Économie et finances : le secteur financier dans la tourmente

Le secteur de la haute finance, celui des banques commerciales ou encore du global business sector, s’enfonce de plus en plus dans la tourmente. Une dernière affaire de risky exposure de l’ordre de Rs 3,5 milliards d’une importante enseigne bancaire locale lors d’un deal avec un consortium kenyan, omniprésent dans la région, y compris à Maurice, secoue le banking world local aussi bien que l’hôtel du gouvernement, compte tenu des ramifications. Jusqu’à tout récemment, ceux dont les têtes pourraient être tomber dans le dénouement de ce scandale financier avaient pu assurer un contrôle sans faille sur les détails de ce dossier.

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Toutefois, la convocation d’une réunion d’urgence de l’Audit Committee de la banque vendredi matin a eu pour effet que le cover-up initial s’écroule. Les demandes d’explications et d’éclaircissements, que ce soit de la Banque de Maurice, du conseil d’administration de la banque et de l’Hôtel du gouvernement, se font de plus en plus exigeantes, surtout à la veille de la présentation du budget 2018-19 par le Premier ministre et ministre des Finances, Pravind Jugnauth. Comme pour corser l’addition, la Financial Services Commission n’est pas encore arrivée à conjurer le sort avec la NMH Saga et une OPA (offre publique d’achat) avortée à la mi-février 2016 pour ouvrir la porte du contrôle du groupe Beachcomber à ENL des frères Espitalier-Noël. En fin de semaine, Sunnystars Resorts Holdings Ltd, qui affirme avoir subi des préjudices avec ce move du groupe ENL, est revenu à la charge avec une formal notice à la Financial Services Commission réclamant des comptes au sujet de son communiqué du 10 novembre 2017 exonérant les protagonistes de ce take-over bid de toute infraction criminelle aux Securities (Takeover) Rules dans cette affaire.

Dans la conjoncture et après les délibérations de l’Audit Committee de vendredi main, la direction d’une banque commerciale marche sur des charbons ardents avec l’imminence du déclenchement de l’opération « Pa Barré » de la Banque de Maurice en collaboration avec les auditeurs externes au sujet de facilités bancaires de Rs 7 milliards, dont Rs 3,5 milliards non couvertes par des pledges à toute épreuve. Ainsi, des sources bien informées dans le secteur bancaire avancent que des officiels du Supervision Department de la Banque centrale s’apprêtent à débarquer en début de semaine au QG de cette banque en vue de recouvrer tous les dossiers relatifs à cette ténébreuse affaire pour une inspection sous les dispositions de la Banking Act.

Mais, déjà, deux des Top Guns, dont une majorité a été “importée” d’une autre banque et qui sont impliqués jusqu’au cou dans les procédures pour accorder ces facilités bancaires à ce consortium kenyan, savent qu’il existe la possibilité que leurs jours en tant que fit and proper persons dans le secteur bancaire sont comptés. Leurs noms sont cités par des insiders de la banque. Ces mêmes sources soutiennent que la direction de la Banque de Maurice est déjà en présence d’un volet de ce scandale avec un price tag de Rs 3,5 milliards, alors que la banque a eu recours aux services d’un consultant externe ayant déjà exercé professionnellement à la Standard Chartered Bank pour des vérifications des opérations sous le Banking Segment B.

Les auditeurs externes de la banque auraient déjà averti les autorités, dont le régulateur des banques, de zones d’ombre en ce qui concerne l’évaluation des assets de ce conglomérat, dont l’ambition économique était de dépasser les bornes des champs de cannes pour s’aventurer dans d’autres projets plus luxueux, tout en étant omniprésent dans cette partie d’Afrique. Lors d’un exercice de vérification des transactions, dont celle de Rs 7 milliards vu l’envergure de cet engagement financier, ces auditeurs auraient remarqué que des « cooked figures » faisaient partie de cette évaluation fabriquée et attribuée à leurs partenaires en Afrique de l’Est. Ces derniers contestent officiellement avoir été engagés dans un tel exercice sur les assets du consortium.

D’aucuns soutiennent que « cette évaluation des avoirs de ce groupe soumise à la banque ne reflète nullement l’état des lieux. » La Banque de Maurice et la direction de la banque ont déjà été averties par les auditeurs locaux de cet impair professionnel. En guise d’explications, le consortium a tenté de faire son Chief Finance Officer assumer la responsabilité de cette “bévue” au sujet de l’évaluation des avoirs. D’ailleurs, ce haut cadre kenyan aurait été appréhendé par les autorités de son pays suite à des allégations de chantage portées par le consortium.

Des recoupements d’informations indiquent que lors de son audition au Kenya, le Chief Finance Officer aurait fait des révélations au sujet des pratiques comptables adoptées par le consortium en vue de pouvoir tirer profit en termes d’évasion fiscale au Kenya. Du côté de la société d’auditeurs externes de la banque, l’on évite de faire des commentaires sur cette affaire. Cette évaluation des assets devait servir de pledge pour un montant de Rs 3,5 milliards car l’autre moitié des facilités bancaires de Rs 7 milliards était garantie par des dépôts en dollars américains du groupe dans cette même banque. Le montant trafiqué des assets devait servir de garanties pour couvrir ce risky exposure.
Toutefois, le volet portant sur la garantie en dépôts fixes en dollars US contre les Rs 3,5 milliards est également entaché de zones d’ombre. Ainsi, l’Audit Committee de la banque a pris note de l’existence de deux versions de la letter of facility de la banque au consortium. Dans l’une d’elles, mention est faite du montant des dépôts fixes à la banque et, dans l’autre, il n’y a aucune trace de ce détail crucial sous les prudential measures préconisées par la Banque de Maurice.
Casse-tête

À ce stade, les responsables de la banque qui ont assuré la supervision de ce deal soutiennent que la seconde letter of facility sans mention du montant des dépôts bancaires a été émise à la demande expresse du client, qui ne voulait pas que les autorités au Kenya soient informées de ces importants transferts à Maurice pour des besoins fiscaux. Ils s’appesantissent sur le fait qu’avec le libellé de la première lettre, les intérêts de la banque sont sauvegardés. Mais à la Banque de Maurice de décider au terme de son inspection de déterminer si de telles pratiques bancaires sont acceptables et recommandées au titre de due diligence ou encore de la lutte contre l’évasion fiscale transfrontalière, d’autant que l’Organisation de la Coopération et du Développement économiques (OCDE) veille au grain à ce chapitre.

Au minimum, les réprimandes du régulateur, piloté par le First Deputy Governor de la Banque de Maurice, Renganaden Padayachy, si ce n’est le conseil d’administration de la banque, à l’encontre des auteurs de ces écarts ne devront pas manquer, ce sandale étant suivi de près par le personnel vu la proximité évidente de ces Top Guns avec les principaux actionnaires kenyans. Un détail qui fait le tour des couloirs de la banque porte sur la présence d’au moins quatre hauts gradés de la banque à un mariage de princesse organisé à Dubaï récemment par des membres de la famille kenyane.

Par ailleurs, la fin de la semaine a été encore plus compliquée pour le même First Deputy Governor de la Banque de Maurice, qui porte également le chapeau de Chairman de la Financial Services Commission. Ainsi, Renganaden Padayachy est ciblé dans une formal notice logée par Sunnystars Resorts Holdings Ltd en Cour suprême vendredi dans l’affaire de l’OPA avortée de New Mauritius Hotels Ltd, avec le groupe ENL assurant le contrôle depuis la mi-février 2016. La nouvelle version de la New Mauritius Hotels Saga se présente comme un casse-tête chinois, car le dénouement pourrait se résumer comme suit :
l le groupe ENL devant impérativement réduire sa participation au sein de Beachcomber de 50% à 30% l le risque que des directeurs d’ENL, de Rogers et de la Swan, entre autres, soient déclarés des « non fit and proper persons » pour siéger sur des conseils d’administration et surtout ; l des freezing orders de la Cour suprême jusqu’à hauteur de Rs 10 milliards.

La formal notice de Sunnystars, rédigée par les soins de Me Komadhi Mardemootoo, avouée, retrace les différentes étapes menant à la décision de la FSC de nommer Kriti Taukoordass en tant qu’investigator sur l’acquisition des actions du groupe New Mauritius Hotels Ltd par Rogers Ltd, ENL Land Ltd et Swan Life Ltd. Le rapport de l’investigator ayant été soumis à la FSC depuis un peu plus d’un an, soit le 25 mai de l’année dernière, Sunnystars déclare avoir reçu une copie de ce document sous pli de manière anonyme. Les findings de cette enquête sont les transactions à la Bourse sur les titres de New Mauritius Hotels ont été exécutées en violation de la Mandatory Offer Rule ; de la Rule 11 of the Securities (Takeover) Rules, de la section 111 (1) (b) et (c) de la Securities Act pour le délit d’insider trading.

Sunnystars allègue qu’à la réception du rapport de l’investigator, l’avis légal prodigué à la FSC était qu’il fallait appliquer les recommandations, mais que « the FSC was under immense pressure not to enforce the report. » D’où le communiqué officiel du 10 novembre 2017 suite à la réunion du board du 30 octobre à l’effet que, « having given due consideration to all material circumstances and in line with its object to ensure the stability of the financial system in Mauritius, the FSC is of the view that no further regulatory action is required. »
« The heat is on »
Contestant la décision de la FSC de clore cette enquête sur la NMH Saga, Sunnystars a élaboré une dizaine de questions sur le déroulement la réunion du 20 février 2017, où le régulateur avait décidé que, « from the evidence gathered so far and the materials available on record, it does not consider that any breach of the Securities Act (Takeover) Rules 2010 has taken place », soit, entre autres :
u si des membres du board de la FSC du 20 février 2017 ont des liens de parenté ou professionnels avec le groupe NMH, Rogers Ltd, ENL Land Ltd et Swan Life Ltd et leurs directeurs ;
u si les entités concernées avaient été convoquées à cette même réunion du 20 février, qui avait pris cette initiative et s’il y a un procès-verbal des délibérations ;
u s’il y a eu d’autres rencontres avec ces groupes, à part la réunion du 20 février 2017 ;
u s’il n’y avait pas de membres du board qui auraient évoqué la nécessité de contre-vérifier les informations fournies par le groupe NMH, Rogers Ltd, ENL Land Ltd et Swan Life Ltd au lieu de les prendre pour de l’argent comptant ;
u sur la base de quelle argumentation légale ou autre la FSC s’est appuyée pour décider que « no further action is required », rejetant du même coup les conclusions du rapport Taukoordass.
« Does the stability of the financial system in Mauritius require the FSC to ignore (a) investment business abuses and (b) illegal, dishonourable and improper practices, market abuse and financial fraud ? » se demande Sunnystars, en ajoutant que « these questions raise potentially serious issue under the Prevention of Corruption Act, the Financial Services Act, the Securities Act, the Criminal Code 1838 and the Criminal Code (Supplementary) Act of 1870. »
Sunnystars souligne que l’immunité accordée aux membres du board de la FSC n’est valide qu’en cas de « good faith and within their functions ad powers », alors que « the intentional or reckless non-compliance with the requirements of the amounts to bad faith. » Dans cette perspective, laformal notice qui a été servie sur la FSC vendredi note par rapport aux conclusions de l’investigator que « the FSC has failed to explain why there has been no action on its part in the light of the finding that Swan Life had acted in concert with ENL Land and Rogers Ltd to acquire NMH shares in February 2016 and the buyers failed to do a Mandatory Offer thereafter. »

Avant de sommer le Chairman et le Chief Executive Officer de la FSC de « discharge your statutory duties honestly and in good faith », Sunnystars n’hésite pas à soutenir que, « whereas in spite of the FSC’s clear statutory purpose, the delay and/or failure to act upon the Investigator’s Report and findings is unacceptable and inevitably gives rise to legitimate suspicion and perception of political pressure, traffic d’influence and interference in the discharge, by the FSC, of its statutory duties ».

En tout cas, en ce début d’hiver, the heat is on sur ces institutions régulatrices des services financiers pour une remise en ordre en prévision du blue print de la réforme du global business sector, avec le common link entre la Banque de Maurice et la FSC, Renganaden Padayachy, soucieux de ce qui pourrait être les conséquences sur le secteur financier de ces deux épisodes.

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