ÉCONOMIE — Échanges commerciaux — Brexit: Entre assurance avec l’EPA et les craintes d’un ralentissement en GB

  • Les yeux rivés sur le “deal” que bouclera Boris Johnson avec l’UE avec la crainte d’un “Hard Brexit”
  • La Worker’s Rights Act fait plus peur que le Brexit
  • Appréhensions dans l’hôtellerie avec une majoration de la masse salariale de 10%

La sortie officielle de la Grande-Bretagne de la zone euro est confirmée. Cette « visibilité » autour du Brexit, dont dispose désormais Maurice depuis la victoire de Boris Johnson aux élections changera-t-elle les choses pour l’économie locale ? Les opérateurs donnent leur avis.

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Le Brexit pourrait-il affecter la performance économique de Maurice ? Les choses pourraient être difficiles dans le secteur manufacturier mais dans le tourisme et le secteur financier, on est moins alarmiste. Selon certains observateurs, le pays sera certainement affecté par le Brexit qui pourrait faire chuter la demande des Britanniques pour les produits et services.

Pour l’économiste Swadicq Nuthay, dans le fond rien ne change puisque Maurice a déjà signé un “Economic Partnership Agreement” avec le Royaume-Uni en janvier dernier, lequel « will provide predictability and legal certainty to Mauritian operators exporting to the UK, independent of any UK-EU Brexit outcomes », selon le communiqué du ministère des Affaires étrangères. Donc il n’y a pas de crainte concernant notre accès préférentiel sur le marché britannique. « Grâce à notre EPA signé en janvier, nos exportations vers la Grande-Bretagne seront toujours “duty free” et “quota free”, donc nous aurons toujours des bénéfices, cela ne changera pas », dit l’économiste.

Par contre, ce qu’il craint le plus ce n’est pas le Brexit en lui-même mais le ralentissement économique au Royaume-Uni. Car le ralentissement économique risque de perdurer pendant quelques années et va « impacter la demande des Britanniques ». Plusieurs études ont d’ailleurs démontré que l’économie britannique sera bel et bien affectée. Et Swadicq Nuthay de préciser : « Tout va dépendre de quel genre de Brexit on aura. Car à ce jour, l’étendue de l’impact du Brexit sur l’économie britannique est un “unknown factor”. Ce que l’on sait par contre, c’est qu’en cas de “Hard Brexit”, l’économie britannique sera affectée de plein fouet ; mais à ce jour l’incertitude plane, tout dépend comment Boris Johnson va négocier son accord avec l’UE. Mais ce n’est dans l’intérêt de personne d’avoir un “Hard Brexit”. »

Quoi qu’il en soit, la baisse de la demande sur le marché britannique aura certainement un impact sur nos exportations déjà en baisse. Le secteur manufacturier déjà “substantially diluted” risque de payer le prix fort, dit un opérateur privé. « La demande va baisser. Il ne faut pas oublier que la Grande-Bretagne est l’un de nos principaux partenaires économiques et l’un de nos principaux marchés d’exportation. Il est aussi l’un de nos principaux marchés émetteurs de touristes », poursuit Swadicq Nuthay, qui craint que si jamais le pays de sa Majesté ne décroche pas un accord convenable avec l’Europe, « ça risque de se corser ».

Déjà actuellement, l’économie britannique est en fâcheuse posture, avec une croissance en berne et des investissements en déclin. La croissance de l’économie britannique a ralenti plus que prévu au troisième trimestre pour tomber, en rythme annuel, à son plus bas niveau depuis près de dix ans. Car le ralentissement économique mondial et les inquiétudes sur le Brexit ont impacté les investissements des entreprises et le secteur manufacturier. Le produit intérieur brut britannique a augmenté de 0,3% sur la période juillet-septembre, une performance inférieure aux prévisions de la Banque d’Angleterre (BoE). Alors que la Grande Bretagne était l’économie la plus performante du G7 avant le Brexit.

D’autres observateurs, eux, sont plutôt cyniques. « Maurice s’est-elle réellement bien préparée pour affronter les effets du Brexit sur notre économie ? » demande l’un. « Cela fait deux ans qu’on parle de Brexit. Ce n’est pas une surprise. On a eu suffisamment de temps pour se préparer. On a dit et répété qu’il fallait diversifier et chercher d’autres marchés. Que vous dire de plus ? » répond un autre.

Par ailleurs, concernant l’évolution de la livre sterling dans les prochains semaines et mois, c’est mystère et boule de gomme… Là encore, tout dépendra du deal que négociera Boris Johnson avec l’Union européenne. « Ce deal sera le facteur déterminant », observe Swadicq Nuthay. À ce jour, la monnaie britannique a évolué différemment. Après avoir plongé littéralement pendant plusieurs mois, elle a repris l’ascenseur. Lundi, elle s’échangeait à Rs 48.82, alors qu’elle était descendue très bas, sous la barre de Rs 43 (plus précisément à Rs 42.98) en août dernier. Mais depuis le 11 octobre, la livre a repris une courbe ascendante.

Dans le secteur financier, les avis divergent sur l’impact du Brexit. Cela pourrait être bénéfique pour Maurice, argue le responsable d’une management company. « Cela pourrait être positif pour nous que la Grande-Bretagne se sépare de l’euro car c’est l’Union européenne qui met la pression sur notre centre financier », argue-t-il. « La Grande-Bretagne sera peut-être tentée de défendre ses territoires comme les British Virgin Islands et tous les territoires du Commonwealth, dont fait partie Maurice », ajoute cet opérateur.
Dans le secteur touristique, le Brexit ne fait plus autant peur qu’avant et on n’est pas inquiet outre mesure. Un hôtelier estime que « le pire est passé », car la période de plus grande incertitude est derrière nous. « Maintenant qu’on a une confirmation du Brexit, l’incertitude a baissé et les Britanniques pourront planifier leurs vacances », dit-il. « Avec une victoire claire et nette de Boris Johnson, le Brexit en janvier est une certitude. Je pense que les Britanniques sont désormais plus sereins et pourront “move on” », dit cet hôtelier.
Par ailleurs, nullement inquiet sur le ralentissement de l’économie britannique qui pourrait refréner les ardeurs des Britanniques en matière de voyage, il estime que l’Europe dans son ensemble connaît un ralentissement et que la situation en Allemagne (autre important marché émetteur pour Maurice) « est plus compliquée qu’en Grande-Bretagne ». Le directeur financier d’un établissement hôtelier explique, lui, que le plus gros souci dans le secteur à l’heure actuelle est loin d’être le Brexit mais plutôt la…Worker’s Rights Act. « C’est une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes, surtout pour nous hôteliers qui travaillons avec des “shift system”. C’est un gros impact financier que nous aurons à absorber. » Et de poursuivre : « Ce genre de hausse dans nos coûts d’opération ne peut être passé aux clients, d’autant que le secteur est déjà dans une phase délicate en ce moment. »

Interrogé sur l’impact de la Worker’s Rights Act, il déclare que « cela va faire grimper notre masse salariale de 10% ». Ce haut cadre hôtelier estime que si le gouvernement veut améliorer la situation des travailleurs, ce n’est pas mauvais en soi, mais que parallèlement « il doit bouger pour stimuler les marchés et redynamiser les marchés asiatiques, notamment où l’on a supprimé trois vols ». Une décision qui a d’ailleurs provoqué l’effondrement du marché chinois.

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