ÉDUCATION — AU CYCLE PRIMAIRE: « Zippy, c’est mon ami ! »

« Les Amis de Zippy » est un programme international destiné aux enfants de cinq à sept ans. Son objectif : promouvoir le bien-être social et émotionnel des jeunes en les aidant à mieux s’adapter aux difficultés du quotidien. Rencontre avec l’ami Zippy à l’école primaire Lorette de Vacoas…
Zippy sort de sa boîte magique. Il est vert. Ses yeux sont… globuleux. Pour les enfants, il est un insecte brindille, voire plus. « Zippy est notre ami », disent les élèves de l’école primaire Lorette de Vacoas en saisissant la peluche.
« Les Amis de Zippy » est un programme novateur de promotion de la santé mentale en milieu scolaire visant l’acquisition des mécanismes d’adaptation par les enfants du premier cycle du primaire. Développer des « coping skills » est essentiel pour aider les tout-petits à faire face aux difficultés de la vie au quotidien.
Hypothèse
Au départ, l’intuition a émergé de cette logique : si les enfants peuvent développer un bon répertoire de mécanismes d’adaptation efficaces dès leur plus jeune âge, ils seront moins sujets à développer des problèmes sérieux plus tard. De nombreuses recherches ont démontré que les conséquences négatives des événements stressants peuvent être évitées par l’utilisation de mécanismes d’adaptation appropriés (Lazarus et Folkman, 1984). Ces mécanismes intègrent des méthodes de réaction face aux situations stressantes et problématiques. Ils sont soit centrés sur l’agir (behavior-f.) – comportements qui tentent à résoudre les problèmes et à changer la situation (ex. lors d’un conflit) – soit centrés sur l’émotion (emotion-f.) – tentatives de diminuer les émotions négatives suscitées par l’événement sans changer la situation (ex. lors d’un décès).
Selon le modèle de Lazarus et Folkman, il n’existe pas de mécanismes d’adaptation toujours bons ou toujours mauvais. Pas d’absolu. Si les individus élargissent leur répertoire de mécanismes d’adaptation et apprennent à identifier ceux capables de diminuer les conséquences négatives des situations, ils sont susceptibles de vivre moins de conséquences négatives.
Les enfants sont exposés à une variété de situations stressantes auxquelles ils doivent s’adapter et qui représentent un défi pour leur développement sain. Les exemples sont nombreux : l’alcoolisme, la dépression, le divorce des parents, une maladie chronique ou des procédures médicales stressantes, un rejet de leurs pairs et des difficultés académiques.
La diversité et l’adéquation des mécanismes d’adaptation expliquent ainsi en partie les conséquences plus ou moins favorables des situations stressantes sur la santé mentale, le bien-être et le développement des tout-petits. L’idée centrale du programme « Les Amis de Zippy » est d’enseigner tôt aux enfants à s’adapter aux difficultés pour qu’ils soient mieux outillés à résoudre les problèmes qui les attendent à l’adolescence et à l’âge adulte.
Le programme est composé de 24 séances de 50 minutes par semaine. Il comporte six modules : 1) les sentiments, 2) la communication, 3) l’établissement et l’interruption des relations, 4) la résolution des conflits, 5) les changements et les pertes et 6) l’adaptation. Ses objectifs comptent trois volets. Outre l’autonomisation émotionnelle de l’enfant par des techniques d’écoute, de contrôle et d’ouverture à l’autre, Zippy se veut aussi l’ami des enseignants et parents (voir hors-texte)
Pratique
« Zippy n’est pas une classe où l’on est silencieux. Ce n’est pas une matière », affirme Élodie de Chazal, institutrice et facilitatrice du programme à l’école primaire Lorette de Vacoas. À travers le programme, il est question de promouvoir le bien-être social et émotionnel des enfants. Il faut ainsi être en mesure d’entraîner l’élève dans une autre sphère pédagogique, renchérissent les collègues d’Élodie de Chazal, Annabelle Paris, Marie-Lourdes Yan et Patricia Rambhujun.
Comment se déroule la classe ? Comme un rituel, elle commence avec une chanson. « Si tu as la joie au coeur, dis Zippy ». Puis on sort la peluche Zippy de la boîte. Chaque enfant pourra dire bonjour à cet « ami ». « Ce qui est top avec Zippy c’est cet espace qu’ont les enfants…  Ils attendent la rencontre avec l’ami Zippy séance après séance. Ils se bagarrent même pour aller le chercher. Zippy devient vraiment un ami à qui les tout-petits confient leurs secrets », explique Patricia Rambhujun.
C’est ensuite le moment de rappeler les règlements des Amis de Zippy : « Être à l’écoute, ne pas interrompre, ne pas brusquer, ne pas dire des choses méchantes sur les autres, ne pas être obligé de dire quelque chose si on ne veut rien dire ». Les jalons sont ainsi posés pour un climat de confiance et de respect où chacun s’écoute.
« Avec Zippy, les enfants ont très bien intégré la notion de partage », confirme Annabelle Paris. Il importe d’accueillir ce que dit l’autre, savoir quand participer à l’échange. « Il est vrai que certains parlent beaucoup, d’autres moins », poursuit l’institutrice. « Mais Zippy aide les plus timides à s’exprimer », souligne Élodie de Chazal.
Les enfants se disent quant à eux fans de Zippy. Raisons : « Zippy nous aide à parler », « Zippy nous aide dans la cour de récrée, nous aide à trouver des amis pour jouer », « Je lui raconte plein de choses quand je suis content et pas content ». Des mots qui illustrent bien que ce programme aide les plus jeunes à communiquer.
Selon Patricia Rambhujun, les tout-petits « apprennent à ne pas blâmer. Ils comprennent la portée des mots. Au lieu du “tu es méchant parce que tu…”, ils disent désormais “je suis triste parce que… ”». Les enfants apprennent ainsi à communiquer autrement. « On privilégie le je au tu (on joue le je). »
L’intelligence de la communication, soutenue par un apprentissage de l’écoute, favorise une autonomie affective. Ils apprennent à penser des situations. « Ils savent se mettre en groupe pour gérer les conflits. Avec Zippy, on ne juge pas. On essaye de trouver des solutions en réfléchissant ce qui serait le mieux, tout en ne faisant pas du tort à l’autre », explique Patricia Rambhujun.
Il y a également la valeur du soutien mutuel. « Un des enfants peut dire “je suis triste” et on entend immédiatement “qu’est-ce qu’on peut faire pour que tu te sentes mieux”. Les autres enfants y vont ainsi de leurs petites suggestions », confie Annabelle Paris. La théorie se reflète par ailleurs dans la pratique. « Ils savent appliquer Zippy dans d’autres classes», ajoute la facilitatrice. Et d’avancer que Zippy apporte une « meilleure connaissance des élèves et de leurs besoins émotionnels ». Les institutrices s’accordent à dire que « Zippy nous aide à voir des choses qu’on ne remarque pas d’habitude ».
Quid de la relation parents-enfants ? L’anecdote parle d’elle-même : « L’enfant nous explique que grâce à Zippy il a développé une petite stratégie quand ses parents discutent. Il nous raconte : “Moi, quand mes parents parlent fort, je leur dis d’arrêter parce que mes oreilles font mal” ». Les enfants adaptent ainsi leurs outils. À l’école primaire Lorette de Vacoas, on est donc « super enthousiaste » même si « pour un vrai bilan, il faut attendre une année ».

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