ÉCONOMIE – La BoM marche sur la corde raide

  • Les « Reserves » passent de Rs 25,8 milliards à Rs 7,8 Mds avec la mesure de Pravind Jugnauth de transfert de Rs 18 milliards pour le remboursement anticipé de la dette publique

La Banque de Maurice (BoM) a entamé la nouvelle année en marchant sur la corde raide. En effet, le niveau des réserves de la Banque centrale est passé de Rs 25,8 milliards, ou exactement Rs 25 799 710 436 à Rs 7,8 milliards. Ce développement est survenu avec la mise à exécution de la décision de l’ancien Grand Argentier, Pravind Jugnauth, de faire transférer une somme de Rs 18 milliards de cet item des comptes de la Banque de Maurice au ministère des Finances en vue de procéder à un remboursement anticipé de la dette publique. C’est ce qu’indiquent les Bank of Mauritius Assets and Liabilities à la fin de décembre dernier.

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À ce jour, aucun autre détail n’a transpiré au sujet des montants de la dette publique, qui ont été remboursés en anticipation à la fin de l’année dernière. Il faudra attendre à la fin de ce mois pour prendre connaissance de plus amples détails sur les mouvements dans la dette publique avec la publication officielle par le ministère des Finances des Public Sector Debt Data pour le trimestre se terminant au 31 décembre dernier.

Toutefois, en dépit de ce remboursement en anticipation, le niveau de la dette publique demeurera au-delà de barre des Rs 300 milliards. Car au 30 septembre dernier, la dette publique était de Rs 324,9 milliards, représentant 64,8% du PIB. La confirmation de ce transfert de Rs 18 milliards des réserves de la Banque de Maurice et les risques inhérents à cette opération devront ainsi relancer la vive polémique suscitée lors de la présentation du Budget 2019/20. En effet, le 10 juin de l’année dernière, Pravind Jugnauth avait annoncé que « we will make early repayment of public sector debt by using parts of the accumulated undistributed surplus held by the Bank of Mauritius ».

En ce début de semaine, la controverse autour de cette mesure budgétaire est relancée.

Réagissant à la lecture des comptes de la Banque Centrale à la fin de l’année dernière, Reza Uteem déclra que: « selon le bulletin mensuel, il est clair que le transfert de Rs 18 milliards a été effectué après les élections à la demande du nouveau ministre des Finances. C’est de mauvais augure pour l’indépendance de la Banque de Maurice (BoM). Le nouveau ministre des Finances, Renganaden Padayachy, doit accepter qu’il n’est plus le no 2 de la Banque de Maurice. C’est la raison pour laquelle il faut savoir, si conformément aux amendements apportés à la Bank of Mauritius Act, le conseil d’administration de la BOM s’est réuni pour se pencher sur ce dossier, quand la réunion a-t-il eu lieu, quelles sont les circonstances exceptionnelles qui ont motivé l’approbation de ce transfert? Et comment le transfert de 70% du montant total du Special Reserve Fund n’affecte pas « l’efficient discharge » de la Banque de Maurice? Pour nous il est clair que le gouvernement a opté pour la dépréciation délibérée de la roupie mauricienne pour faire les frais des promesses électorales. On comprend pourquoi les consommateurs se plaignent d’une hausse du coût de la vie. Par ailleurs, la mise en circulation de l’ordre de Rs 6 milliards sur le marché. »

Pour l’économiste et observateur sur le front de l’économie, Éric Ng, cela représente un mauvais signal. « La décision du gouvernement de la Banque de Maurice de puiser Rs 18 millards du Special Reserve Fund constitue un mauvais signal envoyé à la population. Ce fonds est constitué de biens de change, c’est-à-dire de revenus découlant de la dépréciation de la roupie et qui y sont transférés. C’est une indication que le gouvernement pourrait adopter une politique de dépréciation de la roupie pour réalimenter ce fonds. »


Xavier-Luc Duval : « Le gouvernement doit dire la vérité »

Pour Xavier-Luc Duval, le gouvernement « doit dire la vérité » et reconnaître qu’il se sert de cet argent pour financer l’augmentation de la pension et d’autres promesses gouvernementales au lieu, comme l’avait promis l’Alliance nationale, de baisser le train de vie du gouvernement et de réduire les dépenses. Il n’est ni raisonnable ni soutenable de prendre les profits de la Banque de Maurice pour financer ce genre de dépenses du gouvernement. Les revenus du Special Reserve Fund émanent principalement de la réévaluation de l’or de devises étrangères détenus par la BoM à la fin de chaque année. Ce genre d’utilisation des profits de la BoM a été condamné par le Fonds monétaire international dans d’autres pays.  Le grand problème est que les assets de la banque perdent de leur valeur. Ces profits sont normalement utilisés par la BoM pour protéger la roupie et absorber les excès de liquidité. C’est l’indépendance de la BoM et la politique monétaire qui sont mises en cause ».


Arvin Boolell : « La BoM a perdu son indépendance »

Pour le leader de l’opposition, Arvin Boolell, la décision de puiser dans le Special Reserve Fund de la Banque de Maurice est la preuve que la Banque centrale « a perdu son indépendance ». Il ajoute : « Pour moins que cela, le gouvernement de la Bank of India avait dû soumettre sa démission. » Il explique que « c’est la première fois depuis l’indépendance qu’un ministre des Finances touche au Reserve Fund ». Il poursuit : « Cet argent est normalement utilisé pour “mop up” l’excès de liquidité de manière à contrôler l’inflation. Le ministre des Finances doit expliquer quelles sont les dettes qui ont été remboursées et comment ces Rs 18 milliards ont été utilisées. Or, il semblerait qu’une partie de cet argent a été mise en circulation. Ce qui alimentera l’inflation et le coût de la vie. Nous savons qu’une partie de ce fonds vient des gains réalisés sur le taux de change. Le gouvernement s’est donc engagé dans la manipulation de la roupie pour alimenter ce fonds et pour compenser la faillite en termes de revenus sur le plan sectoriel. Ce gouvernement est en panne d’idées. »

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