ÉCRITURES : Mongane Serote, le sage et la ferveur

On sait la place qu’occupe la conscience noire dans l’oeuvre de Mongane Wally Serote : une place centrale autour de laquelle gravitent comme autant de variations ses textes poétiques et en prose. Une oeuvre pétrie conjointement de littérature et de réalité. Célèbre écrivain et poète d’Afrique du Sud, Mongane Serote est né dans un township de Johannesburg en 1944 et a grandi à Alexandra (une communauté très politisée). Il est connu comme poète et « soldat » : militant de l’ANC, proche du parti communiste ce qui lui a valu la prison, le confinement (détention en solitaire, en silence) sous le Terrorism Act en 1969 et représentant de la renaissance de l’écriture noire. La littérature, sous ce rapport, est marquée du double sceau de la violence et de l’exil et les conséquences se mesurent dans le rapport qu’entretient Serote avec sa propre écriture et son pays ; êtres de ruptures, lieux de chaos, violence, marquent son oeuvre.
Après un séjour en prison, Serote émigre en 1974 aux États-Unis et suit des études de filmologie à Columbia. Ensuite, il travaille au département art et culture au bureau de l’ANC à Londres. L’exil lui a permis d’élargir sa culture. De retour en Afrique en 1977, il fonde le MEDU (association d’artistes) au Botswana. Aujourd’hui, il est à la tête du Freedom Park Trust à Prétoria (Institution qui a pour but de conserver et de transmettre la mémoire des luttes et les valeurs de ceux qui les ont portées). Si l’apartheid a provoqué des pressions dans le champ de la littérature, Wally Serote ne renie pas l’aspect contestataire de l’écriture lorsqu’on est opprimé (la relation d’un vécu) mais il insiste sur les relations humaines. Il souligne aussi l’importance du multiculturalisme dans un pays comme l’Afrique du Sud et on sait l’enjeu des langues dans la promotion de la culture. Dans Come and Hope with me, il est question d’humanité et de compassion. Le roman de Mongane Wally Serote, To Every Birth Its Blood, évoque le ghetto d’Alexandra. Ce récit se déroule dans un endroit curieux et dangereux. Une communauté divisée et appauvrie va bientôt se transformer en lieu de fraternités et de partages entre habitants de quartier et groupes de militants politiques… Serote parle volontiers de ce monde imprégné de violence dans une écriture éclatée : « Des maisons. Des maisons en fer blanc. Des maisons en briques. Des rues éventrées. Des odeurs. Dans les rues des eaux sales. Une ville obscure, l’antre du Diable. Le quartier noir. Alex. Mais qu’est-ce que ce fouillis? C’est chez nous. Notre pays. Notre univers. Alexandra. Des autorisations. Des laissez-passer. La police. » C’est alors que le jeune Serote connut l’humiliation lorsqu’il fallait demander un laissez-passer. Le timide devint poète pour dire ses sentiments refoulés, les non-dits. Sa poésie marquée par l’introspection est placée sous le signe de la conscience noire, l’expérience des noirs sous l’apartheid. Le poète entretient une relation complexe avec les images pétrifiantes : « C’est une saison blanche et sèche mon frère, les arbres seuls connaissent la douleur… » C’est de ce poème qu’André Brink a tiré le titre de son roman Une saison blanche et sèche. La poésie de Serote s’écrit sous la menace du silence lorsque le poète et le monde se pétrifient. La langue est éclatée. Les phrases évitent le déploiement. La contraction énergique, le combat intérieur, la rédemption caractérisent les écrits de Serote. Ils appellent en conclusion des remarques plus vastes. Une littérature du sentiment et du combat est possible. Au Salon du livre Confluences 2014, Ile Maurice, Mongane Serote, le sage, a démontré la profondeur et la sincérité du sentiment. Il a confronté sa voix à celle d’écrivains plus jeunes et représentatifs d’un paysage littéraire subtil.

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