusieurs de ses produits n’ont pas été vendus l’année dernière, il reste prudent sur la quantité de produits à importer pour ne pas les conserver pendant plusieurs années. Parlant de l’avenir, il craint que ses activités ne chutent davantage.

Dans un autre magasin de Port-Louis, Imteaz Nuseeb sait comment garder sa clientèle. Il vend des vêtements qu’il fabrique dans un magasin et d’autres vêtements qu’il importe principalement de l’Inde. Le prix qu’il pratique fait de son magasin un lieu qui attire les clients. « Les gens achètent un peu plus, surtout les personnes âgées. Nous avons noté qu’ils ne demandent pas à baisser le prix et achètent ce qu’ils veulent », constate ce commerçant, dont le magasin a pour nom Fashionista. Selon lui, ce sont plutôt les personnes âgées qui ont acheté le plus dans son magasin. Contrairement aux autres commerçants, il ne se plaint pas, car les produits qu’il expose dans son magasin sont « des nouveautés ».

Tout comme lui, Marzhar Nazir, propriétaire du magasin Nazir, a noté une augmentation dans le nombre de clients à partir de novembre. Pour être prudent, il avait déjà passé ses commandes depuis avril pour que ses clients aient ce qu’ils recherchent. Spécialisé dans la vente de tissu, il croit que le nom du magasin continue d’attirer les clients. « Les gens savent que nous avons une variété de tissu respectant toutes les bourses », dit-il. Si les affaires vont bien en ce moment, il ne cache pas qu’une baisse est aussi notée étant donné le prix de tissus.

Si le chiffre d’affaires tourne toujours autour de Rs 100 000 mensuellement, il constate que cela « n’est pas normal », car auparavant le prix du tissu n’était pas si cher. Si on vendait plus de tissus, on arrivait à Rs 100 000. Mais aujourd’hui, il constate que si la quantité de tissu n’est pas vendue comme espéré, le chiffre d’affaires est le même. « La somme aurait dû être plus, car le prix du tissu a augmenté », note-t-il. Si le prêt-à-porter est un facteur qui affecte les magasins de tissus, il croit qu’il existe toujours ceux qui achètent du tissu pour confectionner leurs vêtements. Mais aller vers le prêt-à-porter est à l’agenda de ceux qui prendront le relais du magasin.

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