Économie et politique : Croissance toujours encore loin des 4% !

  • Zero Growth pour le tourisme annoncée pour 2019 contre 4,1% l’année dernière avec absence de visibilité pour 2020
  • Le textile et le secteur des exportations toujours sur le déclin avec des taux négatifs réédités, soit respectivement -3% et -3,2%
  • L’EDB pavoise avec une enveloppe potentielle de Rs 20 milliards de FDI pour cette année sur la base du flux de Rs 15,2 milliards pour les neuf mois de l’année

À la fin de 2019, avec l’économie reléguée au second plan pour céder la place à la politique, avec la tenue des élections législatives du 7 novembre, les dernières analyses de Statistics Mauritius ont remis en perspective les paramètres de base. Ainsi, la dernière édition des National Accounts Estimates, publiée à la veille de Noël, confirme que le taux de croissance anticipée pour cette année sera inférieur à celui de l’année dernière et en baisse par rapport aux dernières estimations de septembre. Le Produit intérieur brut (PIB), qui a passé pour la première fois la barre des Rs 500 milliards, soit Rs 70 milliards de plus qu’en 2016, devrait être de 3,6% en 2019 contre 3,8% l’année dernière, de même que pour les deux précédents exercices financiers. Au cours de cette décennie, la croissance économique n’a pu remonter au-dessus des 4%, en particulier les 4,4% de 2010, alors que les spécilialstes en matière économique s’accordent à dire que les 4% ne constituent qu’un minimum susceptible de garantir une croissance durable et soutenue. Mais le plus à craindre demeure la performance des traditional growth-pulling sectors. Après l’industrie sucrière, dans le sillage du démantèlement du Protocole-Sucre avec l’Union européenne, le textile ébranlé par l’élimination des filets de protection de l’Accord Multi-Fibres (AMF), le tourisme prend un grand coup de froid avec une croissance zéro en 2019 et une absence totale de visibilité pour l’année prochaine. Et la pression ne fait que s’accentuer sur le global business sector, notamment avec les nouveaux critères de qualification imposées par le Securities Exchange Board of India (SEBI) et les autorités mauriciennes tentant encore de se dépêtrer de cet écheveau administratif en faisant appel au pouvoir politique en Inde (voir l’édition de Week-End de dimanche dernier). Dans la conjoncture, il n’y a que l’Economic Development Board, en proie à une restructuration portant la griffe de Lakwizinn du Prime Minister’s Office, qui pavoise avec un flux de Foreign Direct Investment (FDI) de Rs 20 milliards pour cette année, soit Rs 3 milliards de plus qu’en 2018.

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Au cours des neuf premiers mois de cette année, la contre-performance du tourisme et du textile a pesé lourd dans la balance, poussant Statistics Mauritius à revoir à la baisse ses prévisions économiques pour 2019, soit un PIB n’enregistrant qu’une progression de 3,6% contre les 3,8% annoncés en septembre dernier, soit à la veille de la campagne pour les dernières élections législatives. Pour l’industrie touristique, la croissance zéro envisagée officiellement ne devrait pas surprendre, surtout les opérateurs à tous les niveaux, ayant déjà anticipé cette équation difficile de par l’évolution des paramètres de ce secteur depuis le début de cette année.

De ce fait, avec des arrivées de touristes ne dépassant pas 1,4 million, la croissance minimale de 1,8% ne sera pas réalisée. Maurice n’aura accueilli que 600 touristes de plus en 2019 comparativement à 2018, enregistrant une dégringolade par rapport aux 4,1% de cette dernière année. Mais ce qui inquiète davantage au sein de l’hôtellerie, l’une des opérations majeures du tourisme, demeure l’absence d’un sursaut de la part des décideurs politiques pour dégager « une plus grande visibilité sur le front international ». En privé, les major players de l’hôtellerie s’interrogent sur les moyens devant être mobilisés en vue d’échafauder un plan d’action pour la relance du tourisme, qui se trouve ces jours grippé. « Mais nous devons aussi faire preuve de patience et de souplesse car le nouveau ministre du Tourisme, Joe Lesjongard, n’est en poste que depuis moins de deux mois », rétorquent d’autres en public, même s’ils ne se cachent pour faire comprendre que « le temps pourrait jouer contre le tourisme local au vu de la rude concurrence venant d’autres destinations. »

Du côté, du textile et surtout des export-oriented enterprises (EOE), secteur d’activités économiques à la base du premier miracle économique, le renversement de tendance de ces dernières années ne s’opère toujours pas avec la filière textile manufacturing affichant une croissance négative de 3% cette année au lieu de 1,4% escompté lors des prévisions initiales. Cette baisse de 3% vient s’ajouter aux 6,8% de l’année dernière. Avec le Brexit, le divorce entre Londres et Bruxelles, et la morosité notée en cette fin d’année dans la consommation en Grande-Bretagne, la possibilité d’une reprise, même la plus timide, au cours des premiers mois de 2020 est, semble-t-il, très compromise. Les opérateurs dans le textile ne contrediront pas cette hypothèse en scrutant l’horizon des échanges commerciaux.

En ce qui concerne les EOE, les chiffres officiels du troisième trimestre dénotent une tendance à un sun-setting economic sector. Depuis juin de l’année dernière, où le nombre d’emplois était d’un peu plus de 50 000, soit déjà bien loin des 80 000 du temps du premier miracle, le dernier décompte à la fin de septembre dernier donne 45 650. Au cours de ces douze derniers mois, les entreprises d’exportation ont été délestées de 4 350 dans le créneau du wearing apparel.

La situation n’est guère brillante au chapitre des recettes d’exportations, avec une baisse de Rs 769 millions, soit de 6,7%, d’un trimestre à l’autre, ou encore par rapport à celles du trimestre correspondant en 2018. Pour les trois premiers trimestres, les recettes brutes d’exportations sont de Rs 32,4 milliards, une moyenne d’un peu plus de Rs 10 milliards par trimestre. À moins d’un sursaut dans les commandes de dernière heure, qui ne semblent pas le cas jusqu’ici, les opérations d’exportations de ce secteur devraient rapporter sensiblement le même montant que pour les deux précédentes années, notamment autour des Rs 43 milliards. Un chiffre très minime quand on constate que le déficit commercial pour les dix premiers mois de l’année se rapproche déjà des Rs 100 milliards, soit Rs 96 milliards.

Avec les mutations socio-économiques et une population active présentant des ambitions académiques plus aiguisées, les postes de machinistes dans des EOE n’offrent aucun attrait. Et cela depuis des années déjà, d’où le recours à la main-d’œuvre étrangères ou encore à la délocalisation. Ainsi, avec 850 entités incorporées, 27 000 emplois créés, dont 3 000 pour la seule période 2018-19 et une croissance de 5,5% pour chacune de ces deux dernières années, les ICT and digital services sont présentés par l’Economic Development Board comme un tremplin sûr pour les school leavers.

BPO sous de bons augures

Le segment Business Processing Outsourcing (BPO), avec des sociétés comme Accenture/Orange Business Services, Euro CRM, Allinz Group, BDO Solutions et DSO, en tant que fers de lance, 2020 s’annonce sous de bons augures. « Employment in ICT industry continues to grow to reach 27 000 representing a 12,5% increase since 2017/18 ; majority of the increase emanates from BPO segment with a 15% increase in employment », souligne un rapport de l’Economic Board en guise de survol de l’économie en cette fin d’année, ajoutant que  » EDB is enabling digital transformation harnessing the benefits that come with the digital economy, namely good jobs, stronger businesses and better quality of life ».

Pour le début de l’année prochaine, les TIC présentent des
« immediate requirements » pour quelque 2 000 postes additionnels, dont principalement des spécialistes en informatique. Il faudra s’attendre également à voir des expansions parmi les dix major BPO operators, représentant à eux seuls 35% des emplois disponibles, alors qu’un processus d’Increased industry consolidation par le biais de mergers & acquisition, notamment Accenture rachetant TNT/AXA, Euro CRM et Multicontact, Outremer en Intelcia, VWR par Avantor Group, Converys par Concentrix ou encore CCA International par Comdata, devrait confirmer la vitalité de la filière des TIC.

Cette étape de consolidation dans ce secteur économique émergent est accompagnée de la formation des jeunes pour se lancer dans l’économie digitale, avec notamment le Digital Youth Engagement Programme ciblant quelque 2 500 jeunes et une cinquantaine de bourses dans les domaines de l’artificial intelligence et du blockchain. Côte d’Or, « the place to be », devra voir la réalisation d’un projet d’ICT infrastructural park. Ce plan est actuellement à l’étude en vue de répondre à la demande croissante pour des espaces-bureaux, de même que la mise en place de nouveaux disaster recovery and data centres. Ces nouvelles infrastructures viendront complémenter les quelque 84 900 mètres carrés de bureau disponibles aux cyber tours 1 et 2 à Ébène, à Mer-Rouge et à Rose-Belle.

Le document Economic Development Board Achievements and Initiatives 2019 consacre également tout un chapitre à Emergence of Technology Start-Ups and Growing Digital Champions. Mention est faite de la soixantaine de start-ups qui ont vu le jour au cours de ces deux dernières années, des trois accrecited incubators et des 24 projets en cours. Le succès retentissant obtenu par Lalita Junglee de Recycle-Moi sur le plan local aussi bien qu’international et la visibilité accrue de Travel Budd, Rwazi, Aeraccess, Talenteum sont autant de preuves de la vivacité de l’esprit d’entrepreneur des Mauriciens.

L’Economic Development Board ne rate pas de souligner que « the implementation of Mauritian Regulatory Sandbox Licence has led to the creation of a growing number of start-ups in the fintech space specialized in the fields of Crowdlending, Film, Completion Guarantee Bonds, Robo/AI Fund Management, Distributed Ledger, Based and Identifcation System ».

Dans un autre ordre d’idées, les derniers chiffres compilés par la Banque de Maurice au titre du Foreign Direct Investment (FDI) au 30 septembre dernier, sont accueillis avec jubilation à l’Economic Development Board. Au sein de cette dernière institution, dont le mandat est de promouvoir les investissements à Maurice, l’on se dit confiant que les prévisions initiales de Rs 20 milliards de FDI cette année seront atteintes à la fermeture des comptes cette semaine contre Rs 17,4 milliards en 2018.

Au 30 septembre dernier, soit pour les neuf premiers mois, le montant des investissements directs venant de l’étranger était de Rs 15,2 milliards, contre Rs 11,5 milliards à septembre de l’année dernière, représentant un hausse de 32,5%. À cette même date, le gros de ces placements est engagé dans les real estate activities, soit Rs 13,6 milliards, dont Rs 4 milliards que pour les douze mois de 2018. Dans le cadre de la promotion des investissements dans l’immobilier de luxe, l’Economic Development Board privilégie des développements dans des produits comme des property development schemes (PDS) for senior citizens, le National Regeneration Programme, MICE, Casino Resort, Marina and Sailing Tourism and Theme Parks. Le nombre de smart cities certificates émis est de neuf, avec des investissements de
Rs 10,5 milliards à ce jour et 55 PDS projects pour la construction de
« property-built luxury retirement-based communities » pour des investissements de Rs 7 milliards ont été octroyés.

D’autre part, les financial and insurance activities ont attiré des investissements de Rs 354 millions, contre Rs 4,1 milliards à pareille époque l’année dernière, les activités relevant de la santé et du travail social Rs 353 millions et le secteur manufacturier Rs 286 millions, en hausse comparativement aux Rs 56 millions de l’exercice précédent.

Toujours au chapitre des preliminary gross direct investment flows publiés par la Banque de Maurice, sur les Rs 15,2 milliards injectées à septembre dernier, Rs 8,7 milliards proviennent d’Europe, dont Rs 5,5 milliards de France, Rs 844 millions de Suisse, Rs 820 millions du Royaume-Uni et Rs 238 millions du continent nord-américain.
« The Euro area accounted for more than half of the total gross direct investment inflows », fait ressortir la Banque centrale dans son résumé sur le site web.

Maurice a bénéficié des investissements directs de Rs 6,5 milliards venant des developing economies, dont Rs 3,7 milliards d’Afrique du Sud, Rs 745 millions de Chine, en baisse par rapport aux Rs 1,5 milliard de 2018, et Rs 505 millions d’Inde, contre Rs 1 million l’année dernière.

En contrepartie, des entrepreneurs locaux ont investi Rs 1,7 milliard à l’étranger de janvier à septembre de cette année. Un peu moins de Rs 1 milliard ont été consacrées aux financial and insurance activities. Un montant presque similaire a été investi en Afrique, dont Rs 348 millions aux Seychelles. L’Inde se retrouve avec Rs 515 millions de placements directs de Maurice.

End of Year Eco Tit-Bits

Rs 11,4 milliards de GM Securities  pour le premier trimestre

Le ministère des Finances, de concert avec la Banque de Maurice, a déjà établi le calendrier d’émission de Government Securities pour le premier trimestre de l’année prochaine. Ces incursions sur le marché devra permettre au gouvernement de lever un montant global de Rs 11,4 milliards par le truchement de différents instruments financiers.

Trois émissions de three-year benchmark treasury notes pour Rs 5,2 milliards, soit le 22 janvier pour un montant de Rs 1,5 milliard, le jeudi 13 février pour Rs 2 milliards et le mercredi 18 mars pour Rs 1,7 milliard.

Deux émissions de five-year benchmark Government of Mauritius bonds, soit le mercredi 8 janvier pour Rs 1,5 milliard et le jeudi 20 février pour Rs 1,6 milliard, et deux séries de ten-year et fifteen-year inflation indexed Government of Mauritius bonds, soit Rs 1,6 milliard le mercredi 5 février et Rs 1,5 milliard le mercredi 4 mars de l’année prochaine.

7 319 permis du PIO à des étrangers

À ce jour, le Passport and Immigration Office, responsable de la gestion des occupation permits et des residence permits à des ressortissants étrangers, confirme l’octroi de 7 319 permis. Pour la seule période du 1er janvier au 26 décembre, 2 544 permis ont été délivrés à des étrangers, dont 2 102 pour des raisons professionnelles, 184 à des investisseurs étrangers, 175 à des retired non-citizens et 83 à des entrepreneurs. Des 7 319 active permits autorisés par le Passport and Immigration Office,
5 366 l’ont été pour des professional reasons.

Rs 2,5 milliards pour la construction de trois cliniques contre le cancer

Maurice pourrait être dotée de nouvelles facilités pour le traitement du cancer. En effet, trois cliniques privées devraient être opérationnelles, car l’Economic Development Board a déjà donné son feu vert dans le cadre de ses activités visant à attirer des investissements dans le créneau des medical speciality hospitals. Avec les travaux démarrant l’année prochaine, les investisements sont de l’ordre de Rs 2,5 milliards avec deux des trois cliniques situées à Cascavelle et à Rose-Belle. La création de 200 emplois est prévue à cet effet.

Des cliniques existantes ont également soumis des plans en vue de leur extension et quatre autres projets de cliniques privées sont encore à l’étape préliminaire avec des injections de fonds de l’ordre de Rs 4 milliards. La contribution des private healthcare services est estimée à 4,4% au PIB avec un potentiel de 8 500 emplois.

En parallèle, le nombre de medical tourists continue à progresser à un taux de 10% annuellement et a déjà franchi la barre des 10 000 en une année.

3 740 étudiants étrangers sur les différents campus

À la rentrée universitaire de septembre dernier, le nombre d’étudiants étrangers enregistrés officiellement sur les différents campus à travers l’île s’élève à 3 740, soit une progression de 29% par rapport aux 2 900 de décembre de l’année dernière. Ces étudiants viennent d’au moins 70 pays étrangers, dont l’Inde, le Nigeria, l’Afrique du Sud, Madagascar, la France, l’Ouganda, le Kenya ou encore la Tanzanie. En parallèle, les institutions supérieures ont établi des relations avec des universités à l’étranger en vue de renforcer le cursus et les programmes d’études disponibles. Ainsi, l’Université des Mascareignes collabore avec l’université de Limoges en France pour un master en Artificial Intelligence and Robotics, l’université de Maurice avec l’université d’Arizona aux États-Unis pour un First Degree en Cyber Operations avec accent sur la défense et les forensics, et Curtin Mauritius avec Toulouse Business School pour un Double Major en commerce et gestion.

Les prochaines étapes du National E-Licensing System

Lancé en mars 2019, le National E-Licensing System, la plateforme présentant « a single point of entry for business licences », s’apprête à passer à la vitesse supérieure. À ce jour, les demandes pour des occupational permits en faveur des étrangers, des building and land use permits (BLUP), des occupation permits pour les 12 autorités locales et des permis de morcellement (Pre-Construction) sont traitées sur cette plateforme. Toutefois, à partir de mars prochain, les nouveaux services disponibles à partir du National E-Licensing System seront les permis de morcellement (Post-Construction), d’Environment Impact Assessment, de Preliminary Environment Report, Land Conversion Permit et de Film Rebate Scheme. Par ailleurs, la Banque mondiale a sollicité l’autorisation de Maurice en vue de faire du National E-Licensing System comme un case study pour appliquer le système dans d’autres pays.

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