Économie et Finances : le casse-tête post-budget des investissements

Les dernières National Accounts Estimates prévoient une régression de la croissance des investissements de 4,7% en 2017 à 2,9% cette année, avec une contraction de 3,6% pour le privé

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Avec un taux de chômage annoncé sous la barre des 7%, MCB Outlook rappelle que la “Total Labour Underutilisation” représente 7% de la population active, soit 165 300

L’endettement de la construction, moteur de la croissance économique, titille la barre des Rs 100 milliards, soit un peu plus de 25% des crédits bancaires au secteur privé

En marge de l’adoption du Budget 2018/19, la réalité des chiffres contraste avec la teneur des discours officiels sur l’économie. Dans les projections publiées en fin de semaine dans la dernière édition des National Accounts Estimates de Statistics Mauritius aussi bien que dans la 73e édition de MCB Focus, consacrée au Post-Budget Outlook, les prévisions sont que des nuages se profilent à l’horizon économique.

L’un des indicateurs économiques des plus critiques demeure la tendance des investissements. Et, de ce point de vue, les données compilées et analysées par Statistics Mauritius indiquent un refroidissement du moteur, avec un taux de croissance de 2,9% des investissements en 2018 contre 4,7% l’année dernière. Mais le plus inquiétant concerne les investissements privés affichant une décroissance de 3,6% contre une robuste progression de 7,3% l’année dernière. Evidemment, en tenant compte des chantiers, comme le Metro Express ou le Road Decongestion Programme, les investissements publics se mettent à l’avant-plan avec un rebound de 23,7% contre un déclin de 2,9% l’année dernière.

Toutefois, la zone d’ombre au tableau se résume en un endettement s’approchant dangereusement de la barre des Rs 100 milliards pour l’industrie du bâtiment au guichet de l’allocation des crédits bancaires au secteur privé, dont le portefeuille était de 365 milliards à la fin de mai. Si au tableau de l’évolution du chômage, l’Hôtel du gouvernement peut prétendre faire preuve de satisfaction quant au taux descendant sous la barre des 7% cette année, le Chief Strategy Officer du MCBGroup, Gilbert Gnany, tire la sonnette d’alarme sur le mismatch beetween labour demand and supply avec 7% de la population active affectée par ce phénomène dans le monde du travail.

D’un point de vue général, Statistics Mauritius confirme que pour la présente année, l’investment rate dans l’économie sera de 17,2%, soit légèrement inférieur à la performance enregistrée l’année dernière. Comme le souligne Gilbert Gnany dans MCB Focus, ces 17% sont très loin du seuil nécessaire pour réaliser les ambitions de Maurice visant à intégrer la catégorie des high income economies. « A close look at macroeconomic forecasts unveiled by the authorities indicates that the overall performance of the Mauritian economy would improve only moderately in future periods. For instance, in spite of gradually increasing, the ratio of gross fixed capital formation to GDP would still remain below the 20% threshold, which is several percentage points below the level that is deemed necessary to satisfactorily achieve the country’s socio-economic ambitions», fait-il comprendre sans amabages.

Une analyse détaillée des investissements en 2018 indique que du côté du secteur privé, il faudra s’attendre à une baisse de l’ordre de 3,6%, soit quasiment la moitié du taux de 2017, qui était de 7,3%. Par contre, les prévisions de Statistics Mauritius laissent voir une nette reprise des investissements publics de 23,7% après avoir connu un déclin de 2,9% en 2017. Avec les effets d’accordéon, la part du secteur public dans les investissements devra progresser de 23,7% à 28,5%, alors que le privé descendra à 71,5% contre 76,3%.
Sur le plan sectoriel, il va de soi que bénéficiant des retombées des différents chantiers en opération, la construction se taillera la part du lion avec une croissance à deux doigts de la double-digit growth, soit exactement 9,8% après les 6,8% de l’année dernière. La filière de la construction résidentielle se maintiendra dans la zone rouge et connaîtra une nouvelle décélération plus prononcée de la croissance de 5,7% comparativement à l’année dernière.

S’agissant de la construction résidentielle, un ralentissement quasi net devrait se faire sentir, soit de 12,8% contre 27,5% l’année dernière. Le segment des Other Construction Works aura le vent en poupe aeu égard à la progression des travaux du Metro Express et du volet du Road Decongestion Programme, atteignant les 37,7%, soit un peu moins de six fois la performance de l’année dernière.
Investissements en berne

Même si le gouvernement s’est donné comme objectif prioritaire le réarmement industriel de l’économie, les investissements privés semblent ne pas vouloir suivre le pas. Les investissements dans les biens d’équipements et autres machineries seront en berne avec une baisse de 8,9%, alors que l’année dernière, la croissance de cet indicateur n’a été que minimale.

Pour sa part, MCB Focus maintient que le taux des investissements dans l’économie est encore loin d’être porteur de cette croissance économique durable escomptée même si l’investment rate prévu de 17,7% est plus optimiste que celui de Statistics Mauritius. « On balance, public sector investment is anticipated to register a double-digit expansion rate this year, thus providing a boost to GDP growth. Consequently, the share of public sector investment to GDP would increase by 70 basis points to stand at 4.8%. This would contribute to the national investment ratio improving to 17.7% of GDP. While this evolution can be positively viewed per se, this metric continues to lie several percentage points underneath the level advocated to foster high and sustainable activity and job creation”, fait ressortir Gilbert Gnany en ajoutant avec un coup de griffe que “whereas the extensive line-up of projects makes for interesting reading, it is important to factor in their sizeable import content. In addition, while project implementation delays have been noted in some cases, it can be concurred that several large-scale undertakings would take time to influentially pan out in coming months, partly due to their relative technical complexity and sophistication. »

Taux de chômage: des conclusions plus nuancées
Au revers de la médaille se dessine l’endettement massif de l’industrie de la construction. Les dernières données publiées sur le Website de la Banque de Maurice révèle que ce dernier secteur d’activités économiques était endetté à hauteur des Rs 98 milliards, dont Rs 85,6 milliards sous forme d’emprunts directs. Ce montant représente un peu plus de 25% des crédits bancaires alloués au secteur privé.

Cet endettement, qui est appelé à progresser au-delà des Rs 100 milliards au tout début de l’exercice financier en cours, dépasse largement les Rs 54 milliards octroyées aux opérateurs du Global Business Sector, sujet à des réformes en profondeur, et les Rs 42,7 milliards du tourisme, avec l’Association des Hôteliers et Restaurateurs de l’Ile Maurice (AHRIM) et le ministre du Tourisme, Anil Gayan, à couteaux tirés.

De son côté, l’accalmie sur le front du taux de chômage ne peut en aucun cas dissimuler le problème structurel du mismatch dans le domaine de l’emploi. Statistics Mauritius anticipe que le taux de chômage descendra sous la barre ds 7% cette année, soit 6,9% avec la création de 7 000 emplois. Des 41000 sans-emplois enregistrés à la fin du premier trimestre, 18 000 sont des hommes et 43 300 sont des femmes. Au moins un sur deux chômeurs enregistrés est âgé de moins 25 ans et sensiblement la même proportion ne détenant même pas de School Certificate.

Toutefois, la lecture du MCBGroup des statistiques relatives au monde du travail débouche sur des conclusions plus nuancées. “The nationwide unemployment rate is anticipated to edge down further to attain 6.9% this year, as compared to 7.1% in 2017. Yet, beyond this headline figure, apprehensions subsist concerning the inherent efficiency of labour markets, while the country’s ability to address structural rigidities and boost net job creation on a sustained basis continues to call for close scrutiny”, rappelle le Chief Stategy Officer dans son analyse.

Approfondissant le diagnostic, MCB Focus se concentre sur le Ratio of Total Employment to the Working Population de l’ordre de 55% et rappelle que la Total Labour Underitilisation est de l’ordre de 165 300. “This figure, which accounted for 17% of our working age population last year, warrants consideration insofar as it reflects the level of mismatch that exists between demand and supply of labour within the economy. Overall, the afore-mentioned trends and dynamics are viewed as quite worrisome to the extent that they tend to expose the country to a relative deficiency of labour inputs and a lack of intellectual capital compared to what it could potentially have afforded”, met en garde le Chief Strategy Officer du MCBGroup en situant l’urgence de trouver des solutions aux imperfections du marché du travail et de résoudre les problèmes du chômage chez les femmes et les jeunes…

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